Dans la vallée de la Vésubie, qui a retrouvé ses axes de circulation, la saison estivale n'a pas été trop mauvaise. Dans la vallée de la Roya, c'est par le train gratuit que les visiteurs sont venus, mais uniquement sur la journée. Le bilan d'un été particulier.
Elle n'était pas évidente cette saison estivale ! Il y a, bien sûr, la situation sanitaire et l'obligation du pass sanitaire dans certains établissements.
À cela s'ajoutent certaines conséquences toujours visibles de la tempête Alex. Sur ce dernier aspect, avec une différence suivant les vallées : si les routes ont été rapidement reconstruites dans la Vésubie, celle de la vallée de la Roya commence tout juste à être pleinement accessible.
"Les gens avaient besoin de sortir"
"Pour moi, ça s'est bien passé. Le mois de juillet a été chaotique à cause de la pluie, mais le mois d'août a été correct, même si l'obligation du pass sanitaire a fait perdre des clients." Michel Veglio est à la tête du Rendez-vous, un "petit restaurant avec beaucoup d'habitués" situé à Saint-Martin-Vésubie dans les Alpes-Maritimes. Il souligne le "sacré boulot" réalisé pour rétablir les routes dans la Vésubie.
Même son de cloche à Belvédère, chez Marianne Delande et ses cabanes dans les arbres. "J'ai eu un très bon taux de remplissage cette année." La gérante des Ecrins de Belvédère a surtout vu passer des touristes locaux des Alpes-Maritimes, du Var ou des Bouches-du-Rhône.
Les gens avaient besoin de sortir de leur ville et ont cherché des endroits à moins de deux heures de chez eux.
Du côté de l'office de tourisme métropolitain, il n'y a pas encore de bilan en terme de fréquentation mais la première tendance serait "très légèrement" à la hausse par rapport à 2020 avec, comme pour Michel Veglio, un mois d'août "meilleur que juillet".
Cet été, les touristes sont principalement venus de la région Paca, d'Île-de-France et de Rhône-Alpes ; les étrangers ont été moins présents.
Bilan mitigé dans la Roya
Dans la vallée de la Roya, "on est content d'avoir pu ouvrir", assure Laurent Collard, le co-gérant de Mat&Eau rafting. Cet été, moins de touristes sont venus se mouiller chez lui et il a dû jongler avec des réservations de dernière minute
L'année dernière, on était complet quinze jours à l'avance sur le canyon, de mi-juillet à mi-août. Cette année, nous avons été complet seulement pendant 5 à 6 jours, trois jours à l'avance.
Car le problème, à Breil-sur-Roya, c'est le manque d'hébergement. Résutat, les touristes viennent pour la journée.
Tourisme à la journée
Dans le haut de la vallée, il y a bien une offre hôtelière, mais, cet été, c'est son accessibilité qui faisait défaut : la RD6204 n'a été rouverte à la circulation que le 30 août dernier.
Alors c'est le Train des Merveilles, rendu gratuit tout l'été, qui a fait carton plein.
250-300 personnes chaque jour l'ont emprunté. Il a fallu même refusé du monde parfois !
Une bonne fréquentation, mais qui n'a pas profité à tout le monde car, ici aussi, les vacanciers sont venus et repartis avec le train sur la journée.
Résultat, Aline Bourgeois, qui gère l'Hôtel du centre à Tende, n'en a pas vraiment profité. "En juillet, grâce au festival Passeurs d'humanité, cela a été. Mais en août, j'ai fait moitié moins que d'habitude."
Cette baisse de fréquentation s'explique par le hameau de Casterino toujours inaccessible (voir plus bas), l'absence des Italiens à cause du tunnel de Tende et un seul restaurant ouvert le soir (deux, le midi). "J'ai 3 chambres qui viennent de s'annuler pour demain parce que les gens ne pourront pas manger le soir", déplore l'hôtelière.
Les restaurants, eux, ont "fait une bonne saison grâce aux touristes qui montent par le train", comme le dit Vincent Berlingeri, le gérant de La Margueiria, le seul restaurant de Tende ouvert midi et soir.
Je suis complet tous les midis depuis la mi-juin et je l'ai été tous les soirs de mi-juillet à mi-août. Nous avons refusé beaucoup de monde : environ 300 personnes par semaine.
Dans le village d'à côté, à La Brigue, même contat. "Même si c'est moins que l'année dernière, le restaurant a bien fonctionné le midi grâce au Train", confirme Patrick Teisseire. Le gérant de l'Auberge Saint-Martin, qui était plutôt inquiet au début de la saison touristique, a ainsi pu remplir "régulièrement" sa terrasse de 40 couverts le midi. "Avec toutes les complications qu'on a eu, c'est pas trop mal."
Des touristes qui font tourner les restaurants, mais qui restent dans les villages.
Peu ont poursuivi leur chemin jusqu'à la chapelle Notre-Dame des Fontaines, la "Chapelle Sixtine des Alpes-Maritimes" située à 4 kilomètres à l'est de La Brigue.
"Cette année, il y a eu deux fois moins de visiteurs à la Chapelle, mais 2020 avait été une année exceptionnelle", se souvient Marie Garcin-Zaiter, de l'office de tourisme Menton, Riviera et Merveilles.
Le grand perdant : Casterino
Eux n'ont toujours pas retrouvé de route, c'est le hameau de Casterino, sur les hauteurs de Tende. La route départementale n'est pas reconstruite ; la piste militaire de Speggi est interdite ; et les conditions de circulation sur la route des 50 lacets (par le col de Tende) sont telles que les touristes ne peuvent pas réellement l'emprunter.
Par rapport à l'année dernière (juin à septembre 2020), nous avons -85,5% de perte de chiffres d'affaires.
"On s'est battu pour récupérer certains clients, avec de la promotion et de la communication sur les réseaux sociaux", poursuit Karine Rigaud. Mais en vain. Il y a bien eu quelques Italiens venus de Limone via une piste accessible, d'autres sont venus en vélos électriques sur la journée.
Mais du côté des Français, personne. À deux détails près : un organisateur d'excursions pédestres venu plusieurs fois avec des petits groupes et le Secours populaire, qui "a fait séjourner 58 personnes sur place pendant une semaine début août".
On est désespérés, découragés parce qu'on ne sent aucune volonté de faire avancer les choses. Personne, aucun officiel n'est venu nous voir !
"On ressent vraiment une sensation d'abandon", continue Karine Rigaud. "Heureusement, on a une CCI qui nous soutient et nous remonte le moral, mais il nous faudra des aides pour pouvoir tenir jusqu'à la reconstruction des routes. Il faut que le Conseil général prenne conscience que ça va mal !"
Ces habitants et ces professionnels lancent un cri de détresse : "deux saisons d'hiver et d'été en moins, c'est toute la clientèle qu'il faudra refaire ! On craint de perdre notre identité."