Economiser l'eau à tout prix, c'est le mot d'ordre des collectivités face à une précieuse ressource qui diminue. En tête des villes qui ont obtenu le feu vert des autorités : Cannes, suivie de près par Antibes et Nice.
Sur la Côte d'Azur, la bataille de l'eau a déjà commencé.
Face à la sécheresse, les villes essayent d'être les premières à obtenir les précieuses autorisations pour réutiliser les eaux usées.
Même si la perspective de nouvelles restrictions s'éloigne grâce aux pluies du mois de juin, les maires de la Côte d'Azur ont bien compris l'enjeu de ce recyclage de l'eau. Certains ont initié ces démarches bien avant les alertes de sécheresse.
Cannes et Mandelieu-La Napoule
Pour David Lisnard, aucun doute, la ville de Cannes est la première à obtenir la validation. Le maire LR demandait cette réutilisation des eaux usées traitées par la station d’épuration Aquaviva depuis 10 ans.
Une idée simple sur le papier, mais difficile à mettre en œuvre car il faut obtenir le feu vert de l'état et des autorités sanitaires (ARS). L'attente a été longue et la bataille administrative jugée "harassante".
Le 26 mai dernier, l’agglomération cannoise a obtenu l’autorisation par l’État de mettre en œuvre ce projet précurseur.
Cela concerne Cannes et les communes de l'agglomération : Théoule-sur-Mer, Le Cannet, Mougins et Mandelieu-La Napoule.
David Lisnard, le président de l'agglomération Cannes Lérins, s'en félicite.
La réutilisation des eaux usées et brutes pour le lavage des rues, l’irrigation des espaces verts, le nettoyage des équipements sportifs et celui des bateaux est une première en France. Nous pouvons aussi étendre cet usage aux autres communes, professionnels et particuliers qui le souhaitent.
David Lisnard, président de l'agglomération Cannes Lérins et maire (LR) de Cannes.
L’agglomération Cannes Lérins souhaitait valoriser les 15 millions de m3 d’eau traitée de la station d’épuration Aquaviva, une eau jusque-là rejetée en mer.
Ces solutions pionnières sont désormais exploitables et rendues possibles grâce aux investissements réalisés de façon anticipée depuis plusieurs années.
Michel Tani, directeur des services d'agglomération Cannes Lérins explique comment on obtient une eau "réutilisable" :
On a une station d’épuration qui a un procédé très poussé avec l’utilisation de membranes. (...) On a déjà une eau qui sort de la station extrêmement qualitative, aucun micro plastique, plus aucun flottant, une eau qui est vraiment de très bonne qualité. Et ce qu’on y a ajouté, c’est une étape de désinfection complémentaire avec des ultra-violets.
Michel Tani, directeur des services d'agglomération Cannes Lérins
Des capteurs intelligents sur le réseau
Autres pistes pour préserver cette ressource : du gazon synthétique, des plantes peu gourmandes en eau, l'arrosage par un système de goutte-à-goutte, la récupération de l'eau de pluie pour alimenter les sanitaires (à la Scène 55 de Mougins), des fontaines en circuit fermé.
À Mandelieu-La Napoule, la commune investit dans la modernisation des canalisations d’eau potable avec près de 2 millions d’euros depuis 2020. Un vaste programme qui prévoit le renouvellement des canalisations, la régulation des pressions, la mise en place de capteurs intelligents sur le réseau afin de mieux détecter les fuites d’eau.
À Théoule-sur-Mer, les plaisanciers sont aussi sensibilisés aux bonnes pratiques pour baisser leur consommation d'eau dans les ports.
Nouveau système d'approvisionnement devant Véolia à Antibes
À Antibes, c'est aussi une première pour la ville. Le 4 juillet, tôt le matin, première expérimentation par les agents municipaux chargés du nettoyage de la voirie.
Ils se branchent désormais directement à la station d'épuration de Véolia, située derrière la plage de La Salis, au tout début du Cap d'Antibes.
La collectivité a dû créer un nouveau système d'approvisionnement, avec canalisation et badge pour accéder à l'eau filtrée par Véolia et désormais réutilisée. Normalement, la majeure partie de l'eau traitée est rejetée dans la mer Méditerranée, via une conduite.
Jean Leonetti, maire (LR) d'Antibes, souligne que la ville a déjà réussi à économiser 10 % de sa consommation.
Actuellement, une nouvelle étape est franchie avec la réutilisation des eaux usées, possible même en période de sécheresse : "Ce gain va être encore plus significatif, puisqu’on va pouvoir réutiliser les eaux qui sortent de la station d'épuration. Cette eau, elle va nettoyer nos rues et arroser nos espaces verts."
Pour cela, à Antibes aussi, il a fallu attendre la validation des autorités sanitaires.
Crainte des coupures d'eau potable
À Nice, la démonstration a eu lieu à la même date qu'à Antibes.
La Métropole Nice Côte d'Azur a obtenu, le 7 juin dernier, l’autorisation de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) pour démarrer l’expérimentation d’une unité pilote à partir de la station d’épuration de Nice, Haliotis.
La demande avait été faite l'été dernier par Christian Estrosi auprès de la première ministre, Elisabeth Borne. La sécheresse exceptionnelle, l'absence de pluies pendant de longues semaines et la baisse dramatique des nappes phréatiques avaient fait redouter des coupures d'eau potable.
La réutilisation des eaux usées fait partie des solutions. Sur son compte Twitter, Christian Estrosi se réjouit des futures économies en eau.
Réutilisation multi-usages des eaux traitées à Nice
La collectivité va également demander les autorisations nécessaires pour un déploiement progressif d’ici cet automne pour utiliser des camions-citernes mobiles qui partiront d’Haliotis pour l’arrosage manuel des espaces verts, le nettoyage des voiries, le curage des réseaux, l’arrosage du Parc Phœnix et du Parc Carras.
Une réutilisation multi-usages qui passe par la modernisation de la station d'épuration.
Dans un communiqué, la métropole précise les ambitions du projet pour 2029 : "Haliotis 2 permettra le traitement des eaux usées de 26 communes, soit un total de 110 000 habitants, plus de 70% de la population métropolitaine et sera en mesure de recycler 5 millions de mètres cubes d’eau par an, ce qui correspond à la totalité des besoins en eau pour l’arrosage des espaces verts et le nettoyage des voiries de la ville de Nice."
L'objectif du gouvernement est d’atteindre un taux de réutilisation des eaux usées de 10% d’ici 2030.
La bataille pour les économies d'eau ne fait donc que commencer sur le littoral azuréen.