Avec ses grosses têtes, ses corsos et ses batailles de fleurs, le carnaval de Nice est avec ceux de Rio et Venise l'un des plus connus au monde. Ce grand rendez-vous du mois de février fête un anniversaire : 150 ans avec le Roi des trésors du monde. Madame Carnaval, l'historienne Annie Sidro nous a sélectionné les éditions inoubliables.
Il était une fois... Le Carnaval de Nice fête ses 150 ans en 2023, car la première édition a eu lieu en 1873 (et la première bataille de fleurs trois ans après).
À l'époque, chars et grosses têtes sont construits par des Niçois bénévoles qui depuis 1996, se sont professionnalisés. C'est donc bien un anniversaire, mais il n'y a pas eu 150 carnavals pour autant pour cause d'annulation.
Pendant la première Guerre mondiale de 1915 à 1920, durant la seconde de 1941 à 1945, en 1991 : pas de roi des fous durant la guerre du Golfe.
La dernière annulation est plus récente en 2021 suite à la pandémie de Covid-19.
Les souvenirs d'Annie Sidro
Elle est issue d'une famille de carnavalier alors forcément ça marque ! Avec un grand-père et un père créateurs de chars de carnaval et de parade, Annie Sidro est tombée dans la marmite dès son plus jeune âge et elle fait référence, pas seulement dans les Alpes-Maritimes !
Elle est présidente de Carnaval sans frontières, fut expert-consultant auprès de l'Unesco, bref, il n'est pas exagéré de dire qu'elle est la personne incontournable en la matière. Difficile de définir ses éditions préférées, faire un choix est presque douloureux pour cette passionnée.
Elle nous a livré sa sélection même si pour elle, le plus beau carnaval, c'est forcément le prochain !
"Mon grand-père puis mon père ont fait chaque année le char du roi de 1921 à 1980 - ma mère cousait les tissus ! Et c'est en faisant un mémoire à la demande de mon professeur d'histoire à l'université que je me suis intéressée à ce sujet. Cela dit, j'ai des souvenirs d'enfance :
Mon père avait reçu la formation complète demandée alors au carnavalier. Savoir dessiner, sculpter et construire sa grosse tête, la sculpter dans l'argile puis le plâtre pour avoir le moule en carton pâte, puis l'assembler, la peintre et l'habiller.
Annie Sidro
Et quand Annie commence à rembobiner l'histoire, les souvenirs fusent...
"En 1964, mon père créé donc son premier char du Roi de la Fantaisie. Il révolutionne la peinture de la tête, qui sera entièrement poncée et vernie. Il avait acheté 80 mètres de velours miracle, d'un prix de 1 300 francs, pour habiller le roi. Maintenant, il faut 200 mètres, les têtes sont beaucoup plus grosses.
Le dernier char confectionné par son père - et d'autres carnavaliers- fera le tour de la ville en 1980, un char avec un tigre magnifique."
Autre date, 1976 des vérins hydrauliques ont été utilisés par un célèbre carnavalier, Jean-Pierre Povigna. Cela a permis de surélever les grosses têtes !
Ses meilleurs carnavals ? Il y en a beaucoup, répond-elle, tout en soulignant qu'elle ne pouvait succéder à ses aïeux. À l'époque, à Nice, territoire macho, pas de femme chez les carnavaliers ! Du coup Annie voyagera. Elle a dirigé des festivités partout dans le monde (Tahiti, Chine, Canada, Macao, Singapour)."
À l'heure des choix
Chaque année, un nom est donné à sa Majesté, roi du carnaval. Roi du cirque, du rire, du cinéma, des Fables de La Fontaine, du music hall, de l'Énergie, des sports ou de la gastronomie, quelle est la sélection d'Annie Sidro ?
1981, Roi du show business : "Parmi les personnes déguisées sur les corsos, des malades du service psychiatrique de l'hôpital Pasteur. Beaucoup d'émotion", raconte Annie Sidro, "impossible de les identifier et ils étaient tellement heureux. Pour elle, le carnaval est une fête populaire qui associe la population dans toutes ses composantes."
1984... Roi des Centenaires : "C'était alors la 100e édition. Et cette année-là, 6 000 Niçois de la maternelle à l'université ont été associés à un projet culturel élaboré avec l'Unesco. Encore un moment d'unité ! Colloque international, 9 expositions dans les musées de Nice, ce fut un jubilé inoubliable."
Les années Gad Weil : À la fin des années 90 et au début des années 2000, c'est Gad Weil qui préside aux destinées de sa majesté Roi du Carnaval. "Il était pétillant d'idées, il a remis à l'ordre du jour les caricatures politiques."
Et à chaque édition, l'humour est le maître mot. Avec des hommes politiques, avec aussi le fameux Carnavalovirus, témoin de deux ans de pandémie de Covid-19. Pour preuve, ce char coloré :
Du 10 au 26 février, place au Roi des "Trésors du monde"
À Nice, la première mention du carnaval remonte au Moyen Âge avec une première mention avec 1294 avec Charles d'Anjou, conte de Provence. Et les techniques ont évolué au fil des années. 2023, c'est l'année des chars en 3 D.
Le thème a été choisi en écho à l’inscription de Nice sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. Il y aura pour ce jubilé des chars électriques pour deux des seize chars des batailles de fleurs comme pour le char de la Reine et celui de l'Espagne.
Cette année, le roi Momo sera dans la capitale de la Côte d'Azur. Le roi Momo, c'est le roi du carnaval de Rio et il sera accompagné de sa cour, soit la Reine et ses Princesses, pour présenter sur les airs de sambas le drapeau de son pays au maire de Nice.
À noter le retour du Lou Queernaval. Le premier carnaval gay de France a eu lieu pour la première fois en 2015 puis en 2016, et en 2019. Mais depuis, plus rien.
Comme chaque fois, Annie sera aux premières loges. De quoi alimenter les souvenirs qu'elle accumule depuis plusieurs décennies.