Les festins de village, ces fêtes patronales ont le vent en poupe dans l'arrière et le haut pays de Nice

Il y a des villages qui n’ont pas renié cette très ancienne tradition et d’autres qui y sont revenus sous une dynamique pression. Le festin, initialement, c’est la fête annuelle donnée en l’honneur du Saint patron. Une grande liesse populaire qui réunit les anciens et les jeunes. Du multigénérationnel festif bien avant la mode.

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En Italie, on parle de festino, pour dire une petite fête. Dans le comté niçois, c’est le festin. Et dans les Alpes-Maritimes, la tradition des festins se porte très très bien.

Sébastien Dalbera a 38 ans. Il est directeur du Musée du carnaval à Contes, mais surtout, c'est un passionné de traditions.

Quand on lui parle festin, la porte des souvenirs s’ouvre en grand :

Tout le monde se mettait sur son 31 et mes parents, comme mes grands-parents dansaient jusqu’à très tard dans la nuit. Nous les petits, on finissait endormis sur deux chaises à côté des enceintes…

Sébastien Dalbera, un habitué des festins.

 Sébastien est intarissable sur cette tradition : "souvent les festivités commencent par un tir de mountaïre (comme un mortier). Chaque village a son saint ou sa sainte et le festin les honore de la mi-printemps à la fin de l’été. C’est pour cela qu’on retrouve presque toujours une messe (ou l’on joue obligatoirement un morceau : l’offerte) avec la célébration du saint et une procession dans le village. En tête de cortège, il y a un melon planté sur une hallebarde, melon dans lequel les organisateurs ont inséré des pièces. Suivent, la vierge ou le saint, les autorités locales, les groupes folkloriques, les musiciens..."

Les aubades et le cepoun 

Au son des fifres et des tambours indispensables à tout festin qui se respecte, le comité des fêtes ou l’association organisatrice (à Lieuche il y a deux semaines, c’est l’association des Chasseurs) passe chez les villageois apporter l’invitation au festin.

Une cocarde est remise aux habitants de chaque maison en échange d’une offrande dans le panier des cocardes.

Elle servira à participer aux dépenses du festin ou à payer les musiciens.

Souvent, les anciennes familles reçoivent chez eux les musiciens et les membres du comité des fêtes autour d’un verre accompagné de pissaladière et de charcuterie.  

Pour Sébastien Dalbera, chaque festin a son âme et certains ont de véritables spécificités. À Péone ou Daluis par exemple, des bravades sont organisées. À Tende, pour la Saint-Eloi, ce sont des cavalcades aux couleurs du village qui parcourent les rues. À Utelle, village où perdurent les plus d’anciennes traditions, il y a l’inimaginable cepoun.  

C’est Hélène Marie, 67 ans, dite Toutoune, dont c’est le village de ses ancêtres qui en parle le mieux. Le festin dure du 14 au 18 août.

« La plus belle journée est celle du 16 août qui démarre à 6h du matin. On fait toutes les maisons pour réveiller les gens avec de la gnole (eau de vie), un bouchon brûlé qu’on tamponne sur le visage pour les marquer et un panier pour récolter de quoi faire une grande salade qui se fera sur la place du village. "Avant, se souvient-elle, "quand les gens n’ouvraient pas leurs portes, on mettait les échelles et on entrait par les fenêtres ! Pendant ce temps, les anciens chantent en patois des chansons du village. À 18h le cepoun si typique et qui fait référence à un épisode de guerre du 18e siècle démarre sur un air très spécial de fifres, tambours et cloches du village."

Avant, explique Toutoune, il y avait la politique qui s’en mêlait et ça virait au règlement de comptes. Les gens se fracassaient. Aujourd’hui, cet aspect-là n’a plus cours. Les jeunes ne louperaient le cepoun pour rien au monde et montent spécialement le 16 août.  Souvent pour se venger, après, ils déchirent les teeshirts des hommes mariés.

Les hommes mariés se mettent de chaque côté du billot et les célibataires essayent de l’enlever et de le sortir de la place.

À Utelle en 2016 :

Les festins rassemblent dans la joie et le partage. Il nous précise que le vendredi soir, le 1er banquet d’ouverture du festin est réservé aux seuls Rochois, "il y en a qui ne montent qu’une fois par an, seulement pour cela."

Le billot est alors mis à la verticale et le dernier marié du village doit y déposer la bonbonne de vin qu’il a dû préalablement acheter.

"On ne se rencontre pas dans les boîtes de nuit sur la Côte d’Azur"

L’organisation d’un festin est un vrai travail dans lequel les petites mains mettent tout leur cœur. Florent Benvenuti a longtemps œuvré au comité des fêtes de la Roche de Valdeblore, comme son père avant lui, tous bénévoles.

On ne se rencontre pas dans les boîtes de nuit sur la Côte d’Azur. Le festin ça fait partie de nous.  J’ai rencontré ma compagne, Charlotte, il y a 10 ans dans un festin, mais ce n’était pas le mien ! Elle est de Saint-Etienne sur Tinée. On s’est connu à la fête du hameau d’à côté, Douans. Du coup je me souviens de la date, dit-il en explosant de rire.

Florent Benvenuti de Valdeblore.

« Généralement ça se transmet de génération en génération, explique-t-il. Quand on était gamin, on avait le droit au bal musette jusqu’à minuit. Après, c'était direction le lit ! Plus tard, on plantait la tente quand on y montait ou alors, on dormait chez les uns ou les autres. On faisait tout de A à Z, du vendredi soir au lundi matin ! »

À 26 ans, Mathieu Meynard est intarissable sur le festin de Saint Etienne sur Tinée. Il aura lieu du 4 au 8 août cette année.

Quatre jours de fête et quatre soirs de bal avec orchestre avec Nux Vomica  qui jouera le dimanche soir.

Ce rendez-vous annuel, il l’attend avec impatience : "depuis que je suis né, je fais le festin. Ce sont surtout les aubades qui m’ont donné envie de pratiquer moi-même parce qu’on va de maison en maison. Avant, c’est comme ça qu’était financée la fête à 100 %. Je m’en souviens parce que c’était un moment très fort de convivialité dans les maisons. C’était immense. Notre festin reste le plus gros de la vallée. Les gens viennent de partout. Cette année, en plus du banquet (farcis, pissaladière et raviolis à la daube), on fera une exposition de photos du festin depuis avant-guerre ! Ça promet !"

"Le festin ça fait partie de nous"

"On ne se rencontre pas dans les boîtes de nuit sur la Côte d’Azur. Le festin ça fait partie de nous. J’ai rencontré ma compagne, Charlotte, il y a 10 ans dans un festin mais ce n’était pas le mien ! Elle est de Saint Etienne sur Tinée. On s’est connu à la fête du hameau d’à côté, Douans. Du coup je me souviens de la date" dit-il en explosant de rire.

Jean-Paul Faraut est musicien : fifre, tambourin, accordéon diatonique, cornemuse et violon traditionnel. C’est presque un homme-orchestre. À 40 ans il passe sa vie entre Nice et les vallées où, dit-il. Il y a encore des valeurs et une certaine ambiance. Ses origines ? 

"Je suis quarteron, répond-il avec humour. Vésubie, Paillon, Cians et, comme beaucoup de personnes ici, un petit côté piémontais. Depuis l’âge de 15 ans je participe de façon active à de nombreux festins, en musique, dans les anciennes limites du comte de Nice. J’anime les aubades, les parties officielles, les messes, etc. Dimanche dernier, le matin, j’étais au Figaret d’Utelle, pour jouer durant la messe et la procession. Puis j’ai joué la Marseillaise et la sonnerie aux morts. Je serai à Lantosque pour le festin de la Sainte-Anne le week-end du 22 et 23 juillet."

Mais son village à lui, son festin, c’est à Belvédère qu’il fait les chercher. Là où Jacqueline Faraut, sa grand-mère adorée de 94 ans, veille encore sur lui.

J’ai fait des cures de Belvédère depuis que je suis né ! Le festin là-haut, mais c’est pareil partout, c’est fait pour rassembler les villages, les communautés, au centre d’un ensemble de traditions, de marqueurs temporels dans l’année comme Noël, Pâques, l’Ascension, la St-Jean etc… 

Jean-Paul Faraut, musicien.

Chris Michel, lui est membre du Comité des fêtes de Daluis et ex-membre de celui de Péone.

A 31 ans, il a une dizaine d’années de bénévolat d’organisation à son actif. "À Péone les chasseurs réveillent les villageois à 7 h du matin, le jour du festin de la Saint-Vincent, fin août, avec des tirs de fusils dans les rues du village, avant de se rejoindre à la messe. 
À Daluis, pour le festin de la Saint-Célestin, le 14 juillet, nous nous regroupons à la sortie de la messe. Quand commence la procession, on se place autour du saint et en protection symbolique, on tire des coups de fusils en l’air. 

Tout au long de la déambulation dans le village à chaque bénédiction, on tire. C’est une bravade magnifique. De nombreux villages sur la route Napoléon ont gardé cette tradition ancestrale des bravades.

Chris Michel

Quelques dates et beaucoup de travail

Chanter, danser, faire la fête avec tout le monde, c'est ça les festins. Discuter avec les anciens, s'amuser avec les copains, dans un esprit bon enfant. De plus en plus de jeunes perpétuent cette tradition. La transmission s'effectue.

C'est aussi celle des origines niçoises de ces communes rurales et l'histoire du Comté qui traverse le temps... Et qui fêtent même ses cerises :

À Lucéram, dans la vallée du Paillon, fait exceptionnel, il y a deux patronnes et donc deux festins à un mois d’intervalle. Celui de la Sainte-Marguerite qui aura lieu les 21, 22, 23 et 24 juillet. Et celui de la Sainte-Rosalie du 25 au 28 août.

"C'est beaucoup de travail et tout le village est mobilisé" explique Pierre Marseille, conseiller municipal de Lucéram.

Nous tenons beaucoup aussi, ajoute l'élu, au festin de la Saint-Amour de Peïra Cava, le 9 août, avec messe, apéritif d'honneur, concours de pétanque, banquet et bal.

Pierre Marseille, conseiller municipal de Luceram.

Le festin de Colomars, dans la plaine du Var, la Nativité de la Vierge Marie, aura lieu les 8, 9, 10 et 11 septembre et c’est Castagniers qui fermera le bal avec celui de la Saint-Michel à la toute fin de septembre.

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