Le 22 avril s’ouvrira le procès en appel de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice. À l’issue d’un premier procès, les deux principaux accusés, Chokri Chafroud et Mohamed Graieb, condamnés à 18 ans de réclusion criminelle pour association de malfaiteurs terroriste, avaient fait appel. Une réunion d’information s'est tenue à Nice ce 2 avril, les représentants des associations de victimes sont repartis avec de nombreuses questions laissées sans réponse.
« Le sentiment que j’ai, c’est celui d’une impréparation de ce procès ». Depuis plusieurs mois, Anne Murris tente de glaner des informations pour les adhérents de son association « Mémorial des Anges ». Cette mère endeuillée, dont la fille Camille est l’une des 86 victimes de l’attentat du 14 juillet 2016, est bien décidée à suivre le procès en appel qui s’ouvrira le 22 avril devant la Cour d’appel de Paris. Mais dans quelles conditions ?
Procès en appel : quels enjeux juridiques ?
Déjà en première instance, en l’absence de l’auteur de l’attentat, abattu par les forces de l’ordre le 14 juillet 2016, certains s’interrogeaient. Mais Anne Murris ne veut pas sous-estimer l’enjeu : "les accusés qui ont fait appel, ils y vont pour être acquittés. Là, on repart de zéro. Il faut se remobiliser".
Et cette fois-ci, le volet sécuritaire ne s’invitera pas dans les débats. En première instance, alors que l’instruction niçoise sur d’éventuelles failles de sécurité semblait piétiner, les parties civiles avaient profité du procès terroriste pour faire citer les responsables politiques de l’époque (le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, le maire alors en poste Philippe Pradal et son premier adjoint à la sécurité Christian Estrosi). Ayant obtenu le dépaysement de l’affaire à Marseille, elles veulent désormais se concentrer sur l’enquête autour des deux accusés et sur les zones d’ombre qui avaient subsisté à l’issue du premier procès.
Retransmission à Nice : une salle assez grande ?
Comme en première instance, le procès en appel se tiendra à Paris, dans la salle "Grands Procès" du palais de justice situé sur l'île de la Cité. La salle avait été construite pour le procès des attentats du 13 novembre 2015. Et comme en première instance, les audiences seront retransmises à Nice, pour permettre au plus grand nombre de le suivre depuis la cité azuréenne. Mais le Palais Acropolis, en cours de destruction, ne peut plus accueillir cette retransmission.
Il fallait donc trouver un autre lieu, à la fois accessible et adapté aux contraintes de sécurité. La nouvelle salle de retransmission sera située dans le quartier de l'Arenas, au sein de l'immeuble le Nouvel Air, 143 boulevard René Cassin :
Mais la jauge a été sensiblement réduite et la configuration modifiée. Au sein d’Acropolis une salle de 500 places était réservée aux parties civiles et à leurs avocats, une autre salle de 200 places était destinée à la presse et au public. Désormais, une seule salle de 93 places sera disponible pour tous, de quoi susciter l’inquiétude de Célia Viale, qui a perdu sa mère dans l’attentat :
« On a des craintes concernant la taille. Ça a dû être calculé par rapport à la moyenne de fréquentation d’Acropolis, mais sur les temps forts, il risque de ne pas y avoir assez de places
Célia Viale, co-présidente de l’association « Promenade des Anges : 14 juillet 2016 »
Certaines parties civiles regrettent aussi de ne plus avoir de salle qui leur est exclusivement réservée. Même si c’est la règle pour toutes les audiences publiques, elles devront partager la salle unique de retransmission avec les journalistes et les curieux.
"Pour nous c’est assez dur. On a peur d’entendre des commentaires déplacés" s’inquiète Alain Dariste, grand-père endeuillé.
Pour toutes les parties civiles qui ne pourront pas se déplacer, ni à Paris ni à Nice, il restera la webradio.
Planning des audiences : quel temps consacré aux parties civiles ?
Seuls deux des huit accusés ont fait appel de leur jugement. Il s’agit de Chokri Chafroud et Mohamed Graieb, condamnés à 18 ans de réclusion criminelle pour association de malfaiteurs terroriste. Le procès en appel durera donc moins longtemps qu’en première instance : initialement prévu du 22 avril au 14 juin, il devrait être prolongé d’une semaine pour permettre à toutes les parties civiles qui le souhaitent de venir déposer à la barre. Or, d’après nos informations, elles devraient être plus de 200.
Certaines victimes, comme Alain Dariste, ne souhaitent pas témoigner une seconde fois.
« Je ne déposerai pas, ma fille non plus, parce que j’ai plus rien à dire. En première instance, à la fois ça nous a fait du bien, mais c’était aussi très stressant
Alain Dariste, co-président de l’association « Promenade des Anges : 14 juillet 2016 »
À l’inverse, d’autres victimes, qui n’avaient pas pu ou voulu témoigner en première instance, se sont décidé à parler.
"Beaucoup de victimes ont eu le regret de ne pas déposer, en pensant que leur histoire n’avait pas d’intérêt ou qu’elles n’étaient pas prêtes. En écoutant les autres, elles ont reconnu leur propre souffrance. Aujourd’hui, elles ressentent le besoin et éprouvent la force de pouvoir témoigner", selon Anne Murris, présidente de l’association "Mémorial des Anges".
Mais quelle n’a pas été leur surprise de découvrir, pour certaines, qu’elles étaient convoquées parfois le même jour… à la même heure. Le planning sera serré, et les témoignages devront être plus courts qu’en première instance.
C’est une très grande frustration. Certaines victimes se disent qu’on leur donne la parole pour ne rien dire
déplore Anne Murris.
Frais de déplacement : quel sera le coût du procès pour les victimes ?
Au terme du procès en première instance, certaines victimes avaient dû attendre plus de 6 mois pour être remboursées. Beaucoup sont échaudées et réfléchissent à deux fois avant d’avancer de nouveau des frais de déplacement et d’hébergement. Alain Dariste, par exemple, ne sera que très peu présent à Paris. Un forfait de prise en charge est prévu pour l’hébergement et la restauration, mais il sera dégressif à partir du 11ᵉ jour.
Des informations qui arrivent au compte-gouttes, et trop tardivement, déplore Célia Viale. "Les gens ont besoin de s’organiser, ça les rassure, parce que pour nous, c'est compliqué de se rendre dans une grande ville comme Paris, avec une menace d’attentat élevée comme en ce moment".
Le procès débutera le 22 avril. Il devait durer jusqu'au 21 juin, jour où le verdict devrait être rendu.