Témoignage. "C’est un sacerdoce. J'ai craqué" : quand la lutte contre la maltraitance animale peut conduire au burn-out

Publié le Écrit par France Montagne
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Le burn-out n’arrive pas qu’aux autres. Cédric Paquet en a été, lui aussi, victime. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, trop de maltraitance envers les animaux, trop de souffrances, trop d’indifférence pour la cause animale durant la période de la Covid. Il raconte son histoire.

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La SPA dresse ce lundi 16 septembre le bilan d'un été "toujours aussi compliqué", avec 7 951 animaux recueillis dans ses 64 refuges en juillet et août, auquel s'ajoutent une nouvelle baisse des adoptions et de nombreuses sollicitations des autorités pour des cas de maltraitance. 

"Ce chiffre, comparable à celui de l'été précédent, reste préoccupant et témoigne d'une situation toujours critique", déplore l'association. 

Derrière ces chiffres et cette situation, on oublie souvent le travail des bénévoles qui s'occupent des animaux abandonnés.

Du plus loin que Cédric Paquet s’en souvienne, il a toujours ressenti le plus grand amour pour les bestioles, en tout genre. Chiens, chats, lapins, oiseaux, tortues, baleines, renards, poissons rouges…

À poils, à plumes, à écailles, ou encore à carapaces… En résumé, il voue une passion, sans bornes, à l’ensemble du règne animal.

J’ai commencé, vraiment, à me rendre compte de la maltraitance animale, quand j’ai su lire.

Cédric Paquet - Président de GALA - Groupe action pour l’amour des animaux.

En grandissant et en apprenant à lire, il s’est rendu compte, que "parfois les humains ne se comportaient pas, forcément toujours, avec bienveillance avec eux…" Eux, les animaux.

"J’ai commencé, vraiment, à me rendre compte de la maltraitance animale, quand j’ai su lire. Je voyais bien, dans les journaux, de sales histoires avec des chats ou chiens abandonnés ou maltraités. Je voyais bien les massacres des baleines et des dauphins… Mon premier magazine acheté n’a pas été une bande dessinée, mais le journal de la SPA."

Son premier combat à 11 ans

Précoce le petit Paquet ! Tellement précoce et tellement habité par la cause animale, qu’à 11 ans, il a menée, tout seul, sa première enquête pour dénoncer la maltraitance animale : "Je m’en souviens comme si c’était hier ! C'était en 1987. C’est à ce moment précis qu’a commencé mon chemin de croix. Le cirque Gruss avait fait halte à Nice. En face de la patinoire. De chaque côté de l’entrée du cirque, il y avait deux éléphantes. Elles avaient été placées, là, pour attirer l’attention des passants. Elles étaient attachées à un piquet avec une chaîne d’une longueur dérisoire. Elles pouvaient à peine bouger. Alors, elles balançaient leur grosse tête, de droite à gauche, puis de gauche à droite. Pour boire, elles avaient un petit sceau à côté d’elles ! Autant dire un dé à coudre ! Quand je les ai vues, ça m’a bouleversé.

J’ai filmé pendant deux jours et deux nuits... J’ai mis les cassettes dans une enveloppe et j’ai tout envoyé à la Fondation Bardot.

Cédric Paquet

Il a alors tout envoyé à la Fondation Bardot, pour qui il éprouvait une grande admiration. "Ils m’ont pris au sérieux. Ils se sont mobilisés, mais… Rien !" 

Et d’ajouter, les yeux embués de larmes naissantes : "Pour la petite histoire, 20 ans après, au même endroit, le même cirque et mon éléphante qui était toujours là. Toujours attachée, balançant sa pauvre tête de droite à gauche inlassablement…. Je l’ai reconnue car, elle avait la même marque de maltraitance sur le front que dans mon souvenir. Comment aurais-je pu ne pas la reconnaître."

Pour mémoire, ce n’est que le 30 novembre 2021 que la loi interdisant les animaux sauvages dans les cirques itinérants est promulguée.

Les débuts d’un long chemin de croix

Bien que cuisant, cet échec, n’a pas découragé ce jeune passionné de la cause animale. Au contraire ! Il s’est, alors, mis à écrire à tous les ministres, qui avaient, de près ou de loin, un rapport avec la défense des animaux.

Et même aux présidents de la République : "J’ai commencé avec François Mitterrand et je n’ai jamais arrêté jusqu’à mon burn-out, causé par l’épuisement pour ma cause, en 2022. Depuis 1987, je les ai tous faits ! 

Tous les ans, j’envoyais au moins une centaine de courriers. À tous ceux qui pouvaient faire quelque chose pour faire avancer la cause. J’aurais pu prendre des actions à La Poste ! À l’époque, en 1986, nous en étions aux balbutiements de la protection animale. Tout le monde s’en moquait !

À chaque courrier envoyé, Cédric reçoit une réponse prototype. Toujours la même. Puis, au fil des ans, parfois une réponse un peu plus personnalisée. Mais rien de plus ! "Mon entourage proche, comprenait mon engagement. Ma mère, ma famille, me soutenaient, ça oui ! Mais les autres, ils ne comprenaient pas. Ils me prenaient, tous, pour un fou !"

Le premier petit mot de BB

Lors de sa douzième année, Cédric décide de passer à la vitesse supérieure. La Fondation Bardot, il connaît déjà. Il l'avait interpellée pour l’éléphante du cirque Gruss. Mais, maintenant, il veut aller plus loin : "Au-delà de la Fondation Bardot, j’étais admirateur de Brigitte Bardot. La personne. L’humaine qu’elle est. J’étais, et suis toujours d’ailleurs, en admiration devant sa ferveur pour la cause animale. Donc, à l’époque, à 12 ans, je décide de prendre contact avec elle. Je lui écris tout. Tout ce que je fais, les courriers aux ministres, mes actions au quotidien, mon enthousiasme pour ce qu’elle fait, elle !"

Et là, quelques mois après, elle lui répond. 

À 12 ans, Bardot m’a envoyé une petite carte pour m’encourager... Ça m’a porté dans ma volonté de me battre pour faire le bien pour les animaux. Elle me félicitait pour mon implication. Alors, si la plupart des gens me prenaient pour un déséquilibré, le fait que, elle, elle m’envoie une petite carte pour m’encourager, ça, ça m’a plus que stimulé.

Cédric

"Ça m’a porté dans ma volonté de me battre pour faire le bien pour les animaux. Au fur et à mesure du temps, nous nous sommes rapprochés. Notre combat commun a créé entre nous une vraie complicité "de frères d’armes", si je puis dire. Nous correspondions très régulièrement. Je l’appelais pour lui demander des conseils, pour échanger sur la cause animale ou tout simplement pour se donner des nouvelles et se remonter le moral. La cause animale ce n’est pas facile !" 

Et, Cédric Paquet se met à penser tout haut : "Parfois quand, je suis, j’étais au fond du trou, et surtout en 2022, je relis, relisais tous ses petits mots, pour essayer de me redonner du courage. Pour retrouver la foi."

Avec une voix mêlée de nostalgie et de détermination Cédric Paquet ajoute : "BB, elle a toujours été à mes côtés. Quand j’ai écrit mon premier livre en 2003,  "La mémoire des sans voix" elle a tenu à en faire la préface. Mais, même avec son soutien, tous les éditeurs de France et de Navarre, les émissions de télé, les journalistes, tous avaient à chaque fois la même réponse "votre livre n’est pas politiquement correct. Il y a trop d’horreur et de sujets qui fâchent".

C’est elle qui m’a dit de ne pas me laisser abattre et m'a poussé, dans la foulée à écrire le tome 2. C’était terrible. J’avais toutes ces horreurs dans la tête. Il fallait que j’écrive tout ça. Pour laisser une trace et que le monde entier sait. J’ai, donc, autoédité les deux !"

 

Les éditeurs m'ont dit : votre livre n’est pas politiquement correct. Il y a trop d’horreur et de sujets qui fâchent.

Cédric Paquet.

Sa première victoire

Lors d’un séjour à Poitiers, durant l’été 95, mère et fils découvrent la fosse aux ours du parc zoologique des Bois de Saint-Pierre. Ils sont sidérés : "Nous nous sommes rendu compte que dans cette fosse, il y a deux ours et qu’ils étaient là, depuis des années et des années. Ce n’était plus possible ! Le soir même, j’ai écrit à Michel Barnier, à l’époque ministre de l’Environnement. Pendant deux ans, je lui ai écrit et écrit. J’écrivais, mais pas que ! Je proposais aussi des solutions concrètes."

Les années passent. Les ours croupissent dans leur fosse. Et, Cédric continue à écrire. Il ne se décourage pas. Il continue à envoyer, tous les trois mois, des lettres aux ministères jusqu’au jour…

 ! " Des années après mes premiers courriers, je reçois une lettre de Michel Barnier ! Il m’écrivait qu’il s’engageait à faire sortir les ours ! J’étais fou de joie. Fou de joie, mais moi je n’avais aucuns moyens financiers… Alors, je me suis tourné vers la Fondation Bardot qui a repris le dossier en main. Avec Mylène Demongeot et Pierre Richard, si je me souviens bien, la fondation a pu emmener Martha, au refuge de l’Arche en Normandie. Victoire. La femelle était sortie de cet enfer. Malheureusement, son frère, Barth', lui, est mort juste avant de partir. Moi, en fait, je n’ai pas fait grand-chose en fait ! Juste envoyer des centaines et des centaines de lettres pour sensibiliser les pouvoirs publics. Comme sûrement beaucoup d’autres ! Douze ans après, quand je vous raconte cette histoire, j’en ai encore la chair de poule tellement j’étais heureux, et tellement je le suis encore !"

GALA ou l’âge de raison

Grâce au sauvetage du parc zoologique des Bois de Saint-Pierre, Cédric prend conscience que sans structure, il n’est pas possible d’aller bien loin. C’est décidé, le 19 octobre 2006, il créait le "groupe action pour l’amour des animaux". L’association GALA est née."J’ai créé cette association, parce que j’avais bien compris qu’il fallait être admirativement fort, reconnu. Il fallait avoir un statut genre "loi 1901".  Monsieur Paquet c’est bien, mais ça ne fait pas avancer les choses !"

Fort de son parcours auprès de l’icône tropézienne, Cédric a aussi compris, qu’une action accompagnée de people, a plus d’impact.

Le hasard met sur sa route Betty Ulmer. Deux mois plus tard, lors du premier dîner caritatif de "GALA", dont l’objectif était de récolter de l’argent pour acheter de la nourriture pour les chiens et les chats, la veuve de Georges Ulmer lui propose d’être la marraine de l’association.

"De ce jour-là, jusqu’à celui de sa mort, en 2019, Betty a été un ange gardien pour GALA. Elle m’a ouvert son cœur et son carnet d’adresses. Je me souviens, en 2008, GALA arrive à récolter une pétition de 38 000 signatures contre les massacres des dauphins dans les îles Féroé. Elle m’a, même, mis en relation avec le roi du Danemark."

Puis, c’est la Niçoise, Michèle Mercier, qui s'est proposée pour être la seconde marraine de GALA "Nous formions une sacrée équipe tous les trois !!! Ce n’était pas facile tous les jours, mais nous pouvions tous compter les uns sur les autres pour lutter contre la maltraitance animale". 

Les combats

Infatigables, insatiables à faire connaître la maltraitance animale, le président de GALA et les bénévoles n’arrêtent jamais.

Un de leur grand combat, dénoncer les conditions inacceptables pour les animaux dans les animaleries de la ville de Nice. Via GALA, ils ont passé à la loupe toutes les animaleries de la ville : "Avec les bénévoles, nous avons surveillé les magasins, les livraisons des camions qui venaient de Pologne. Nous réalisons des films, des photos, des enquêtes en nous faisant passer pour des clients. Nous demandions à la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) de faire des contrôles… Sans grands résultats, il faut bien l’admettre. Les animaux c’est lucratif. C’est un vrai trafic mondial. En 2009, je fais appel à la cellule Anti-Trafic de la SPA à Paris. Ce n’était plus possible. Personne ne nous écoutait. La directrice, Brigitte Piquet-Pellorce est venue en personne.

Elle a réalisé son enquête et a mis au jour une filière de trafic de chiens, venant de Pologne et de Russie. L’animalerie a été condamnée par la justice et a dû fermer boutique ! Là, pour la seconde fois de ma vie de militant, j'ai été extrêmement heureux. D’abord les ours du Poitou et là un trafic d’animaux démantelé."

  • Reportage à l'époque :

En parallèle, GALA lutte pour le déclassement du renard de la liste des nuisibles dans les Alpes-Maritimes. Et, comme il n’y a pas de petit combat, l’association lutte également contre "la mise en lot des poissons rouges dans les fêtes foraines".

"À l’époque, c’était Jacques Peyrat le Maire de Nice. Tout le monde s’est moqué de nous ! Nous faisons des pétitions, nous allions dans les fêtes foraines en demandant l’intervention de la DDPP… La seule, élue, qui nous a soutenus, dans cette cause, c’est Hélène Saliceti-Adroguer. Cette conseillère municipale déléguée à la condition animale a fait intervenir la police pour constater les faits… Là encore, ça a pris du temps. En janvier 2023, un texte de loi est sorti interdisant ce type d’agissements."

Du Chemin de croix à l’épuisement

En 38 ans, Cédric Paquet en a mené des combats. Seul ou avec l’association GALA.

Le dernier en date, en 2016. Une soixantaine de moutons, de l’arrière-pays niçois, est selon GALA, "sauvée de l’Aïd-El-Kébir" .Toute la trésorerie de la structure y passe et le porte-monnaie du président aussi.

"Nous avons sauvé ces moutons d’un massacre. Je ne regrette rien. Le plus difficile a été de replacer toutes les bêtes. Mais là, encore nous avons réussi. Coup de chapeau en particulier à Veronique Tellier. Rien n’aurait été possible sans elle". Et d’ajouter : "il faut être patient, déterminé et tellement patient"

Patience, abnégation et acharnement, il en a eu. En plus de son travail "comme tout le monde", aime-t-il à dire, ce bénévole a consacré tout son temps libre et toute son énergie à la protection de la cause animale.

Je travaillais et je continuais mes enquêtes, je faisais du sauvetage de chiens, chats, lapins. J’ai eu jusqu’à 46 lapins dans mon jardin ! Plus les poules ! Mon jardin était devenu une ferme. Je ne vous dis pas les voisins ! Et encore, les voisins, eux, ils étaient gentils. Je ne vous raconterai pas menaces téléphoniques, les insultes que j’ai reçues de toutes les personnes que mon combat dérangeait. Il y avait de plus en plus d’abandons et je ne pouvais rien faire. Rien ! Je me suis senti très seul. J'ai craqué.

Alors forcément, à un moment ça lâche ! Ce moment-là a été concomitant avec la période de la Covid.

"On arrivait plus à intervenir pour sauver les animaux, les bénévoles étaient de moins en moins nombreux. C’est sans fin, les gens ils ne ressentent aucun scrupule. Ils prennent des bébés chiens ou des bébés chats et quand ils grandissent, ils trouvent que c’est trop envahissant. Alors ils les laissent, dans un carton, sur un parking ou accroché à un arbre. L’animal est devenu un objet, c'est honteux. Alors, un jour, n'en pouvant plus, j’ai lâché prise. Au bout de 34 ans de combat..."

Face à un nombre d’abandons d’animaux en flèche; face à la maltraitance en hausse, Cédric a perdu pied. Son médecin lui a diagnostiqué un burn-out. Il devait se soigner. Alors il a tout arrêté.

"C’était un sentiment très bizarre. Je me suis, tout d’un coup senti libre. Mais, en même temps, une culpabilité épouvantable m’envahissait. Je voulais faire, mais je n’y arrivais plus. Alors je ne voulais plus faire, mais ça non plus je n’y arrivais pas ! Ça me rognait de l’intérieur. Je voyais tout en noir. J’étais l’ombre de même. J’ai fait une grosse dépression."

L’histoire de ce bénévole, n’est malheureusement pas unique. De nombreux cas similaires, que ce soit pour la cause animale ou n’importe quelle autre cause, sont aujourd’hui reconnus.

La lumière, pour Cédric, est revenue lors de la promulgation de textes de lois qui prennent, enfin, en compte la cause animale. Le 30 novembre 2021, la loi visant à “lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes” a été promulguée. Elle interdit les animaux sauvages dans les spectacles itinérants (cirques, fêtes médiévales…) en 2028, ainsi que les spectacles de montreurs d’ours et de meneurs de loups en 2023. La loi prévoit l’interdiction de la présentation d’animaux dans des discothèques à la promulgation de la loi (2021) et l’interdiction de l’utilisation d’animaux sauvages sur des plateaux télé depuis 2023.

À partir du 1er janvier 2024, une liste de contrôle positive pour les animaux dans les cirques entrera en vigueur et n'autorisera que l'utilisation d'espèces domestiquées. En France, l’interdiction générale de l'utilisation d'animaux sauvages entrera en vigueur à partir de 2028.

La boucle est bouclée. C’est encore "grâce" à un cirque que Cédric, décide de retourner au combat, animé plus que jamais par des projets plein la tête.

"Pour moi, la cause animale ce n’est pas une passion. C’est un sacerdoce."

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