Valentin, Haïfa, Camille... Avoir 20 ans en cité universitaire à Nice à l'heure du Covid

Avoir 20 ans en 2021... Une de nos équipes a passé plusieurs jours avec trois étudiants dans leur cité universitaire de Nice, dans les Alpes-Maritimes. Ils ont accepté de nous faire partager leur quotidien marqué par l'épidémie de Covid.

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Au pied de l'une des collines de Nice, coincée entre le campus de la faculté de droit et la voie rapide qui traverse la ville, la cité universitaire des Colinettes. En temps normal, 253 étudiants peuvent loger là-bas mais avec la Covid, c'est plus compliqué. 

Certains des ces étudiants ont décidé de revenir chez leurs parents, la plupart sont restés. Nous avons rencontré trois voisins d'étage de cette cité des Colinettes et parmi eux, Valentin Pizzolorusso. 

Cet étudiant en sport passe sa 4e année en "cité U". Avec un large sourire, il nous ouvre la porte de son logement : 9 m2, une chambre standard, avec douche et toilettes incorporées. 

A 23 ans, il veut devenir boxeur professionnel. Même s'il a l'habitude d'évoluer entre les cordes du ring, Valentin Pizzolorusso est un peu groggy : il ne peut plus combattre. Avec la Covid, tout affrontement officiel est interdit, le jeune homme a seulement le droit de s'entraîner.

"La faculté m’a donné un statut de sportif de haut niveau qui fait que j’ai le droit de manquer des cours pour pouvoir m’entraîner mais seulement pour pouvoir m’entraîner.
Ça fait un an que je n’ai pas bossé (en combat). C’est super dur parce que là on s’entraîne dur," reconnait-il.

S'entraîner sans vraiment savoir quand est-ce que tu vas combattre, c’est dur, surtout si c’est pour passer professionnel. J’ai 23 ans et il faut que je me dépêche…

précise Valentin Pizzolorusso.

La distance et le contact

"Dans la définition même du testament, il y a la révocabilité", la voix du professeur  de Camille Erhart résonne dans sa chambre de cité U. Elle aussi loge aux Colinettes, juste à côté de la faculté de droit où elle est inscrite en Master I de droit privé.

C'est sûr que j'ai l'impression que l'on m'a volé un an de ma vie. Mais c'est un petit peu le cas pour tout le monde aussi

confie-t-elle quand on lui demande comment elle a vécu cette épidémie.

Même si elle est à quelques minutes à pied des amphithéâtres, depuis le premier confinement, presque tous ses cours sont en visioconférence. Une règle qui s'est un peu assouplie, Camille a droit aujourd'hui à un cours en amphithéâtre, une seule fois par semaine.

À l'intérieur, le nombre de personnes est limité, les étudiants sont espacés et le port du masque est obligatoire. Prendre un café avec ses amis avant le cours, revenir sur les lieux de la faculté et surtout sortir de sa chambre, la jeune fille de 22 ans profite de ce moment éphémère qui était avant son quotidien.

"Moi je préfère venir ici, largement. C’est vrai que l’on retrouve plus le côté humain, on a un échange avec le professeur, on est aussi content de se retrouver entre nous donc c’est beaucoup plus agréable pour moi de suivre le cours en amphi".

S'adapter pour tenir

Dans cette chambre de la cité universitaire des Colinettes, la poêle crépite. À l'intérieur, des légumes vont et viennent et dégagent un parfum qui change du riz ou des pâtes habituellement préparés par les étudiants. À la manœuvre, Haïfa Guedri profite de la chance que d'autres locataires n'ont pas, un coin cuisine dans sa studette de 13 m2.

Cette chance n'a pas vraiment souri à la jeune tunisienne qui a très mal vécu le 1er confinement. Pour elle, tout s'est arrêté, même les virements bancaires de sa famille.

Plus rien ne fonctionnait comme l'explique Haïfa Guedri : 

"C’est inquiétant de voir que l’on a plus d’argent sur notre compte bancaire. C’est un stress de plus, le stress de la situation sanitaire, le stress du confinement... On peut pas sortir, on a peur, on ne savait pas c’était quoi ce virus. C’était étrange, on ne comprenait rien et en plus de ça, j’avais un blocage par rapport au virement bancaire… C’était vraiment très dur pour moi."

Un an après, nous en sommes au 3e confinement et ça va beaucoup mieux pour Haïfa. Titulaire en Tunisie d'un diplôme de pharmacienne, elle se spécialise en France en ingénierie de la santé en master 2.

"Bonjour", Haïfa sort de la cité des Colinettes pour travailler. Le Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) lui a proposé de travailler quelques heures par semaine à l'accueil.

Parmi ses missions, appeler les étudiants des autres résidences et leur famille. La liste est longue et les appels s'enchaînent : "Oui, ma fille va très bien merci. Elle est à la résidence", répond la mère d'une étudiante de Nice.

Quelqu'un à qui parler

Dans la cité universitaire des Colinettes, il y a toujours quelqu'un à qui parler. Un voisin de chambre qui passe ou du monde à l'accueil, c'est l'occasion d'engager une discussion. 

Et pour ceux qui sont loin de leurs proches comme Haïfa Guedri il y a les appels vidéos. La nuit est tombée sur Nice, le couvre-feu empêche tout le monde de sortir et c'est à cette heure-ci que l'étudiante tunisienne prend des nouvelles de sa mère restée au pays. 

"Ça va ? Qu'est-ce que tu as fait aujourd'hui ? ", sa mère lui répond :"il y a eu beaucoup de vent, je suis restée à la maison". Un échange banal entre une enfant et sa mère mais une discussion essentielle au bien-être quotidien de ces étudiants.
L'étudiante n'a pas vu sa mère depuis 1 an et demi, elle l'appelle tous les soirs : 

- "Tu me manques toujours ma fille."

- "Merci maman".

L'appel est terminé. Ce soir Haïfa Guedri ne veut pas rester seule, elle a décidé d'inviter ses voisins à partager un repas dans la cuisine commune.

Poulet au menu pour le sportif Valentin Pizzolorusso et l'étudiante en droit Camille Erhart. "Je suis allé courir, il y avait du vent.... Je ne te raconte pas". "Où ? Sur la promenade des Anglais ?" Un moment de partage au cours duquel chacun raconte sa journée.

Après le repas, le silence s'installe dans la cuisine, mais pas dans les couloirs. La musique de la Ligue des champions de football résonne, on entend le générique d'une série derrière une autre porte... Chacun rompt la solitude comme il peut. 

Le jour s'est levé. Et cette fois-ci, une drôle de musique résonne partout dans la cité des Collinettes. Une batucada a été invitée et le rythme des percussions brésiliennes chasse un peu le ciel gris qui a recouvert Nice ce jour-là.

On voit des étudiants sourire, d'autres danser derrière leur fenêtre même si peu d'entre eux sont sortis profiter du spectacle.

Un dôle de rythme

Camille Erhart va de temps en temps passer le week-end dans sa famille à Roubion, petit village de montagne des Alpes-Maritimes. Elle revient toujours aux Collinettes avec plaisir et l'année prochaine, elle y préparera le concours de l'École nationale de la magistrature.

De son côté, Valentin Pizzolorusso ne sait pas s'il restera en cité universitaire. Il espère pouvoir boxer très vite pour débuter sa carrière de sportif professionnel.

Haïfa Guedri est aussi dans l'incertitude. Elle a postulé dans plusieurs laboratoires de recherches et attend des réponses.

Une chose est sûre, quand, plus tard tous les trois se souviendront de leurs 20 ans, ils n'oublieront pas leur cité des Collinettes et cette drôle d'ambiance qui y régnait. Ils n'oublieront pas non plus ces échanges et cette solidarité qui leur ont permis de surmonter cette épreuve en plein cœur de leur jeunesse.

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