À Nice, de nuit, discrètement, elles sont un petit groupe à apposer des collages féministes sur les murs de la ville. Une équipe de France 3 a suivi ces activistes dans leur travail interdit par la loi.
Des messages engagés collés sur les murs, des lettres imprimées sur des feuilles A4. L’image est répandue, surtout depuis le procès et l’affaire Gisèle Pelicot ou de nombreux collages, lui rendaient hommage.
"Mangez les riches", "Non, c'est non", "L'amour ne tue pas", "C'est quoi tes pronoms ?"
Des messsges sur des affiches.
Ces messages, courts et percutants, sont placardés pour alerter, pour sensibiliser et pour choquer. Reste que cette pratique est illégale, car l’affichage en dehors des espaces dédiés est interdit. Qu’importe, le collectif de colleuses niçoises s’organise la nuit.
Sans prise de risque inconsidéré, mais avec conviction, elles collent inlassablement : "on essaie d'être sûr que tout le monde a le numéro de l'avocate sur elle, les papiers d'identité, pour être dans les règles et aussi être sûr de quoi faire en cas d'intervention des forces de l'ordre."
Elles sont suivies cette nuit-là par une équipe de France 3 Côte d'Azur, elles témoignent de manière anonyme, car ces actions sont répréhensibles et passibles de 7 500 euros d'amende.
Le mouvement serait né en 2019 avec Marguerite Stern. La fondatrice, ancienne FEMEN a totalement changé de cap depuis, elle s'est notamment fait remarquer pour ses propos transphobes ou son invitation à l'université d'été du parti d'extrême droite Reconquête.
Le concept a perduré et le mouvement a évolué, il s’est diversifié et devient de plus en plus inclusif.
D’ailleurs, on voit souvent le terme "colleureuse" qui est en fait la contraction de colleuse et de colleur. La discrimination est combattue, pas seulement pour, ni pas uniquement par les femmes.
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"On est tout en groupe et on n'a pas peur"
Dans les rues de Nice, les messages sont donc collés, lettre après lettres, à la colle à papier-peint. L'une guette, pendant que les autres collent, une sensation paradoxale de liberté qui leur fait du bien :"c'est vrai que la nuit, la plupart du temps, on dit aux femmes de pas sortir, de faire attention et en fait, on est tout en groupe et on n'a pas peur."
Parfois, certains messages ne peuvent pas être collés jusqu'au bout, car un passant ou un habitant peut interrompre le processus. Les affiches ne restent souvent pas longtemps : " Elles sont souvent retirées par les services de la voirie ou même les habitants eux-mêmes qui ne sont pas contents." Elles prennent en photo leur collage pour les publier sur les réseaux sociaux.
Effectivement, le lendemain matin, notre équipe a constaté que seuls deux messages sur sept apparaissent encore dans l'une des résidences collées. Les copropriétaires ont appelé la mairie pour faire retirer le collage de leur mur.
Une habitante témoigne : "même si je soutiens la cause, je n'accepte pas sur les propriétés privées. Un autre passant, lui, aurait aimé voir le message.
Je pense que c'est une bonne initiative dans le sens où ça permet d'alerter sur quelque chose ou ça permet de mettre le doigt sur quelque chose.
Une passante.
Le collectif avait saisi la justice en 2022. Lors d'une visite de Gérald Darmanin, un collage était affiché dans un lieu tout à fait légal cette fois : une librairie. Mais la vitrine a été camouflée par un drap noir. L'avocate de la librairie, Me Lorraine Questiaux estimait alors que : "le ministre de l’Intérieur et le maire de Nice ont détourné les forces de l’ordre de leur mission d’intérêt général à des fins privées, à savoir, le confort personnel de Monsieur Darmanin" : "ls se sont octroyés un pouvoir dont ils ne disposaient pas à savoir celui de censurer l’expression politique d’opposition et l’indignation légitime que suscitent les affaires judiciaires".
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Les messages cachés disaient "Qui sème l'impunité récolte la colère" ; "violeurs, on vous voit, victimes, on vous croit" ; "Sophie, on te croit" (en référence à Sophie Patterson-Spatz, qui a déposé plainte pour "viol" contre Gérald Darmanin).
Après 3 ans de procédure, la plus haute juridiction, la Cour de cassation, avait confirmé l'arrêt de la cour d'appel et confirmait le non-lieu en faveur de Gérald Darmanin en février 2024.
Le collectif des colleuses de Nice, prévoit d'autres sessions collages dans les prochains jours, des affiches éphémères pour des messages malheureusement intemporels.