Fraude au travail détaché des ouvriers agricoles : Terra Fecundis sévèrement condamnée en appel en France

La justice française a confirmé mercredi en appel de lourdes condamnations contre la société espagnole pour une vaste et juteuse fraude au travail détaché liée à l'emploi de milliers d'ouvriers agricoles étrangers dans des exploitations dans le sud de la France.

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"La plus importante affaire de fraude sociale dans l'histoire judiciaire française". Rejugée le 13 novembre dernier, Terra Fecundis, rebaptisée Work for all, a été condamnée ce mercredi 12 juin en appel à une amende de 500.000 euros, soit le maximum encouru. Les gérants de la société espagnole d'intérim, dont la peine de prison avec sursis est confirmée, devront également verser plus de 80 millions d'euros de dommages et intérêts à l'organisme collectant les contributions sociales en France, l'Urssaf, soit l'équivalent des contributions sociales non payées de 2012 à 2015, pour l'emploi d'ouvriers étrangers détachés dans des exploitations agricoles françaises.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence a calculé que les cotisations et contributions sociales non-réglées par Terra Fecundis en France oscillaient entre 17 et 22 millions d'euros par an. Des "montants financiers considérables et un préjudice d'autant plus criant qu'il pèse sur la solidarité nationale" en France, ont tancé les juges mercredi.

"Germinal dans les champs"

En première instance, en mai 2021, le tribunal correctionnel de Marseille a condamné les gérants de la société à quatre ans de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende pour travail dissimulé ou complicité et de marchandage de main-d’œuvre. Entre 2012 et 2015, plus de 26.000 salariés de Terra Fecundis, des travailleurs originaires d'Amérique du Sud, principalement d'Equateur, ont été détachés sur des exploitations agricoles dans le sud de la France, certains dans des conditions qui ont été qualifiées en première instance de "Germinal dans les champs", en référence au roman social d'Emile Zola.

Terra Fecundis payait les cotisations sociales en Espagne, où elles sont inférieures. La société espagnole exerçait essentiellement en France, où elle avait établi 37.584 contrats de mission entre 2012 et 2015 contre seulement 1.405 en Espagne.

Interdite d'exercer l'activité de travail temporaire en France

Or, si la procédure européenne de détachement permet à des entreprises de faire travailler du personnel dans un autre Etat membre sans avoir à régler les cotisations sociales du pays où le salarié est détaché, celles-ci doivent avoir une activité substantielle dans leur pays d'origine, dans ce cas en Espagne. Ce qui n'était pas le cas de Terra Fecundis.

"Lorsqu'une entreprise comme Terra Fecundis fraude, les victimes sont non seulement les salariés parce qu'ils ne bénéficient pas de la protection sociale à laquelle ils ont droit, mais aussi les autres entreprises en règle qui souffrent de concurrence déloyale" en France, a souligné l'avocat de l'Urssaf Jean-Victor Borel. Terra Fecundis a été définitivement interdite d'exercer l'activité de travail temporaire en France.

Jusqu'à 70 heures par semaine dans les champs

La cour d'appel a également reconnu coupables les trois fondateurs espagnols, les frères Juan Lopez, Francisco Lopez Pacheco et leur associé Celedenio Perea Coll, pour travail dissimulé et de marchandage de main d'œuvre en bande organisée. La peine prononcée en première instance a été confirmée : quatre ans de prison avec sursis, une amende de 100.000 euros ainsi qu'à une interdiction définitive de gérer et d'exercer l'activité de travail temporaire. Des confiscations de biens immobiliers et de sommes saisies sur des comptes bancaires ont également été confirmées.

Jugés comme complices, quatre salariés de l'établissement de Terra Fecundis à Châteaurenard (Bouches-du-Rhône), qui organisaient la gestion et le lien avec les exploitants agricoles du sud de la France, voient également leur peine de un à deux ans de prison avec sursis confirmée. 

L'enquête avait mis au jour que les travailleurs étrangers étaient contraints à travailler jusqu'à 70 heures par semaine dans les champs, parfois hébergés dans des conditions d'habitat indigne. "Cette décision est d'autant plus exemplaire que le comportement de Terra Fecundis depuis 20 ans a conduit à une désorganisation totale de la filière agricole", a estimé Me Vincent Schneegans, défenseur du syndicat FGA-CFDT, partie civile aux côtés de la Confédération paysanne. 

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