Témoignage. "J'ai fait les poubelles à Aix pour manger", le gouvernement lance une réforme des bourses pour les étudiants précaires

Publié le Écrit par Chloë Arzouni et Bérénice Rolland

Une concertation nationale sur la réforme du système boursier universitaire va débuter en octobre prochain. Syndicat étudiant et associations soulignent l'urgence de renforcer les aides pour les plus précaires.

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"Ma bourse est de 486€, mon logement me coûte 400€. Mon reste à vivre prend tarif!", arrive à plaisanter Clément, étudiant boursier à Aix-en-Provence depuis 2015.

En sept ans d'études, de sa licence  trilingue en Langues, littératures et civilisations étrangères ou régionales (LLCER) à son diplôme à Sciences Po Aix, il a vu son niveau de vie constamment réduire.  

Alors qu'en cette rentrée le gouvernement s'attaque au dossier sensible de la réforme des bourses, l'étudiant a son idée sur les améliorations à apporter à ce système à bout de souffle.

"Les bourses devraient au minimum être indexées sur le seuil de pauvreté, suggère Clément. Si on fait la différence, je suis à 700€ du seuil de pauvreté avec ma bourse". Aujourd'hui, le seuil de pauvreté est fixé à 1102€ en France. 

Loyers en hausse et perte de pouvoir d'achat 

"Mes premières années à la fac, j'étais en cité U, j'avais un appartement de 9 m2 qui me revenait à 80€ par mois après les APL (Aides publiques au logement). Mais au bout d'un moment, tu n'as plus droit à la Cité U, donc j'ai dû me résoudre à prendre des colocations. Pour payer moins cher mon loyer, je suis allé sur Marseille. Sauf que je perds du temps tous les matins en transport pour me rendre à Aix."

Entre galères de logement et hausse des prix, le pouvoir d'achat de l'étudiant n'a fait que s'amaigrir face à une bourse figée. 

Pour survivre, il multiplie les petits jobs, comme donner des cours de langue et effectuer des missions de traduction ponctuelle. Cela lui apporte un revenu supplémentaire fluctuant. Mais il ne se résout pas à prendre un contrat étudiant de 25 heures car selon lui, "c'est le meilleur moyen de rater tes études. Ce sont 25 heures passées à ne pas réviser."

Parfois, le superflu, c'est l'achat d'un manuel de cours.

Clément, étudiant

Comme d'autres étudiants en précarité, Clément ne mange pas à sa faim. "Toute l'année, j'ai mangé un repas par jour, voire un tous les deux jours. J'ai fait les poubelles à Aix pour manger. J'ai négocié avec des commerçants pour qu'ils me fassent crédit. Quand je suis allé faire ma demande d'aide d'urgence au CROUS, ils m'ont demandé des justificatifs. C'est humiliant."

Pas d'aide d'urgence donc, ni de paniers alimentaires distribués par les diverses associations étudiantes de l'Université Aix-Marseille. "Le simple fait de se rendre aux distributions, on performe notre pauvreté. Ça nous ramène constamment à notre condition," déplore l'étudiant. 

Cette pauvreté l'oblige en permanence à faire le tri entre le nécessaire et le superflu. "Mais parfois, le superflu, c'est l'achat d'un manuel de cours," rappelle Clément. 

Des études de plus en plus chères

En vue de l'ouverture de la concertation nationale pour la réforme du système boursier, les associations étudiantes aimeraient pouvoir faire entendre leurs revendications. "On est mal représentés dans le processus de concertation", déplore Mylène Schroer, secrétaire générale de la Fédération Aix-Marseille Interasso (FAMI).

L'organisation, rattachée à la FAGE, n'est pas membre du Forum Français de la Jeunesse, seule organisation qui prendra part aux débats pilotés en octobre par le Ministère de l'Enseignement et de la Recherche. 

Dans son dernier rapport d'août 2022, la FAMI quantifie l'augmentation du coût de la rentrée. Les études coûtent de plus en plus cher aux étudiants. Les dépenses de rentrée ont augmenté de 2,83% pour un étudiant marseillais. 

Pour éviter aux étudiants de choisir entre se nourrir et étudier, les associations de l'Université Aix-Marseille organisent des distributions alimentaires.

La Fédération Aix-Marseille Interasso (FAMI) a ouvert trois épiceries solidaires à Marseille : à Aix, Luminy et Saint Jérôme. "On a distribué plus de 47 tonnes de nourriture et produits d'hygiène et 1000 paniers alimentaires," détaille Mylène Schroer. 

Salaire étudiant, allocation universelle et repas à 1€

Même terrible constat sur la précarité étudiante de la part Lyes Belhadj, administrateur UNEF au Crous de l'Université d'Aix Marseille, qui a vu entre "500 à 1.000 étudiants par semaine" venir aux distributions du Syndicat sur les campus de Saint Charles, Luminy, Saint Jérôme, Aix-Schumann et Avignon.

Pour le syndicat étudiant, l'urgence est de mettre en place un salaire étudiant universel ou une allocation mensuelle décorrélée du revenu des parents.

"Mais aussi, il faut que les collectivités territoriales, dont ce sont les compétences participent à résorber la précarité étudiante. Par exemple, en mettant en place un repas à 1€ pour les étudiants non-boursiers et gratuit pour les boursiers. Les départements et la région se partageraient la différence à régler, sachant qu'un repas au Crous revient à 3,30€", projette Lyes Belhadj.

A ce jour, l'allocation des bourses se fait sur critères sociaux, un système géré depuis 1995 par les 26 centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous). La concertation pilotée par la ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau, entend redéfinir les aides financières pour l'accès aux études supérieures.

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