Avec l’annonce de l’arrêt programmé du deuxième haut-fourneau, ArcelorMittal provoque l’inquiétude des 2.500 salariés de son usine de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). L’aciérie est le deuxième pourvoyeur d’emplois du secteur de l’Etang de Berre.
La crise du coronavirus va-t-elle avoir raison en France d’une nouvelle usine d’ArcelorMittal, le numéro un mondial de l’acier ?
Après la fermeture du site de Florange en Moselle la semaine dernière, les salariés de l’aciérie de Fos-sur-Mer sont très inquiets.
"Avec l'annonce de l'arrêt du deuxième haut-fourneau, on s'est pris un coup de massue derrière la tête", confie Sandy Poletto, secrétaire général CGT de l'usine.
A Florange, les deux haut-fourneaux avaient été arrêtés "provisoirement", avant que la cokerie ne ferme à son tour, entraînant l’arrêt définitif de l’usine.
Le scénario qui se joue à Fos-sur-Mer est en partie identique. La direction a arrêté un premier haut-fourneau le 23 mars dernier, une semaine après le début du confinement.
Avec un carnet de commandes ne dépassant pas la quinzaine, lorsqu'avant, il se remplissait au-delà du premier semestre, la crise sanitaire a entraîné une crise économique.
"Il y a un manque de visibilité sur la période à venir", selon la direction qui a pris la décision de fermer le deuxième haut-fourneau en juin prochain.
Même si l'annonce se veut "provisoire", elle a créé l’émoi chez les 2.500 salariés du site, mais également parmi les 1.500 personnes des entreprises sous-traitantes. En tout, ce sont plus de 4.000 emplois directs et indirects qui sont en jeu.
80% d'activité en moins pour l'automobile
ArcelorMittal Méditerranée compte deux sites dans le sud de la France dont celui de Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône.Il produit des aciers pour l’automobile, l’industrie, les tubes... Des produits majoritairement expédiés dans les pays du bassin méditerranéen : Espagne, Italie, Grèce, Turquie et dans le Maghreb.
Malheureusement les principaux acheteurs de l’acier produit à Fos sont l’Italie et l’Espagne, les deux pays européens les plus touchés par l’épidémie de Covid-19.
"Après 24 jours de confinement, nous sommes dans une situation extrêmement préoccupante. Parmi les secteurs de l'industrie, l'automobile est à moins 80 % d'activité, l'aéronautique quasiment à l'arrêt, la sidérurgie à moins 80 %", déclarait au Parisien dimanche dernier Philippe Darmayan, sous sa double casquette de président d'ArcelorMittal France et de directeur de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM).#ArcelorMittal : Fin de reprise haussière, les prix sortent par le bas de leur biseau ascendant.$MT pic.twitter.com/g20xXeAck1
— Joris Zanna (@JZanna_FX) April 15, 2020
"Sur l'ensemble de la chaîne, y compris les PME, toutes ces entreprises sont aujourd'hui sous perfusion de trésorerie. Cela ne peut pas durer très longtemps. Sans quoi nous allons nous retrouver demain face à une série de faillites".
"Ca crée pas mal d'inquiétude..."
Des propos qui ne rassurent ni les salariés, ni les sous-traitants, syndicats et élus.
"On savait que la demande était en baisse, mais on pensait pouvoir maintenir nos activités à chaud", explique le délégué CGT du site de Fos Sandy Poletto.
"Le choix d'arrêter toute la phase à chaud et les deux haut-fourneaux, ne concerne que notre site de Fos. Et pas les autres sites européens d'ArcelorMittal. Alors bien sûr, ça crée pas mal d'inquiétude parmi les salariés".
Sur le site de Fos-sur-Mer, 80% des employés ont été mis en chômage partiel. Les 20% restants permettent de sécuriser le site. L’usine maintient l’activité minimale nécessaire "afin de pouvoir redémarrer dès que les conditions le permettront", explique la direction.
"Nos commerciaux se débattent et cherchent des commandes. On a espoir de maintenir l'outil au-delà du mois de juin. En fonctionnement à minima du haut-fourneau", espère Henri Botella, délégué CFE-CGC ArcelorMittal du site de Fos-sur-Mer.
"C'est une première, on n'a jamais connu un arrêt temporaire. Même pendant la crise de 2008, on a toujours gardé une activité à minima".
Un arrêt provisoire et non définitif ?
Des élus parmi lesquels Jean Hesch, le maire de Fos-sur-Mer, le député communiste Pierre Dharréville et le président de la région Sud Renaud Muselier se sont mobilisés et ont alerté les membres du gouvernement sur la situation.
Dans un communiqué, Renaud Muselier dit avoir reçu aujourd'hui "des informations rassurantes" d’Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'Economie :
"Le Ministère travaille avec les grandes filières industrielles pour une reprise rapide de l’activité, notamment l’industrie automobile, afin de remplir le carnet de commandes de Fos et éviter ainsi son arrêt".
Tout comme le président de la région Sud, le député Pierre Dharéville affirme avoir reçu l'assurance du directeur d'ArcelorMittal France qu'il s'agit "d'un arrêt provisoire et non d'un arrêt définitif" du site de Fos-sur-Mer.
Déjà le député pense à la relance, "c'est quelque chose que nous devons réfléchir ensemble".
"Les choses ne peuvent pas continuer comme avant. Pour moi, il faut que la relance économique et industrielle soit aussi une relance sociale et écologique", indique Pierre Dharéville.
"Pour commencer", le député imagine une table ronde, autour de laquelle seront assis les acteurs de l'économie, du social et de l'écologie...