Les dauphins bleu et blanc de Méditerranée toujours contaminés par les polluants organochlorés (PCB, DDT et pesticides), plus de 35 ans après leur interdiction

Une étude publiée par l'Institut Ecocitoyen pour la Connaissance des Pollutions, basé à Fos-sur-Mer dans les Bouches-du-Rhône, pointe la contamination des dauphins de Méditerranée par les polluants organochlorés (PCB, DDT, pesticides), pourtant interdits depuis 35 ans. Elle pose la question de la gestion des sites pollués en PCB : les polychlorobiphényles, et des conséquences dévastatrices pour l'environnement.

C'est l'aboutissement d'un travail d'équipe méticuleux. Des polluants organochlorés (PCB, DDT, pesticides) ont été retrouvés dans les tissus de 68 dauphins bleu et blanc de méditerranée entre 2010 et 2016, soit bien après l'interdiction de ces substances.

Ces polluants organiques persistants, les PCB, pour polychlorobiphényles sont interdits depuis 1987. Ils étaient utilisés par l'industrie, sous forme de mélange, pour leurs propriétés isolantes et leur stabilité chimique et physique (notamment dans les encres ou les peintures). 

On sait qu'ils se désagrègent très peu dans l’environnement et s’accumulent particulièrement dans le sol. Mais on ne s'attendait pas à en trouver encore dans l'organisme des dauphins, 35 ans après leur interdiction. 

"Malheureusement on les retrouve encore dans tous les échantillons de dauphins analysés, à des niveaux qui restent encore élevés. Ils baissent, mais ont tendance à baisser de moins en moins vite", explique Julien Dron, responsable scientifique à l'Institut Ecocitoyen pour la Connaissance des Pollutions basé à Fos-sur-Mer dans les Bouches-du-Rhône. 

"Les dauphins concentrent beaucoup de polluants dans leurs couches de graisse"

Emmanuel Wafo, chimiste, analyste de l'environnement

Cet institut a publié l'enquête qui a été menée en partenariat avec Aix-Marseille Université, l'association MIRACETI, l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, et l'Ifremer.

C'est un chimiste analyste de l'environnement, Emmanuel Wafo, qui travaille au laboratoire de chimie analytique à la faculté de pharmacie de Marseille qui analyse les tissus prélevés sur les dauphins depuis les années 1990. Il a demandé l'aide de l'Institut Ecocitoyen pour interpréter les données récoltées. 

"Les dauphins sont des organismes "de bout de chaîne", donc ils concentrent beaucoup de polluants dans leurs couches de graisse. Surtout les dauphins bleu et blanc car ils voyagent sur de longues distances.. Je m'attendais à ce que le taux de polluants soit élevé...Ce qui m’intéresse, c'est de voir comment les teneurs évoluent avec le temps", indique le spécialiste. Une légère baisse est amorcée, "ce n'est pas très sensible, mais la tendance est amorcée" , précise le chimiste. 

Réseau national d'échouages 

Des données récupérées grâce à la mobilisation du réseau national d'échouages de mammifères marins. Dès qu'un dauphin est signalé échoué sur une plage de méditerranée, un des 460 volontaires en France est appelé sur place.

C'est le cas de Franck Dhermain, vétérinaire qui coordonne le réseau de 75 correspondants en Méditerranée. Il intervient pour l'association MIRACETI.
Basée à la Couronne, elle a pour but la sauvegarde des cétacés en méditerranée.

Ils sont en moyenne 83 dauphins à s'échouer chaque année sur nos côtes méditerranéennes. Lorsque c'est possible, les volontaires effectuent des prélèvements de tous les organes et des dents pour connaître l'âge et le sexe de l'animal. 

"Tous ces polluants agissent comme facteurs de comorbidité. Un dauphin ne va pas mourir d’une intoxication au plomb mais lorsque il est atteint d'une maladie virale, il va être davantage contaminé par les PCB", explique Franck Dhermain. Et c'est ce qu'a montré l'étude. 

Contamination de la population

Ces contaminants s'accumulent dans les graisses et ne sont presque pas éliminés par les organismes des animaux. Les femelles transmettent même jusqu'à environ 80% de leur charge en PCB à leurs petits, via le lait maternel, ce qui entretient aussi la contamination de la population (dont la durée de vie est de 20-25 ans). 

D'où proviennent alors ces PCB, si il est interdit d'en utiliser depuis 1987 ?

Il s'agit sans doute de résidus, provenant de sédiments de rivières ou de sols contaminés il y a plus de 40 ans. Ils continuent de s'écouler vers la mer et contaminent donc encore les dauphins et tout l'écosystème marin. 

"C'est très difficile d’estimer les quantités de polluants qui se sont déposées. On n'a pas la connaissance des estimations", détaille Julien Dron, de l'Institut Ecocitoyen pour la Connaissance des Pollutions. "On ne sait pas combien de temps ça va durer, mais j'ai peur que ca indique qu’il y en a pour un certain temps…" se désole le scientifique. 

Gérer les sites pollués

L'étude pose donc la question de la gestion des sites pollués en PCB et DDT (puissant insecticide). Pour limiter la pollution, "d’autres méthodes doivent être employés, comme cartographier ou isoler au maximum les sites les plus pollués", poursuit Julien Dron. 

"Pour les sédiments de rivières, je ne vois pas ce qu'on peut faire...", regrette-t-il. L'étude confirme ce que beaucoup de scientifiques pensaient.

Il y en a pour longtemps, "peut-être plus longtemps que ce qui était envisagé à l’époque…"

Un constat partagé par Denis Ody, Docteur en océanologie et responsable du pôle Océans et côtes pour le WWF France. L'association de protection de la nature a trouvé des composés interdits depuis 50 ans chez les rorquals communs, cachalots et globicéphales récemment.  

"Quand on interdit un produit rémanent et qu'on le retrouve dans les animaux qui vivent au large et se nourrissent d'espèces de crevettes qui vivent dans les grandes profondeurs, ça nous en dit beaucoup sur la façon dont on a contaminé la biosphère partout", explique Denis Ody.

"C'est un mystère que 40 ans plus tard, on retrouve toujours des produits comme ceux-là"

Denis Ody, responsable programme cétacés WWF

"Pour qu'il y ait une contamination aussi forte, ça veut dire qu’elle perdure un peu ? On en retrouve bien chez les pêcheurs du Rhône... ", questionne le scientifique. 

Une bonne nouvelle tout de même... Les observateurs de terrain semblent indiquer que la population de dauphins bleus et blancs en Méditerranée française ne se porte pas si mal.

L'UICN, l'Union internationale pour la conservation de la nature,  classe le dauphin bleu et blanc en préoccupation mineure en Méditerranée avec une population en augmentation. Or il y a un an, il était classé vulnérable dans cette région. 

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