Témoignage. "Je ne sais plus quoi faire pour éveiller les consciences" : il marche 1 500 km pour dénoncer la pédocriminalité

Publié le Mis à jour le Écrit par Nathalie Deumier

Farid a décidé de marcher 1 500 kilomètres pour éveiller les consciences sur la pédocriminalité et recuiellir des teémoignages. Entre Albi et Bruxelles, ce réalisateur tente à sa façon de lever les lourds tabous sur le sujet.

Chaque matin, il interagit en se connectant en live sur les réseaux sociaux. Au même moment, il prend la route. Farid DMS Debah a une seule idée en tête : libérer la parole sur les questions de crimes sexuelles sur les enfants. Pour cela, il va marcher 1500 kilomètres entre le Tarn et la Belgique, en passant par plusieurs régions de France, dont la Provence. Le tout en parlant, évidemment.

"Beaucoup se sont confiés"

"La situation est tellement dramatique que je ne sais plus quoi faire pour éveiller les consciences." Il a donc choisi de marcher 20 à 40 kilomètres par jour, en appelant cette traversée "La grande marche". Au fur et à mesure que Farid avance, des internautes interviennent. "Beaucoup se sont confiés, en restant anonyme en général, souvent pour la première fois. C'est un poids en moins." 

L'engagement de ce réalisateur, qui vit en région parisienne, commence en 2008. Il rencontre Najat Anwar, présidente de l'association Touche pas à mon Enfant et devient le président de cette même association, pour l'Europe, en 2016.

En août dernier, Farid lance une pétition et récolte 31 000 signatures. Et puis il décide d'organiser cette marche, jusqu'à Bruxelles. Le 21 février, il démabule entre Cavaillon et Saint-Saturnin-lès-Avignon dans le Vaucluse.

Toucher les pouvoirs publics, écouter les victimes, intéresser les médias, interpeller les députés, la mission est vaste. Farid Debah dénonce la situation française "deuxième consommateur de sites de pédocriminalité après les Etats-Unis. Des sites de rencontres pour mineurs entre 11 et 21 ans ne sont pas réglementés. Il faut les fermer."

"L'éducation sexuelle devrait commencer à l'âge où les enfants sont à l'école maternelle mais les parents sont choqués. Je pense que c'est la prérogative des parents uniquement". Farid reprend cette citation de Nelson Mandela : "Tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi".

"On vous croit" 

En janvier 2021, le président de la République a annoncé la création d’une commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, appelée la CIIVISE. Cette commission rend son rapport public en novembre 2023, deux ans plus tard.

La réalité prend d'abord la forme de chiffres glaçants :

  • 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année
  • 5,4 millions de femmes et d’hommes adultes en ont été victimes dans leur enfance
  • L’impunité des agresseurs et l’absence de soutien social donné aux victimes coûtent 9,7 milliards d’euros chaque année en dépenses publiques
  • Les deux tiers de ce coût faramineux résultent des conséquences à long terme sur la santé des victimes.

Ces deux années de travail ont mis en lumière un terrible constat : l'omnisprésence de la douleur. Son titre Violences sexuelles faites aux enfants, "On vous croit". 

"Nous, la société, nous nous sommes trompés, peut-on lire dans le rapport. Nous avons cru qu’il était préférable de faire comme si ça n’existait pas, comme si c’était impossible.  Nous avons préféré ne pas voir. La CIIVISE ne sera pas la première à mettre en évidence le déni dont les violences sexuelles faites aux enfants font l’objet."

Les auteurs de ce rapport formulent 82 préconisations et ne cachent pas leur émotion après ces années de travail. "[La commission] espère que les personnes qui lui ont confié leur témoignage, et toutes les victimes de violences sexuelles dans leur enfance, se reconnaitront dans chaque mot, qu’aucun mot ne les troublera, que cette multitude de femmes et d’hommes se dira que la CIIVISE a été à la hauteur de leur attente, de leur parole, de leur exigence."

Un homme candide

Ecouter les victimes, libérer la parole. Croire. Et se concentrer sur les victimes, plutôt que les agresseurs. C'est aussi le souhait de Farid, le marcheur. 

Je veux prendre le contre-pied, oublier le nom des prédateurs. Le culte de la personnalité s'applique aux criminels. Je préfère le mot pédocriminalité au mot pédophilie.

Farid Dms Debah

France 3 Provence-Alpes

À 47 ans, Farid DMS Debah refuse de donner des informations personnelles à son sujet. Il confie qu'il ne fait pas partie des victimes mais refuse de dire s'il a des enfants. Farid se décrit comme un homme candide, qui espère naïvement que les médias joueront le jeu. 

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