Les députés ont entamé ce lundi l'examen d'un projet de loi de lutte contre l'habitat indigne. Un texte qui retient l'attention à Marseille, où 40 000 logements du parc privé sont toujours considérés comme indignes, cinq ans après le drame de la rue d'Aubagne.
Les députés ont débuté lundi 22 janvier l'examen d'un projet de loi de lutte contre l'habitat indigne. Ce texte, assorti de 340 amendements, place dans le viseur les marchands de sommeil qui s'opposent aux travaux et font régner la terreur dans des copropriétés. Accélération des procédures, crédits pour travaux et devoir d'alerte sont les lignes de force de ce texte, jugé "consensuel" par l'opposition.
Pourquoi ce projet de loi ?
Pour renforcer l'arsenal juridique existant. On estime à plus de 500 000 le nombre de logements considérés comme potentiellement insalubres ou présentant des risques pour la sécurité de leurs habitants, sur l'ensemble du territoire français. Le projet de loi est inspiré d'un rapport remis fin octobre par les maires de Saint-Denis, Mathieu Hanotin (PS) et de Mulhouse, Michèle Lutz (LR) qui avaient présenté 24 propositions contre l'habitat indigne.
Ce texte fait suite au plan "Initiative Copropriétés", lancé en 2018, qui avait mobilisé près d'un milliard d'euros pour requalifier 88.000 logements. Mais ce dispositif s'actionnait sur des délais jugés "beaucoup trop longs" par le ministre délégué chargé du Logement. "Cinq à dix ans pour des plans de redressement de copropriété, plus de vingt ans parfois pour les copropriétés les plus importantes", indique Patrice Vergriete.
La loi Alur de 2014 et la loi Elan de 2018 avaient déjà renforcé certaines dispositions contre l'habitat indigne en interdisant par exemple à des marchands de sommeil déjà condamnés de pouvoir racheter un bien immobilier de location ou en prévoyant une confiscation de leurs biens.
Quelles sont les propositions phares ?
Pour mieux outiller les communes contre les marchands de sommeil, ce texte entend "simplifier les procédures judiciaires et administratives (...) pour accélérer le travail sur les copropriétés dégradées", expliquait en décembre 2023 Patrice Vergriete : "Plus on tarde à intervenir sur une copropriété en difficulté, pire c'est à la sortie".
Concrètement, il prévoit la création d'une nouvelle procédure d'expropriation des propriétaires de logements frappés par un arrêté de péril ou d'insalubrité, avant que la situation ne devienne irrémédiable et ne nécessite la démolition de l'immeuble.
En matière de prévention, le texte veut faciliter les travaux en amont d'une dégradation définitive, en créant par exemple un prêt collectif pour les copropriétés, afin d'accéder au crédit.
Ce projet de loi renforce par ailleurs le devoir d'alerte des syndics professionnels et introduit une obligation d'informer les copropriétaires ou occupants d'un immeuble, lorsqu'un logement.
Il prévoit enfin des mesures visant à accélérer la construction de logements dans le cadre d'opérations dites "d'intérêt national", dotées d'un régime juridique particulier.
Ce projet de loi est-il critiqué ?
"On a des morts à la rue et toujours pas de ministre du Logement", dénonce le député écologiste Julien Bayou. "Technique" et "sans vision globale", le texte au programme de l'Assemblée jusqu'au jeudi 25 janvier est malgré tout "bienvenu", selon l'élu parisien.
"C'est un projet de loi très technique qui comporte des mesures allant plutôt dans le bon sens, mais qui se limitent aux copropriétés, alors que l'habitat indigne concerne aussi l'habitat individuel", estime Manuel Domergue, à la Fondation Abbé Pierre. "L'enjeu principal face à l'habitat indigne n'est pas vraiment le législatif, mais de donner des moyens opérationnels pour que les collectivités jouent leur rôle", considère-t-il.
Plutôt consensuel, le projet de loi avait été adopté à l'unanimité des présents en commission, en l'absence de LFI et du RN au moment du vote, selon le rapporteur Renaissance et député des Bouches-du-Rhône Lionel Royer-Perreaut. Globalement, "je n'ai pas senti de postures politiciennes, ni d'éléments bloquants", affirme le parlementaire, qui note que le premier projet de loi "du gouvernement Attal mis en débat est sur le logement. C'est un signal".
Face à la crise actuelle du logement, reste à savoir si ce texte suffira à contenter les députés qui réclament la "grande loi" promise sur le sujet. Nombre d'élus, jusque dans la majorité, alertent sur la nécessité de désamorcer une "bombe sociale" en préparation.
Pourquoi Marseille est particulièrement concernée ?
Marseille organisait mardi 7 novembre 2023 son Rendez-vous annuel du Logement, cinq ans après l’effondrement mortel des immeubles de la rue d’Aubagne en 2018. Dans la cité phocéenne, la question de l'habitat indigne fait partie de la triste actualité de la ville. À cette occasion, le maire Benoît Payan avait affirmé vouloir s'attaquer "aux racines du mal qui gangrène" sa ville.
On recense 40 000 logements du parc privé considérés comme indignes, selon le rapport Nicol datant de 2015 et toujours cité en référence. Par ailleurs, un autre rapport datant de 2019, avance le chiffre de 14 000 personnes dépourvues de solutions de logement dont plus de 1000 personnes vivant dans 36 bidonvilles (source DIHAL) et 6 000 en squat (source : collectif alerte PACA).
Depuis 2020, la mairie de Marseille s'est engagée à signaler au Procureur de la République les propriétaires malveillants refusant d'exécuter les travaux et mesures prescrits par la Ville. Elle indique que près de 150 contrevenants ont été signalés et 39 astreintes administratives prononcées, depuis janvier 2021.