Les chercheurs de l'Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN) à Cadarache étudient la capacité des embryons de poissons à se développer dans l'espace. Ils pourraient nourrir les futurs explorateurs spatiaux, d'ici 2040.
Et si votre bouillabaisse, avec son merlan et sa daurade, était bientôt accompagnée d'un bar pêché sur la lune ? Les chercheurs de l'Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN), à Cadarache (Bouches-du-Rhône) explorent en ce moment la capacité des œufs de poissons à éclore sur le satellite de la Terre.
Ces poissons extraterrestres, s'ils existent un jour, pourraient diversifier l'alimentation des "colons spatiaux", confie à France 3 Provence-Alpes Christelle Adam-Guillermin, chercheuse du Laboratoire de micro-irradiation, de métrologie et de dosimétrie des neutrons (LMDN) à Cadarache.
Nourrir les futurs habitants de la Lune
"Le projet est d'envoyer des embryons de bar sur la lune pour, à terme, nourrir les potentiels habitants de la lune d'ici 2040, annonce la chercheuse du centre de recherche sur les énergies bas carbone. Chaque masse de matériel à envoyer sur la lune coûte extrêmement cher, et la nourriture en fait partie. L'idée est de faire éclore les poissons dans l'espace, sans que les embryons ne meurent en vol."
Les premières étapes du projet, menées par l'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer (Ifremer) à Brest ont apporté des réponses très prometteuses. Jusqu'à présent, les œufs de bar soumis aux vibrations d'un lanceur spatial, à l'hypergravité ou à une apesanteur de 39 heures ont connu le même taux d'éclosion que ceux en milieu naturel.
L'eau, bouclier face au rayonnement cosmique
Actuellement, le laboratoire de micro-irradiation, de métrologie et de dosimétrie des neutrons à Cadarache calcule "la quantité de rayonnement que les embryons de poissons pourraient absorber dans leur voyage de la terre à la lune", détaille Christelle Adam-Guillermin.
Le rayonnement cosmique, c'est le flux de noyaux atomiques et de particules de haute énergie qui circulent dans le milieu interstellaire. Autant d'éléments qui pourraient perturber le développement des œufs de poissons sur la lune. Mais le rayonnement se révèle "atténué par l'eau qui permet une protection, observe la chercheuse de l'IRSN. C'est un argument puissant pour que le poisson devienne une source alimentaire d'une éventuelle population lunaire. Les poissons offrent un bon équilibre entre lipides, protéines, et omégas trois."
Un aquarium bientôt posé sur la Lune
Christelle Adam-Guillermin et son équipe vont commencer en novembre une phase de test avec le rayonnement des neutrons. Si le processus va à son terme, un petit aquarium de 10 centimètres de côté, composé de 200 œufs de poissons, pourrait s'introduire sur le satellite de la terre en circuit fermé d'aquaculture, alimenté par l'eau déjà présente sur la Lune.
"L'agence spatiale européenne nous a déjà transmis les trajectoires que prendrait l'aquarium en cas de réussite du projet", révèle même la chercheuse de l'IRSN. Reste encore à relever le défi de mettre la table, en apesanteur.