Témoignage. "Elle me demande : 'A quoi bon soigner puisque les bombes tuent ?'" : un médecin urgentiste partage le quotidien des soignants à Gaza

Publié le Mis à jour le Écrit par Margaid Quioc

Pascal André, médecin urgentiste et infectiologue, a partagé pendant douze jours le quotidien de soignants à Gaza. Il est à Marseille ce lundi pour témoigner de la catastrophe humanitaire en cours, et plaider pour un cessez-le-feu immédiat.

Une Gazaouïe hurle de détresse, les yeux levés vers le ciel. À ses pieds, ses deux petits enfants tués lors d’une attaque de drone. En face d’elle, Pascal André, médecin urgentiste et infectiologue, assiste impuissant à la scène. "Je ne comprends pas l’arabe, mais j’ai compris son message. Elle me demandait à quoi bon soigner ? Puisque les bombes nous tuent".

Pascal André a passé douze jours à Gaza, à l’hôpital Européen de Khan Younes. Il a partagé le quotidien de ses collègues soignants, "dans un hôpital prévu pour 400 patients et qui en accueille aujourd’hui 25 000, sans compter les réfugiés qui campent devant les bâtiments et jusque dans les services…".

La guerre à Gaza a fait plus de 31 000 morts, selon le dernier bilan du Hamas, à la tête du gouvernement local, et 1,5 million de personnes ont dû quitter leur logement selon l'ONU.

L'hôpital, dernier refuge pour les civils

Depuis son retour en France, le 21 février dernier, Pascal André s’est donné pour mission de témoigner et défendre l’urgence d’un cessez-le-feu à Gaza. Une réunion publique est organisée ce lundi à 19h30 à la Friche de la Belle de Mai (3ᵉ arrondissement).

Il dénonce "le silence politique et médiatique" autour de l’enfer qu’est devenu le quotidien des civils de Gaza. Au cours de son séjour, il a enregistré les témoignages de médecins, d’infirmières, de volontaires étrangers. 

"On n’est en sécurité nulle part à Gaza. Il y a des roquettes, des tirs et des balles où que tu ailles, des cadavres, du sang partout, les hôpitaux sont remplis de civils qui n’ont nulle part où aller. C’est un immense massacre", témoigne l’un d’eux sur un enregistrement que nous avons pu écouter.

Pascal André souhaite porter une parole "neutre". "Je ne suis ni encarté, ni syndiqué, je ne suis pas pro Hamas, ni antisémite et ne fait en aucun cas l'apologie du terrorisme".

Il s’engage auprès de PalMed Europe, un syndicat qui regroupe des soignants palestiniens installés en Europe, et envoie des volontaires à Gaza. Certains d'entre eux ont témoigné en février dernier devant des député de la France Insoumise.

À Khan Younes, les conditions sont "infectes et urgentes. Il n’y a pas d’eau, pas de savons, pas assez d’antiseptiques. Les gens ont faim", détaille Pascal André. Des maladies contagieuses comme la grippe et la gale se développent. Et l’urgence humanitaire touche les soignants eux-mêmes, "des civils qui sont comme nous, avec le même niveau d’études, de compétences, les mêmes maisons, les mêmes engagements…"

Des soignants palestiniens durement touchés par la guerre

Pour Pascal André, les victimes de la guerre ont un visage. "Ils et elles ont tous perdu leur maison et des membres de leur famille, certains vivent à 20 personnes dans une seule pièce." Il se rappelle ce collègue, épuisé, mais en poste après avoir porté 75 kilos de farine depuis Rafah, à huit kilomètres. Ou ce médecin, qui venait de perdre sa femme. "Alors qu’il était en train d’intuber un patient pour une opération, il se demandait comment il pouvait assurer la sécurité de ses quatre enfants."

Le matériel médical manque et la majorité des convois humanitaires sont bloqués à la frontière égyptienne, à moins de dix kilomètres de l’hôpital.

Malgré l’extrême violence de leur situation, Pascal André a été frappé par l’humanité dont font preuve ses collègues palestiniens. "L’un d’eux m’a confié que si un israélien tuait sa mère, il le soignerait quand même. Je n’ai pas vu un seul homme armé, pas une seule violence…  Bien sûr, il y a des extrémistes côté Hamas comme du côté israélien, mais la plupart des gens veulent simplement vivre en paix et en sécurité."

Voilà trois semaines après son retour de Gaza, Pascal André est encore hanté par les horreurs vécues à Gaza. "Quand j’entends un avion, j’ai encore peur que ce soit un drone. Mais ce qui me traumatise le plus, c’est le silence autour de la situation des Gazaouis. On n’en entend pas parler ici. Nous avons alerté nos conseils de l’ordre, les conseils d’éthique. Mais la communauté médicale est silencieuse."

Voilà pourquoi Pascal André témoignera ce soir. Par solidarité avec ses collègues palestiniens qui n’ont pas d’autre choix que de soigner sous les bombes.

 

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