Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, toutes les futures mamans se demandent si le père pourra assister à la naissance. A Marseille, une clinique propose aux futurs pères d'être confinés pendant tout le séjour à la maternité.
C’est un choix qui s’est imposé de lui-même. A la clinique Bouchard, dans le 6e arrondissement de Marseille, les pères sont confinés avec les mères. Pour éviter les risques de contamination mais surtout afin de permettre aux parents de vivre ensemble la naissance de leur enfant.
"Si le papa arrive avec la maman et qu’il suit l’accouchement, il est confiné avec elle dans la chambre. Ils étaient ensemble les jours précédent, donc s’il vient en salle d’accouchement, il reste en confinement avec elle", précise David Fleyrat, directeur de la clinique.
Au tout début de l’épidémie de coronavirus, beaucoup de maternités avaient d’abord indiqué devoir refuser la présence du père à la naissance pour prévenir les risques de contamination. Ce qui inquiétaient beaucoup les futures mamans.
"Ma femme a eu une césarienne en urgence, alors cela aurait été compliqué pour elle de se retrouver seule après. On était un peu inquiets de surcharger les équipes, mais c’était une vraie chance d’avoir pu vivre ce moment à trois".
Les parents qui ont fait le choix de rester confinés ensemble à la maternité apprécient le dispositif et le respectent.Les règles sont très claires, s’ils sortent, ils ne rentrent plus
"Les papas sont tellement contents d’être avec leurs compagnes donc ils restent confinés en chambre. Pour moi les règles sont très claires, s’ils sortent, ils ne rentrent plus", indique David Fleyrat. Dans les chambres, un lit supplémentaire leur est mis à disposition, et ils ont un repas, comme celui de la maman.
Marion et Brice ont ainsi savouré la naissance de leur petite Manon. Mais ils ont du laisser son grand frère de quatre ans à la maison, confiné avec ses cousins. "On lui a montré sa sœur en visio. Même si on a profité des moments à trois, on était un peu inquiets de le laisser seul".
Avec ce dispositif, les sages-femmes ont noté une forme d’apaisement chez les parents.
"Souvent les personnes sont fatiguées, ont un allaitement difficile. Mais comme les visites sont interdites dans le service, ça s’est beaucoup mieux passé. Les parents se sont retrouvés, ont passé du temps ensemble, plus sereinement", indique Sylvie Texier, cadre de maternité.
Malgré les mesures de confinement prises, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a recommandé dès le 27 mars d’autoriser les pères à assister à l’accouchement.
Il s’appuie sur deux principes : "garder à l’accouchement sa composante humaine et familiale" mais aussi "éviter au maximum les risques de contamination des soignants et des autres patientes".
Le collège de médecins énonce plusieurs règles : "pas de sortie du père de la salle pendant toute la durée de l’accouchement sous aucun prétexte". En cas de sortie, "il doit quitter définitivement l’hôpital".
La plupart des établissements se sont alignées sur ces recommandations. Ainsi, le second parent peut, dans la plupart des cas, rester avec sa famille pendant deux heures après la naissance. Ensuite il ne revient que pour la sortie de sa compagne et de son enfant.
C’était le cas pour Maryline et Jérémy. Et c’était même la surprise ! "On s’était préparés à ce que le papa fasse uniquement le taxi et n’assiste pas à la naissance". Un vrai coup dur pour cette maman enceinte de son premier enfant. D’autant qu’elle devait accoucher par césarienne, car sa petite Margot se présentait en siège.
Mais quand le couple arrive à la maternité de l’hôpital Saint-Joseph, dans le huitième arrondissement de Marseille : "On nous apprend que Jérémy pouvait monter avec moi à l’étage et qu’il pourrait voir le bébé juste après la césarienne !", raconte Maryline. "C’était inattendu, ça a dédramatisé la situation !".
"Même si j’étais triste de voir ensuite mon conjoint partir, j’ai réellement apprécié d’avoir ma fille rien que pour moi à la maternité. Sans visites et grâce à une équipe formidable, on a passé des moments fusionnels dont je me souviendrai toute ma vie", sourit Maryline.
Les maternités favorisent les sorties précoces des mamans
A l’hôpital Saint-Joseph, les équipes avaient aussi proposé aux pères de se confiner avec les mamans au tout début de l’épidémie. Mais cela a duré deux jours."C’était ingérable car le confinement n’était pas encore bien ancrée dans les têtes à ce moment-là. On s’est rapidement dit, on ne va pas réussir à gérer, donc nous avons suivi les préconisations et permis aux pères de rester jusqu’à deux heures après la naissance", précise Caroline Cardinale, cadre supérieure de santé du pôle parents-enfants de l’hôpital.
La maternité a essayé de favoriser les sorties précoces des mamans et nouveaux-nés qui se portaient bien grâce à des partenariats avec des sages-femmes libérales.
"On a mis en place un suivi à domicile avec une sage-femme qui rencontre la maman dès son retour. C’est quelque chose que nous allons continuer à valoriser. Ça permet d’éviter la propagation du virus et de vite retrouver son environnement familial", ajoute Caroline Cardinale.
Laurie Zabéo, sage-femme libérale à Cabriès, s’est ainsi rapidement rendue disponible pour prendre le relais des maternités. Elle effectue un travail considérable.
"Beaucoup de consœurs ont dû investir dans un appareil pour tester le taux de bilirubine des bébés par exemple, en cas de jaunisse. Il coûte 3000 euros et il fallait se mettre à plusieurs parfois pour l’acheter", dit-elle.
Les sages-femmes libérales travaillent d'autant plus que les cabinets des pédiatres n’ont pas tous rouverts. "On propose des cours de préparation à l’accouchement en ligne et beaucoup d’écoute, pour diminuer l’anxiété globale dans ce contexte".? #Coronavirus #COVID19?
— ARS Paca (@ARSPaca) April 22, 2020
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La crise sanitaire que nous traversons reste en effet difficile à vivre pour les jeunes mamans et femmes enceintes en ce moment. Karine Boudier, sage-femme libérale à l’Estaque s’inquiète de conséquences importantes au niveau de la relation mère-enfant pendant le confinement.
"Les dépressions du post-partum étaient déjà peu diagnostiquées, mais il va falloir être très vigilantes sur les petites déprimes".
Les mamans se posent beaucoup de questions sur ce que peut provoquer le covid 19. "Il va falloir leur donner de vraies réponses scientifiques, mais surtout du soutien en ce contexte d’isolement".
Accoucher seule avec le coronavirus
Naba a du faire preuve d’un mental d’acier justement.Le 9 avril, elle a donné naissance seule à une petite Océane. Son mari, cadre de santé dans une maison de retraite était atteint du coronavirus. Il n’a pas pu l’emmener à la maternité. Naba signale donc au Samu qui vient la chercher dans la nuit qu’elle est peut-être positive elle aussi.
Elle est prise en charge grâce à un circuit dédié à la maternité de la Conception. On lui fait le test qui se révèlera positif le lendemain. "Au début j’angoissais beaucoup, mais ça a été", raconte-t-elle.
Naba n’avait pas de symptômes, et s’inquiétait surtout pour sa famille.
"Je n’étais pas sûre que mon mari aurait la force de s’occuper des petites car il avait du mal à respirer".Je craignais que les gens aient peur d’être avec moi à l’hôpital, mais il n’en était rien.
Heureusement ses deux filles, Fahinet, 6 ans et Asta, 3 ans, ont été exemplaires et tout s’est bien passé.
La petite Océane est née à 5h30 et son papa a pu la voir en vidéo quelques minutes après grâce au téléphone. Pendant le séjour à la maternité, Naba suit son traitement, l’hydroxychloroquine couplé à l’antibiotique et le tolère bien.
"Les équipes étaient au top, très rassurantes. Je craignais que les gens aient peur d’être avec moi à l’hôpital, mais il n’en était rien. Ils se protègent et travaillent normalement. Je portais le masque dès que j’étais en présence de quelqu’un".
La petite Océane est testée plusieurs fois, même après son retour à la maison et se révèlera négative.
Aujourd’hui Naba et son mari sont tous deux négatifs au test du coronavirus. Et en forme. Aucun doute qu’ils n’oublieront jamais la naissance de leur petite Océane, en cette période si particulière.