Cinq ans après la mort de Laura et Mauranne, poignardées à Marseille par un terroriste qui devait faire l'objet d'une mesure d'expulsion du territoire, les familles veulent faire reconnaître la responsabilité de l'Etat.
Le Conseil d'Etat s'est penché ce jeudi 23 février sur l'admission des pourvois des familles de Laura Paumier et Mauranne Harel, les deux cousines tuées au couteau le 1er octobre 2017 sur le parvis de la gare Saint-Charles à Marseille. Le Conseil d'Etat rendra sa décision en délibéré dans quelques semaines. Pour les parents des victimes, c'était l'audience de la dernière chance après des années de procédure qui n'ont pas abouti pour faire reconnaître la responsabilité de l'Etat dans la mort des deux jeunes filles. France 3 Provence-Alpes vous explique pourquoi.
- Dernier recours devant la justice française
Pour les familles de victimes, Ahmed Hanachi n'aurait jamais dû croiser la route de Laura, 21 ans, et Mauranne, 20 ans ce 1er octobre 2017. "Cette affaire pose une question de responsabilité de l'Etat puisque les familles ont subi un préjudice avec l'assassinat de ces deux jeunes filles, il y a une faute dans la très mauvaise organisation de la préfecture du Rhône puisque l'assassin avait été contrôlé l'avant-veille de son acte, qu'il était en situation irrégulière et qu'il aurait pu voire dû être placé en rétention administrative et ce n'est que la mauvaise organisation de la préfecture du Rhône qui a conduit à ce qu'il ne soit pas placé en rétention et la question qui se pose dans ce dossier c'est celui du lien de causalité, est-ce que c'est par la faute de la mauvaise organisation de la préfecture, et donc de celle de l'Etat que l'assassinat a été rendu possible", explique Me Julien Occipinthi qui a défendu la demande des familles devant le Conseil d'Etat ce jeudi matin.
Les recours des familles devant le tribunal administratif de Lyon ayant été déboutés et confirmé en appel, le Conseil d'Etat doit décider de l'admission du pourvoi, une première étape avant que l'affaire soit traitée de façon contradictoire. Les chances sont maigres selon Me Julien Occipinthi, car dans 80-90 % des cas le Conseil suit l'avis du rapporteur public. Or dans ses conclusions, ce dernier a estimé que le lien de causalité n'est pas établi, et que "si le Conseil d'Etat prononçait une cassation et que l'affaire soit renvoyée devant la cour administrative, les chances pour les familles d'obtenir gain de cause - c'est-à-dire une indemnisation serait trop faible".
En 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de réparation de préjudices subis par les familles. Il a estimé que la préfecture du Rhône n'avait pas commis de 'faute" soulignant que le casier judiciaire d'Ahmed Hanachi était vierge, qu’il ne figurait ni au fichier des personnes recherchées ni au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste et que l’infraction de vol à l’étalage ne révélait pas une dangerosité particulière.
- Pas de procès au pénal de l'assassin décédé
L'auteur de l'agression ne sera jamais jugé. Ahmed Hanachi a été abattu par des militaires de l'opération Sentinelle lors de l'attaque du 1er octobre 2017, laquelle a été revendiquée le soir même par l'Etat islamique.
Ce Tunisien de 29 ans, toxicomane et en situation irrégulière, avait été interpellé et placé en garde à vue le 30 septembre 2017, deux jours avant le drame, pour un vol à l'étalage dans un centre commercial de Lyon. Il avait été libéré quelques heures plus tard, suite à un imbroglio administratif. Suite à un rapport pointant les dysfonctionnements relevés à la préfecture du Rhône, le préfet Michel Comet et le sous-préfet avaient été limogé.
- Le frère de l'assassin a bénéficié d'un non-lieu
Poursuivi pour "association de malfaiteurs terroriste en vue de commettre des crimes d'atteintes aux personnes", le frère d'Ahmed Hanachi, a bénéficié d'un non-lieu, au terme de plus de trois ans et demi d'instruction, le 14 avril 2021, confirmé par la cour d'appel de Paris en novembre 2021. Six jours après l'attaque de Marseille, perpétrée par son frère aîné, il avait été arrêté à Ferrare, dans le nord de l'Italie, où il tentait de se cacher.
Anis Hanachi purge actuellement une peine de douze ans de prison en Tunisie pour avoir effectué des entraînements, une collecte d'argent et même des cambriolages en lien avec une organisation terroriste.