"En étant unis, on peut avancer" : mineurs isolés et migrants, ils s’organisent en collectif pour obtenir le droit d'aller à l'école

C'est le troisième collectif de ce genre en France. À Marseille, des mineurs isolés originaires d’Afrique de l’Ouest ont décidé de se regrouper, sans l’aide de bénévoles français. Ils demandent un foyer et leur scolarisation.

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L'union fait-elle la force ? À Marseille, c’est la première fois qu’un collectif de jeunes migrants autogéré se crée. Ailleurs en France, des groupes existent déjà, à Paris et en Auvergne. Ce collectif phocéen s'appelle "Binkadi", traduit par "paix dans l'unité" en bambara, langue parlée dans Afrique de l'Ouest. Il s’est créé après l'occupation de l’église Saint-Ferréol sur le Vieux-Port en juillet dernier. Ils sont 50 à en faire partie, des jeunes âgés de 15 à 17 ans, arrivés en France sans repère. L’objectif pour eux est de lutter ensemble pour leurs droits. "On reste toujours unis, puisque c’est dans l’union qu’on gagne", confie Ismaël, un des délégués du collectif, sourire amère.

Pourquoi pas essayer ? Puisqu’on a rien à perdre.

Ismaël, porte-parole du collectif Binkadi

France 3 Provence-Alpes

Ismaël nous accueille dans son hôtel. Celui-ci se trouve dans les hauteurs de Marseille, à proximité de la départementale 58. Du haut de ses 17 ans, c'est ici que le jeune migrant a trouvé refuge, comme une dizaine de ses autres compagnons. Son regard est fuyant, mais c'est avec le ton assuré qu'il nous explique la création de ce collectif. Les membres de Binkadi ont décidé de se réunir, sans l'aide de bénévoles français. "Ici, on a personne. C’est seulement en étant unis qu’on peut avancer", se justifie Ismaël.

Originaire de Côte d’Ivoire, il est arrivé à Marseille en novembre 2023. Passé par le Mali, l’Algérie, la Tunisie et enfin l’Italie, son parcours est presque similaire à la cinquantaine d’autres jeunes du collectif. Comme lui, ils viennent d’Afrique de l’Ouest, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Mali et du Ghana. Certains ont choisi de venir en France pour fuir les conflits et trouver de meilleures conditions. D'autres ont été embarqués par hasard, comme Ismaël. C'est son oncle qui l'a fait venir en France et le jeune Ivoirien l'a appris en foulant le sol de l'hexagone.

 Ici, même les chiens ont un toit.

Ismaël, mineur isolé à Marseille

France 3 Provence-Alpes

Ismaël, comme le reste du groupe, aimerait aujourd'hui être reconnu comme mineur isolé par le Département. D'une voix grave, il nous explique que la priorité est celle d'obtenir un habitat "digne". Logés dans les hébergements du 115, souvent insalubres, pour une partie des jeunes du collectif, certains d'entre eux sont encore obligés de dormir dehors, faute de place. Le jeune homme balaye les questions sur ses nuits dans la rue, préférant se consacrer au futur. "À notre âge, on n'a pas à dormir dans la rue", assure-t-il les mains croisées et le corps immobile.

Ils demandent une protection, le droit d'aller à l'école

Baladés de squats en squats, la mairie déloge régulièrement ces jeunes migrants. En juillet dernier, l'affaire fait un peu de bruit alors qu'ils occupaient l’église Saint-Ferréol. Aujourd’hui, ces mineurs ne veulent plus être séparés. Ils se sont organisés en collectif et au moins un délégué dort dans un des logements temporaires. "Comme tout le monde n’a pas de téléphone, le délégué donne l’information à chaque jeune, quand on a une action à faire par exemple", nous explique Ismaël. 

C’est la première fois que des migrants se réunissent sous un collectif à Marseille, mais pas la première fois en France. Deux autres organisations de cette forme existent, à Paris et à Clermont-Ferrand. Fin septembre, deux jeunes du collectif Binkadi rencontrent les Jeunes du parc de Belleville à qui ils demandent des conseils pour s’organiser. 

Comme chaque jour, Ismaël se prépare pour aller dans le centre-ville de Marseille l'après-midi. Des associations reçoivent dans leurs locaux les jeunes migrants pour faire des activités. Ils peuvent faire des jeux pour se détendre ou suivre des activités professionnalisantes, de la couture ou de la soudure par exemple. Sur place, ces jeunes peuvent aussi manger un repas et prendre une douche. 

Même si leurs journées sont organisées au rythme des activités des différentes associations, Ismaël ressent de la lassitude. Ce qu'il veut lui, c'est aller à l'école. "En France, pour tout ce que tu entreprends, il faut aller à l'école. Et puis pour les jeunes, c'est vraiment la base", souligne-t-il, mis au pied du mur, regard dans le vide.

Les membres du collectif Binkadi partagent aussi cette motivation. Le 2 octobre, ils se sont réunis devant la Direction des services départementaux de l'Éducation nationale (DSDEN) pour demander à être scolarisés, où ils sont finalement reçus. C’est la première fois qu’un collectif autogéré rencontre la DSDEN. "C'est un plus. On a été les premiers, mais on ne veut pas être les derniers", ajoute Ismaël. 

Une rencontre qui déçoit toutefois le jeune migrant, "On nous a dit qu’il y avait une obligation pour les moins de 16 ans d’être scolarisés, s’il y a de la place. Mais on s'est renseignés de notre côté, et s'il y a un jeune de 16 ans qui veut aller à l'école, c'est une obligation." Aujourd’hui, le collectif continue de se battre dans l’union pour obtenir des droits et pouvoir un jour "subvenir à leurs propres besoins sans dépendre de l’aide des autres." 

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