Dans un contexte de pénurie de personnel soignant, plusieurs dizaines d'étudiants boursiers en soins infirmiers de la région Paca risquent de se retrouver privés d'une bourse régionale de 500 euros par mois, pour financer leurs études. La Région a pris cette décision pour se conformer avec la loi.
C'est un mail du secrétariat de son école, l'Institut de formation en Soins Infirmiers (IFSI) La Capelette à Marseille, qui a mis le feu au poudre. Sarah est étudiante en 2e année d'étude d'infirmières. Avec ses camarades de promotion, elle a appris la semaine dernière qu'elle risquait d'être privée de la bourse régionale pour les étudiants infirmiers versée par la Région : environ 500 euros par mois. La collectivité explique son choix par une volonté de se mettre en conformité avec la loi.
Mère célibataire de trois enfants
Cette bourse permet à Sarah depuis bientôt deux ans de suivre sa formation, en complément de ses droits au chomâge. Comme infirmier est un métier en tension, France Travail lui octroie un revenu de fin de formation, le RFF d'environ 723 euros par mois.
Maman célibataire de trois enfants, Sarah a en effet d'abord travaillé 15 ans comme préparatrice en pharmacie avant de s'orienter vers le métier d'infirmière, tourné vers l'humain.
Une reconversion "voulue et réfléchie". Son âge l'a empêché de bénéficier d'un contrat d'apprentissage, elle s'est donc inscrite dans un Institut de formation en Soins Infirmiers. La formation dure trois ans et repose sur l'alternance entre théorie et pratique.
Comment je vais pouvoir continuer mes études avec 723 euros par mois ?
Sarah, étudiante en 2e année en soins infirmiers à Marseilleà France 3 Provence Alpes
Alors qu'il lui reste une année de formation, elle s'interroge. "Comment je vais pouvoir continuer mes études avec 723 euros par mois ?". Combative, Sarah veut aujourd'hui chercher des solutions pour pouvoir continuer à exercer son métier passion.
Environ 500 personnes sont concernées, selon les étudiants
Avec d'autres étudiants, ils remuent ciel et terre depuis quelques jours pour alerter sur leur situation. Une cinquantaine d'entre-eux sont impactés dans leur promotion à Marseille.
Pour la région entière, en comptant Aix-Marseille, Gap, Arles, Digne et Briançon, "500 personnes seraient concernées." Sans compter les Alpes-maritimes et le Var.
Pour Emilie, 43 ans, la situation est" injuste". Lorsqu'elle s'est lancée dans la formation d'infirmière à Marseille, après avoir géré une agence d'architecture, elle avait budgétisé ses frais pour chaque année d'études.
Là c'est un coup de massue.
Emilie, étudiante en soins infirmiers à Marseilleà France 3 Provence Alpes
La jeune femme va tenter de faire un prêt avec une banque si une solution n'était pas trouvée, pour terminer ses études. "Si je n'obtiens pas un prêt, j'envisage d'arrêter", lance-t-elle. Emilie voulait "aider les gens", tout en sachant que "le secteur n'était pas rémunérateur".
Elle dit avoir fait ce choix "à fond" et voit désormais l'avenir avec inquiétude. "Cela arrive à un moment où le gouvernement a demandé aux ISFI d'augmenter les places, or il y a 30% de décrochage dans cette formation car elle est difficile... Nous qui sommes en reconversion, on est hyper sérieux, méritants, on nous enlève tout là, c'est très injuste", lâche-t-elle.
La crainte d'une diminution des intentions de reconversion
"Cette mesure de suppression risque de générer des interruptions de formation, augmenter les situations de précarité et certainement diminuer des intentions de reconversion vers le métier d’infirmier, commente Sandrine Dray, directrice des instituts de formation de l’AP-HM.
Il y a des étudiants qui ont du mal à manger à leur faim chaque mois (...), la formation est exigeante et c’est compliqué d’avoir un boulot en parallèle.
Sandrine Dray, directrice des instituts de formation de l’AP-HMà France 3 Provence-Alpes
Pour pallier au retrait de la bourse, l'AP-HM a décliné des mesures d’aide financière pour permettre à d’autres étudiants en soins infirmiers de suivre la formation sereinement d’un point de vue financier.
Une décision pour se mettre en conformité avec la loi
De son côté, la Région explique avoir été contrainte de se mettre en conformité avec la loi. Un texte de l'Etat paru à la fin de l'année empêche en effet de cumuler les aides de France Travail et celles de la Région.
"Pour nous mettre en légalité avec la réglementation, la Région a dû, pour le moment en tout cas dans ces votes et dans ses textes, faire en sorte que ces bourses n'apparaissent plus pour ces personnes concernées", indique Bertrand Mas-Fraissinet, conseiller régional, président de la commission des formation sanitaires et sociales.
Le médecin indique que la région est une des seules en France à proposer ces bourses sur critères sociaux, aux élèves et étudiants confrontés à des difficultés matérielles ne leur permettant pas d'entreprendre ou de poursuivre une formation. "Celles-ci représentent une toute petite partie des bourses que nous distribuons", précise-t-il.
Cela ne va pas s'arrêter tout de suite. Notre volonté est de faire en sorte que ça continue.
Bertrand Mass Fraissinet, conseiller régional, président de la commission des formations sanitaires et socialesà France 3 Provence-Alpes
Pour autant, il se veut rassurant. "Leur bourse actuelle n'est pas menacée", précise Bertrand Mass Fraissinet.
Une réflexion est en cours pour "trouver des solutions", notamment avec France Travail ou "pour trouver des aménagements au niveau local si la loi ne changeait pas". Et de préciser que ces étudiants infirmiers "sont importants pour la région".
Le secteur sanitaire et social représente en effet 15% des emplois de la région. De leur côté les étudiants restent mobilisés, alors qu'il est toujours très difficile de recruter des professionnels dans le secteur. Ils envisagent des réunions entre écoles pour parler d'une seule voix.