Lors d'une conférence de presse au siège du journal mercredi à Marseille, les représentants des salariés du groupe de presse régional La Provence ont demandé une nouvelle fois l'ouverture des deux offres de reprise des 89% des parts du quotidien détenues par Bernard Tapie, décédé en octobre.
"Les salariés sont en union pour demander (...) leur participation à cette cession", qui ne peut se réaliser "sans leur adhésion, mais pour cela, il nous faut les informations", a plaidé Me Catherine Szwarc, une des deux avocates des salariés, lors d'une conférence de presse au siège du journal à Marseille.
"On nous dit qu'il s'agirait d'une cession de gré à gré et que le seul élément important serait le prix de la cession, sauf que c'est de fait une cession d'entreprise et de ses filiales, avec un important impact social", a ajouté sa consœur, Me Elise Brand, en évoquant les 800 emplois en jeu.
"Or, nous n'avons aucune information sur l'évolution de ce dossier", a souligné l'avocate.
Deux dossiers en lice
Suite au décès de son patron Bernard Tapie, le quotidien régional devait trouver un repreneur. Pour racheter les 89% des parts, les candidats au rachat avaient jusqu'au 30 novembre pour se faire connaître.
Sur quatre candidats potentiels, deux d'entre eux ont finalement déposé une offre à Me Xavier Brouard, le liquidateur judiciaire du groupe détenu par Bernard Tapie jusqu'à son décès.
D’un côté, le fondateur de Free, Xavier Niel. De l’autre, le géant marseillais du transport maritime, la CMA-CGM.
Le premier apparaissait comme le repreneur naturel du titre et part favori : sa holding NJJ détient déjà 11% du capital de ce journal tandis que Bernard Tapie détenait les 89% restants.
Ce qu'avait rappelé le syndicat national des journalistes dans un communiqué du 21 octobre : "Il faut savoir que déjà présent dans la Provence, NJJ a clairement une longueur d’avance, d’autant qu’un pacte d’actionnaires passé avec GBT lui accorde une préférence."
Xavier Niel a également racheté le groupe Nice-Matin en 2019. Il n’hésite pas à parler d’une "marque puissante inscrite dans notre patrimoine régional et national" pour décrire La Provence.
Le second a presque créé la surprise. Le groupe CMA-CGM, troisième armateur mondial et présidé par Rodolphe Saadé, emploie 110.000 personnes à travers le monde.
Il avait déjà tenté de prendre pied à La Provence en 2019, sans succès. Très attaché au quotidien marseillais, Rodolphe Saadé explique vouloir "écrire une nouvelle page de l'histoire" du quotidien régional.
Dans un courrier adressé aux représentants du personnel, le président de CMA-CGM s'engage à conserver l'indépendance de la rédaction. "Il n'y aura pas de licenciement économique", ajoute celui qui veut aussi donner une nouvelle dimension numérique au quotidien.
Le 11 novembre, le tribunal de commerce de Marseille a suspendu le pacte d'actionnaires qui offrait un droit de veto à Xavier Niel, en tant qu'actionnaire minoritaire, sur tout candidat au rachat des 89% de GBT (Groupe Bernard Tapie).
La clause d'agrément "fait obstacle au processus de réalisation des actifs de la liquidation judiciaire du Groupe Bernard Tapie (..) et constitue un trouble manifestement illicite", écrivait le juge du tribunal de commerce de Marseille dans son ordonnance de référé.
Une décision dont a fait appel Xavier Niel.
La date de l'examen de cet appel n'est pas connue, pas plus que celle de l'ouverture des offres.
Les salariés veulent être concertés
"Le 20 janvier, nous avons appris la désignation d'un nouveau co-liquidateur, ce qui laisse penser qu'une piste est de relancer un nouvel appel d'offres", s'est avancée Me Brand mercredi.
"Et cette fois-ci, il est hors de question que les salariés restent à l'écart et ne puissent pas participer à sa rédaction".
"L'objectif des CSE des salariés, des syndicats, c'est de pouvoir peser sur la teneur des offres elles-mêmes", a-t-elle insisté.
"Les salaires, les statuts, les conditions de travail, les conditions de maintien de 'emploi, doivent pouvoir être mis sur la table et discutés."
La diffusion de La Provence, un des quotidiens phares du sud-est de la France, affiche une baisse régulière ces dernières années, passant d'environ 100.0000 exemplaires quotidiens en 2017 à environ 75.000 aujourd'hui.
Le groupe La Provence détient également le quotidien régional Corse-Matin.
Les sociétés de Bernard Tapie, l'homme d'affaires décédé en octobre, sont en liquidation judiciaire depuis 2020 et ont été condamnées à payer environ 400 millions aux structures gérant le passif du Crédit Lyonnais.