Le château de la Buzine, célèbre pour le roman "Le Château de ma mère", n'est plus géré par le petit-fils de l'écrivain provençal. Une décision de la Ville de Marseille qui a mis le feu aux poudres.
"La mairie de Marseille nous vire." Nicolas Pagnol, petit-fils du célèbre écrivain provençal, n’a pas caché son amertume quand il a appris, mercredi 14 juin, que la Ville de Marseille avait décidé de confier la gestion du château de la Buzine, au cœur du roman Le Château de ma mère, au centre de la Culture Ouvrière.
Une décision qui a déclenché une polémique importante au niveau politique et culturel. France 3 Provence-Alpes revient sur cette guerre entre la Ville de Marseille et le petit-fils de Marcel Pagnol en cinq actes.
Acte 1 : la Ville de Marseille confie la gestion du "Château de ma mère" au centre de la culture ouvrière
Nicolas Pagnol est averti le mercredi 14 juin par Jean-Marc Coppola, adjoint à la Culture (PC) de la mairie de Marseille, que le comité en charge de la délégation de Service Public du château de la Buzine a décidé ne pas lui renouveler son contrat. Le lieu sera désormais géré par le Centre de la Culturel Ouvrière (CCO).
Une décision qui ne passe pas du côté du petit-fils de Marcel Pagnol qui estime être viré pour être remplacé par “une association ouvrière dont le cœur de métier est la gestion de centres sociaux et n'a aucune expérience en équipements culturels, enrage-t-il auprès du Figaro. Ils vont transformer ce lieu mythique du patrimoine de Provence en Maison de Quartier. Ce château ce n'est pas juste quatre murs et un toit. C'est l'histoire de mon grand-père. J'y suis extrêmement attaché. Au-delà de mon cas personnel, c'est un lieu phare pour tous les Provençaux. Ce château symbolise leur langue, leur culture, leur patrimoine. C'est le patrimoine intellectuel de la Provence qu'ils vont détruire. C'est aberrant."
Acte 2 : de nombreux élus de droite critiquent cette décision
Le jeudi 15 juin, un communiqué de la mairie des 11 et 12e arrondissements de Marseille confirme l’information dévoilée dans Le Figaro. "La Ville de Marseille a décidé de confier la gestion du lieu au Centre de la Culturel Ouvrière (CCO)", peut-on lire dans un communiqué. Une annonce qui déclenche une volée de critiques.
"Par ce choix purement dogmatique et idéologique, le maire de Marseille méprise totalement l'histoire de ce lieu emblématique de la culture provençale, cher à la famille de l'auteur Marcel Pagnol dont le petit-fils, Nicolas, avait jusqu'ici la gestion, fulmine Sylvain Souvestre, maire des 11 et 12e arrondissements de Marseille. Pire, il fait le choix d'y installer un appareil politique, une officine d'extrême gauche sous la forme associative". Il évoque "la main mise" du Printemps Marseillais sur "notre patrimoine", "pour y distiller sa pensée dogmatique et ses idées politiques".
"On attaque notre culture provençale !, réagissent de leur côté Isabelle Campagnola-Savon et de Michel Bissière, deux conseillers régionaux. Ce château a une histoire et ceux qui la connaissent le mieux, qui se battent pour faire vivre ce patrimoine, sont méprisés et maltraités. Nous condamnons le traitement infligé dans ce dossier à Nicolas Pagnol. Après le Théâtre Toursky, l’Espace Julien, maintenant le Château de la Buzine : quelle est la vision de la Ville sur le plan culturel ? Uniquement remplacer ceux qui ne plaisent pas au Printemps Marseillais ?"
Des critiques que formulent aussi Valérie Boyer, sénatrice LR des Bouches-du-Rhône, ou Renaud Muselier, président de la région Paca, sur Twitter.
Un tir de barrage des élus de droite d'autant plus unanime que la directrice générale du château, Valérie Fedele, fut l’une des leurs, rappelle Le Monde (article abonné). Conseillère d’arrondissement de la majorité de l’ancien maire Jean-Claude Gaudin et proche de Valérie Boyer, sa nomination en 2013 à la tête de la Buzine avait été lue comme un passe-droit politique.
Acte 3 : Nicolas Pagnol lance une pétition en ligne
Furieux de la décision prise par la Ville de Marseille, Nicolas Pagnol décide de réagir en lançant de son côté une pétition en ligne. Il y remet en cause la décision de la mairie en mettant en avant sa gestion du lieu : fréquentation "multipliée par huit en cinq ans", selon lui, avec "80 000 visiteurs par an", ou encore "plus de 13 000 enfants accueillis" chaque année.
Acte 4 : la Ville de Marseille contre-attaque
Dans un communiqué de presse, publié le jeudi, l'adjoint au maire de Marseille en charge de la culture, Jean-Marc Coppola l’assure : “Comme je l’ai rappelé à Nicolas Pagnol, la Ville de Marseille est pleinement attachée au patrimoine de Marcel Pagnol. Je l’ai d’ailleurs invité à prendre toute sa place dans les futurs événements et propositions au public du Château de la Buzine. Je démens clairement toute volonté de notre part de changer l’objet du Château de la Buzine, héritage de Marcel Pagnol”.
Et en ce qui concerne le choix du centre de Culture Ouvrière (CCO) pour gérer le château, il dénonce des "allégations mensongères" et précise que "cette candidature répond aux critères définis dans le cadre du cahier des charges : assurer la programmation d'une salle de cinéma répondant aux labels Patrimoine et Répertoire, Arts et Essai, ainsi que Jeunes publics; assurer une programmation culturelle et artistique pluridisciplinaire (expositions, programmation culturelle...) et assurer un programme d'éducation artistique et culturelle, en temps scolaire comme extra-scolaire, en priorité pour les enfants de 3 à 12 ans; entretenir et préserver le patrimoine bâti du château".
Acte 5 : Nicolas Pagnol refuse "d'être un pot de fleurs"
Face à une polémique qui prend de l’ampleur et au succès de la pétition lancée en ligne par Nicolas Pagnol, qui a réuni près de 25 000 personnes, Jean-Marc Coppola annonce, lundi 19 juin, sur France Bleu Provence vouloir proposer au petit-fils de Marcel Pagnol de devenir président d'honneur du château. "On n'a pas décidé de se passer du petit-fils Pagnol, explique l'adjoint. Nous voulons changer de gestionnaire tout en proposant à Nicolas Pagnol de devenir par exemple président du château."
Une proposition balayée dans la foulée sur Twitter par Nicolas Pagnol : "Je n’accepterai jamais d’être président d’honneur d’une association que je ne connais pas ! Je ne serai pas un faire-valoir, un pot de fleurs dans le parc de la Buzine."