"Salle de shoot" : l'État dit non, retour sur l'échec du projet marseillais en 5 actes

Critiquée depuis des mois par les riverains, la "halte soins addictions" ne verra pas le jour boulevard de la Libération à Marseille cette année. Un nouveau contre-temps pour le projet de "salle de shoot" envisagée et plusieurs fois abandonnée dans la cité phocéenne.

Les services de l'Etat ont donné un avis défavorable. A l'issue du comité de pilotage, réunissant la Ville et des représentants du ministère de la Santé et de l'Intérieur, mercredi soir, le projet de "halte soins addictions" boulevard de la Libération a été retoqué. Depuis des mois, les riverains s'opposaient à l'ouverture de cette salle de consommation de drogue à moindre risque, dite "salle de shoot", huit ans après le début de l'expérimentation à Paris et Strasbourg. France 3 Provence-Alpes revient sur l’annonce puis l’abandon de ce projet à Marseille en 5 actes. 

Acte 1 : un projet dans trois quartiers de Marseille 

A Marseille, l'ouverture d'une "salle de shoot" est un serpent de mer depuis 1995. En juin 2012, le projet se concrétise enfin, un comité d'experts marseillais rend un rapport favorable sur l'ouverture de salles de consommation de drogue dans trois quartiers de la ville : la gare Saint-Charles, Sainte-Marguerite et dans les quartiers Nord.

L'objectif est de proposer des lieux où les 5000 toxicomanes dénombrés dans la cité phocéenne pourront se "shooter" sous contrôle médical, pour limiter les risques de transmission de maladies et réduire l'insécurité dans les rues. Mais ce projet, qui aurait été le premier en France, n'aboutit pas.

Acte 2 : les premières "salles de shoot" en France

Il faut attendre le 14 octobre 2016 pour voir la première salle de consommation à moindre risque (SCMR) ouvrir ses portes en France, à l'hôpital de Lariboisière, à Paris. Une deuxième salle ouvre dans la foulée à Strasbourg. Des dispositifs testés à titre expérimental jusqu'en 2022. Il existait déjà des lieux d'aide et d'accueil pour toxicomanes, mais les associations réclamaient des espaces, où les drogués pourraient consommer dans de bonnes conditions sanitaires, avec des produits stériles et un personnel médical formé pour les accompagner. 

La France est très en retard sur ses voisins européens. Trente ans après la première salle de shoot, ouverte en Suisse, on compte une centaine de structures de ce type dans le monde. Ces expériences ont montré que les salles de consommation à moindre risque permettent une baisse des taux de contamination et une diminution de la délinquance. Mais le débat reste très animé en France. Pour les opposants, ces structures installent les toxicomanes dans leur addiction en leur facilitant l’accès aux drogues.

Acte 3 : le projet relancé à l'hôpital de La Conception 

Après Paris et Strasbourg, Marseille pourrait devenir la 3ᵉ ville française à ouvrir une salle de shoot. Le 18 juillet 2018, le gouvernement ouvre la voie à la création de nouvelles salles de consommation à moindre risque, relançant le projet dans la cité phocéenne. Jean-Claude Gaudin se dit à nouveau favorable "à condition que l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille accueille la structure", précise alors Patrick Padovani, son adjoint à la santé. La mairie envisage une installation dans un local de l’hôpital de la Conception, dans le 5e arrondissement. Avant l'été 2019. 

Mais le projet soulève une forte opposition des riverains et d'élus de la droite, la Ville décide de rechercher un autre lieu d'implantation pour son projet. "L'expérience de Paris ou Strasbourg a démontré que les conséquences sont désastreuses pour l'environnement immédiat de ces lieux où la délinquance liée à la toxicomanie explose", argumente sur Twitter la présidente du Département et de la Métropole, Martine Vassal. Et finalement, à l'approche des municipales, Jean-Claude Gaudin décide "pour l'instant, on n'ouvre rien".

Acte 4 : la nouvelle équipe municipale relance le projet

Présent dans le programme du Printemps marseillais, le projet d'une salle de shoot ressort des cartons en 2023 porté par la nouvelle équipe municipale. Mais il n'y a toujours pas de consensus sur le lieu. L'installation souhaitée par l'association "ASUD Mars Say Yeah" qui porte le projet, au pied de la gare Saint-Charles (1ᵉʳ arrondissement) provoque des dissensions au sein même de la majorité municipale. Le projet est "écarté", Sophie Camard, la maire des 1/7, s'y opposant pour des raisons logistiques.

Un nouveau lieu est choisi, au 110 boulevard de la Libération, dans le 4e arrondissement, annonce l'association "ASUD Mars Say Yeah" qui porte le projet, dans un communiqué du 13 octobre 2023. Conformément au cahier des charges, elle est située à moins de 20 minutes à pied des lieux de consommation de rue. La future structure municipale doit accueillir près d'une centaine de personnes par jour à partir de 2024. Mais le projet suscite immédiatement le mécontentement des riverains et des élus d'opposition de droite qui mettent en avant un sentiment d'insécurité dans le quartier.

Acte 5 : l'Etat émet un avis défavorable  

Lors du comité de pilotage qui a réuni le 17 janvier, la Ville et des représentants du ministère de la Santé et de l'Intérieur, l'Etat a émis un avis défavorable à la salle de consommation de drogue du boulevard de la Libération. Les raisons qui ont motivé cet avis ne sont pour l'heure pas connues. "Je prends acte que la localisation de ce dispositif de santé ne fait plus consensus"a réagi l'adjoint à la santé Michèle Rubirola, porteuse du projet à la mairie, sans préciser si un autre lieu allait être recherché.

Le préfet des Bouches-du-Rhône a assuré sur BFM TV que le travail et la réflexion se poursuivent. Il avance l'hypothèse de l'arrivée d'une "HSA mobile qui pourrait être une réponse à cette problématique".

Les riverains s'étaient mobilisés sans relâche contre le projet. La pétition mise en ligne a récolté près de 10 000 signatures. 

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