Depuis les effondrements des deux immeubles de la rue de Tivoli, le 9 avril, Monique et Laure Beccaria séjournent dans des logements précaires. L'avenir est incertain pour les deux sinistrées. France 3 Provence-Alpes les a rencontrées.
Il y a un an, jour pour jour, deux immeubles de la rue de Tivoli s'effondraient dans ce 5e arrondissement de Marseille. Aujourd'hui encore, l'émotion reste vive chez les résidents du quartier. France 3 Provence-Alpes est allée à la rencontre d'une mère et de sa fille, qui logeaient au 24 rue de Tivoli. Ballotées de logement en logement, elles gardent toutes les deux des séquelles de ce terrible accident, où huit personnes ont péri sous les gravats.
Des souvenirs douloureux de l'accident
Depuis le 9 avril, Monique Beccaria et Laure, sa fille, n'ont pas pu regagner leur logement. Elles habitaient dans la même rue que ces deux immeubles qui se sont effondrés. Un an après, elles gardent de vifs traumatismes.
Elles se rappellent comme si c'était hier, de cette nuit où leur vie a basculé. "J'ai croisé une personne du quartier qui m'a dit : "Non, on ne peut pas rentrer chez nous, il y a un immeuble qui s'est effondré. Je ne m'y attendais pas"", nous confie Laure Beccaria, les larmes aux yeux. La jeune femme de 35 ans se souvient de l'odeur de souffre embaumant tout le quartier.
Quand on m'a dit qu'il y a eu un effondrement dû à une explosion, je me suis dit : est-ce qu'on a bien éteint le chauffage électrique ?
Laure Beccaria, sinistrée de la rue de Tivolià France 3 Provence-Alpes.
Laure Beccaria connaissait bien le couple de retraités qui habitait au 17 rue de Tivoli, la femme ayant été la professeure de sport de l'une de ses sœurs. "On espérait qu'ils ne soient pas dans l'appartement. Et quand on m'a dit qu'ils y étaient, j'étais vraiment choquée. Surtout que la veille, je les avais vus. Ils avaient toujours le sourire, ils étaient toujours agréables, gentils", poursuit la jeune femme.
Ce n'est qu'un mois et demi après, le 22 mai, où la jeune femme et sa mère ont pu regagner leur logement pour récupérer quelques affaires. "On s'est vraiment rendues compte de notre chance et qu'on l'avait échappé belle", souffle Laure Beccaria.
Des séquelles physiques et mentales
Les deux femmes sont encore bouleversées par cet accident. Le regard perdu, la voix tremblante, Monique Beccaria déplore : "ça a été un choc incroyable de ne plus avoir de toit et de se dire : qu'est-ce que je vais devenir ? où je vais aller ?"
Aujourd'hui, la retraitée prend des antidépresseurs. "J'ai dû les augmenter pour pouvoir dormir. J'ai eu des éruptions cutanées, mon psy m'a dit que c'était le stress."
Quant à Laure Beccaria, elle a subi des dérèglements de la thyroïde et a dû prendre des traitements pour pouvoir se soigner. La jeune femme a aussi attrapé la varicelle, alors qu'elle avait déjà eu petite.
Un relogement précaire et provisoire
Depuis un an, elles sont logées par la mairie. Seulement, elles ont dû changer plusieurs fois, les habitations étant provisoires. Aujourd'hui, elles séjournent dans le centre-ville de Marseille dans un 12 m² qu'elles partagent à deux.
"On a l'impression de faire du camping, on est obligées de manger sur notre lit. Ce n'est pas fait pour vivre pour un an", raconte la fille. Ce logement étant trop petit, la mère, quant à elle, déplore de ne pouvoir accueillir ses proches. "J'ai deux petits-enfants qui ont grandi, j'ai trois filles. Je ne peux pas faire de repas de famille ici. Ça fait un an qu'on ne peut pas se réunir, c'est éprouvant."
Depuis, d'hôtels en hôtels, je n'ai plus de marques. Je ne vis plus comme avant.
Monique Beccaria, sinistrée de la rue de Tivolià France 3 Provence-Alpes.
Cette chambre d'appartement est provisoire, les laissant dans une incertitude totale. "C'est très fatiguant. On ne sait jamais ce que l'on va faire le lendemain. On ne peut pas se projeter dans l'avenir", déclare Laure Beccaria.
Elles pourront rester dans ce logement jusqu'au mois de juin. Ensuite, elles ne savent pas où elles iront, mais espèrent que la mairie pourra replonger cette aide d'urgence pour six mois encore. "Le jour où il n'y aura plus l'interdiction d'occupation, et bien normalement la mairie n'aura plus l'obligation de nous reloger en appart hôtel", confesse avec inquiétude, les mains croisées, Laure Beccaria.
Laure Beccaria est sans travail, sa mère touche une petite retraite. Les deux sinistrées n'ont pas souhaité chercher un logement par elles-mêmes, quitte à continuer d'enchaîner hôtels. "On a préféré rester avec la mairie pour qu'ils nous prennent en charge jusqu'au bout pour arriver à avoir un logement social chacune. Si on sort de ce circuit-là, ils vont se dire : on ne s'en occupe plus", explique la jeune femme.
Une volonté de tourner la page définitivement
Monique Beccaria habitait au 24 rue de Tivoli depuis 24 ans. Des souvenirs, elle en a crée dans cet appartement. Mais aujourd'hui, même si elle pouvait y retourner, elle ne le souhaiterait pas. "Je préfère tourner la page, ne plus voir cet endroit. C'est pour ça que je cherche un logement social dans un autre quartier pour un renouveau", murmure la retraitée, voix hésitante et remplie de chagrin.
Et même si l'avenir est incertain pour les deux femmes, Laure Beccaria assure qu'il faut "avancer". "Si on se morfond, on ne fait pas avancer les choses. On est obligés d'aller de l'avant, de continuer. On n'a pas le choix."