Quand le 17 de la rue de Tivoli à Marseille s'effondrait, tuant huit personnes : récit d'une nuit cauchemardesque

Dans la nuit du 8 au 9 avril 2023, l’effondrement d’un immeuble au 17, rue de Tivoli, a coûté la vie à huit personnes. Deux autres bâtiments fragilisés se sont en partie écroulés, plusieurs centaines d’habitants ont dû être délogés. Retour sur ces heures qui ont traumatisé Marseille.

L’explosion a surpris les occupants de l’immeuble au cœur de la nuit. Il est 00h46, le dimanche 9 avril, quand une très forte déflagration retentit au 17 de la rue de Tivoli, dans le 5e arrondissement de Marseille, un secteur résidentiel en bordure du quartier populaire de la Plaine. La violente explosion entraîne l’effondrement de l’immeuble de quatre étages.

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J'ai entendu une explosion, "Boum !", tout a tremblé. Les alarmes des scooters garés se sont toutes mises à sonner.

Un riverain

France 3 Provence-Alpes

Ce gérant d’une épicerie de nuit, rue Tivoli ne comprend pas tout de suite de quoi il s'agit: "Je me dis, c'est un gros truc, ça doit être un attentat, y'a un gros problème, j'ai fermé. J'ai vu les gens courir, la fumée, et j'ai traversé. Je suis arrivé avant les pompiers". 

Scènes de chaos

"Y'a eu comme une bombe qui est tombée, on a vu les gens courir dans la rue. Un policier est arrivé, il m'a dit un immeuble s'est effondré, renchérit une voisine, je me demande ce qu'ils vont trouver dessous, je suis très très inquiète."

Les témoins décrivent des scènes de chaos : "une explosion, des gens dehors, de la fumée, des gens qui criaient, qui couraient." "Ma maison est juste devant l'immeuble qui s'est effondré, dans la cour intérieure. Toutes les baies vitrées, tous les plafonds se sont effondrés", rapporte un voisin.

Alors que le jour se lève sur le quartier, bouclé par les forces de l'ordre, le maire de Marseille, Benoît Payan, arrivé sur place, prend la mesure de la catastrophe.

Il faut qu'on se prépare à avoir des victimes dans ce terrible drame. 

Benoît Payan, maire de Marseille

France 3 Provence-Alpes

Aux abors de l'édifice écroulé, une centaine de pompiers sont déployés pour les opérations de recherche et de déblaiement. La chaleur intense et la fumée, provoquées par l’incendie qui couve sous les décombres, empêchent les secours de mener les recherches pendant plusieurs heures, indique alors le vice-amiral Lionel Mathieu, commandant des marins-pompiers de Marseille. Le feu rend la tâche des secours difficile, car les pompiers ne peuvent pas inonder abondamment les décombres, sous lesquels des personnes se trouvent peut-être encore. Par ailleurs, leur propre sécurité n’est pas assurée car un des immeubles voisins fragilisé n'est pas stabilisé.

"Huit personnes ne répondent pas à l'appel"

Autour de 7h45, un bruit monstrueux éclate à nouveau. Une partie des bâtiments mitoyens, au 15 et au 19 rue de Tivoli, s'effondre à son tour. Le premier bilan provisoire fait état de cinq blessés mais leur pronostic vital n’est pas engagé. Il s’agit de résidents des immeubles voisins. Au total, 33 personnes sont prises en charge.

Dans la matinée, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, annonce : "nous pensons qu’il y a entre quatre et une dizaine de personnes sous les décombres". Vers 18 heures, la procureure de la République, Dominique Laurens précise : "huit personnes ne répondent pas au appel". "Une neuvième personne est également recherchée au niveau du 19 de la rue de Tivoli", ajoute la magistrate.

Il faut attendre une douzaine d’heures et l’extinction complète du feu pour que les secouristes puissent intervenir avec les chiens en vue de retrouver d’éventuels survivants sous les gravats. Les marins-pompiers tentent eux de déblayer les immeubles à côté du trou béant, avec d'infimes précaution, pour ne pas mettre en danger la vie des personnes qui seraient encore vivantes à l'intérieur des décombres.

"On est tous évacués"

Dans la nuit et au matin, la police municipale et les marins-pompiers mettent à l’abri 179 habitants de 33 immeubles du quartier. Ils sont conduits au gymnase Vallier. "On est tous évacués. On a des amis qui prêtent leur maison à mes parents. Moi, je vais dormir chez un ami," raconte un adolescent. 

Au total 200 personnes sont délogées. “150 personnes ont retrouvé les moyens de se reloger dans des familles ou chez des amis, les 50 personnes seront à l'hôtel", détaille le maire de la ville sur BFMTV.

Au fil des heures, l’inquiétude grandit. Aucun habitant du bâtiment qui s’est effondré ne s’est manifesté. "Toutes les personnes qui sont censées être dans cet immeuble n'ont pas encore été vues, et des familles s'inquiètent pour leurs proches", déclare Olivier Klein, le ministre délégué à la Ville et au Logement. Le soir de ce 9 avril, le bilan toujours "très provisoire" fait état de six personnes transportées à l'hôpital, dont cinq en urgence relative.

Les deux premiers corps extraits des décombes

Le parquet de Marseille ouvre une enquête pour "blessures involontaires". "Les premiers éléments font état d’une explosion suivie de l’effondrement de l’immeuble ayant entraîné dans sa chute une partie des immeubles adjacents du 15 et du 19 de la même rue", précise le parquet dans un communiqué dimanche. 

Vers 1 heure, dans la nuit de dimanche à lundi, les deux premiers corps sont découverts sous trois mètres de gravats. Leur extraction a été très difficile, détaille le vice-amiral Lionel Mathieu, pour qui plus de 30 heures après l’effondrement, il reste un espoir de retrouver des survivants. Sur le terrain, ses hommes mènent une "bataille contre le temps".

Le bilan est de deux morts et six disparus, la 9e personne recherchée, s’étant finalement manifestée auprès de ses proches jusque-là sans nouvelle. "Les recherches deviennent de plus en plus périlleuses", confirme Dominique Laurens et "les décombres continuent à être fouillés, mais à la main", en raison "d'un danger très important sur la stabilité de l'immeuble du 19", qui menace de s'effondrer.

Les victimes sont identifiées

Trois jours après l’effondrement, dans la matinée du 11 avril, un troisième cadavre est extrait. Les trois corps retrouvés ne sont à ce stade pas encore identifiés, selon le parquet. Des prélèvements d’ADN sont effectués sur les proches des personnes recherchées pour permettre l'identification. Trois autres corps sont extraits dans les heures qui suivent.

Quatre jours après l’explosion, deux corps sont encore découverts sous l’immeuble effondré. Le bilan définitif est de huit personnes décédées. Dans la soirée de ce 12 avril, les identités des victimes sont confirmées par la procureure Laurens : Nicole Gacon, 65 ans, logeait dans le rez-de-jardin, situé à cheval entre le 15 et le 17, Anna Sinapi, 86 ans et Jacky Morand 83 ans, habitaient au rez-de-chaussée, Antonietta Alaimo, épouse Vaccaro, 88 ans, au premier étage, Marion Blox, 31 ans, et Mickaël Lequeux, 29 ans, au deuxième, Jacques et Anne-Marie Praxy, 74 ans tous les deux, occupaient un duplex au 3ᵉ et dernier étage.

Une enquête débute

Le 24 avril 2023, le parquet de Marseille ouvre une information judiciaire contre X des chefs d’homicides et blessures involontaires, confiée à des juges d’instruction. “L’hypothèse d’une explosion au gaz ayant causé l’effondrement de l’immeuble” est confirmée. L’enquête “consistera à rechercher le mécanisme ayant conduit à un écoulement de gaz puis à une activation et à déterminer si une maladresse, imprudence, inattention, négligence ou un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité par la loi ou le règlement est à l'origine des décès ou des blessures", précise le parquet. Seuls les appartements du rez-de-chaussée et du 1er étage étaient équipés au gaz, selon les enquêteurs. Les deuxième et troisième étages avaient eux été "neutralisés au niveau du gaz", souligne Dominique Laurens, en expliquant que la cuisinière au gaz de Mme Vaccaro avait été récemment changée pour une cuisinière électrique.

Le 18 janvier 2024, l’enquête a été élargie aux faits de “destruction, dégradation, détérioration involontaire par explosion ou incendie”.

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