VERIFICATION. La moitié de la délinquance à Marseille est-elle due aux étrangers, comme l'affirme Marion Maréchal ?

La tête de liste de Réconquête aux prochaines élections européennes a déclaré sur France Bleu Provence ce jeudi qu'à Marseille, la moitié des faits de délinquance est causée par des étrangers. Une affirmation très approximative.

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La question des migrations est au cœur de la visite du pape François à Marseille alors que le projet de loi immigration du gouvernement doit revenir devant le Parlement cet automne. Les étrangers, qu'ils soient ou non en situation régulière, sont dans le viseur de Marion Maréchal.

La vice-présidente de Reconquête, le parti d'Eric Zemmour, était l'invitée politique de France Bleu Provence de ce jeudi 21 septembre. Interrogée sur la venue du pape François à Marseille et le message qu'il vient porter sur la nécessité d'accueillir les migrants, l'ancienne députée RN du Vaucluse a affirmé que les étrangers sont beaucoup plus délinquants que les autres dans la deuxième ville de France.

"Expliquer dans un discours de générosité facile qu'il faut accueillir aujourd'hui tous les migrants qui débarquent sur nos côtes, quand on connaît aujourd'hui la situation à Marseille, quand on sait - ce sont les chiffres du ministère de l'Intérieur - que la moitié de la délinquance à Marseille est causée par des personnes de nationalité étrangère", a déclaré la tête de liste de Reconquête aux élections européennes, en campagne dans la cité phocéenne.

Marion Maréchal dit s'appuyer sur des statistiques de Matignon. Qu'en est-il vraiment ?  

Bruno Bartoccetti, représentant à Marseille de l'Unité SGP Police, se montre sceptique face aux propos de Marion Maréchal, sans chiffres officiels. De quelle délinquance parle-t-elle? "Si on prend l'étranger en situation irrégulière, il est déjà dans le délit, est-ce qu'elle considère que c'est un délinquant, en fait ça me paraît réducteur, il faudrait savoir quel genre de criminalité elle cible".

Le syndicaliste reconnaît qu'"on a des étrangers en situation irrégulière sur le sol français qui commettent de plus en plus de délits, parce qu'ils sont de plus en plus nombreux, et ça devient très difficile de contrôler l'immigration irrégulière en France, on le voit bien avec toutes les difficultés que nous rencontrons à Menton ou à Montgenèvre", mais cela ne permet pas pour autant de tirer des conclusions sur la part des étrangers dans la délinquance à Marseille.  

Sur décision du ministre de l'Intérieur, des renforts policiers et militaires sont déployés à compter ce jeudi dans les Hautes-Alpes pour renforcer les opérations de contrôle à la frontière franco-italienne dans le contexte de la crise de l'arrivée de près de 10 000 migrants à Lampédusa la semaine dernière. 

Confusion entre nationalité et origine

Le sociologue Laurent Mucchielli, spécialiste des questions de sécurité, souligne pour sa part la confusion faite par les politiques entre la nationalité et l'origine géographique de la famille. "Ce n'est pas vrai, la très grande majorité des délinquants qui peuvent être amenés à être interpellés par la police sur la ville de Marseille sont de nationalité française, ce qui n'empêche pas qu'ils peuvent avoir des parents, des grands-parents ou arrières grands-parents nés dans un autre pays". 

Auteur d'une étude sur les jeunes délinquants pris en charge par la justice à Marseille. Laurent Mucchielli veut rappeler "aux politiques qui aiment les idées simplistes, qu'il n'y a jamais un seul facteur, le parcours délinquant des jeunes, c'est un cumul de plusieurs facteurs."

"L'activité délinquante tient fondamentalement d'abord à des ruptures familiales et des violences intrafamiliales, ensuite à des ruptures scolaires, le tout dans un contexte de grande précarité socio-économique et c'est le cumul de ces fractures sociales qu'on retrouve dans les trajectoires des jeunes délinquants". A ces difficultés, s'ajoutent selon lui, aussi, parfois un"effet quartier", ces populations immigrées se concentrant dans certains secteurs les plus pauvres de la ville, où il y a "offre délinquante" et "un effet d'aspiration" des jeunes dans cette voie. 

"Ce sont les bonnes explications, conclut Laurent Mucchielli, ça fait 70 ans qu'il y a des recherches là-dessus et qui arrivent toujours systématiquement aux mêmes résultats, le reste ce sont des propos politiciens avec une très forte connotation raciste". 

Emmanuel Macron et l'exemple de Paris

L'immigration est au cœur de l'actualité en France à plus d'un titre. Ce sera l'un des dossiers abordés entre le pape François et Emmanuel Macron samedi en audience privée. A partir de novembre, le parlement se penchera par ailleurs sur le projet de loi sur l'immigration, plusieurs fois repoussé. 

L'affirmation de Marion Maréchal en rappelle une autre similaire d'Emmanuel Macron faite sur France 2 en octobre 2022 : à Paris, "la moitié au moins des faits de délinquance viennent d'étrangers".

Le chef de l'Etat s'appuyait sur des données de la préfecture de police de Paris établissant à 48% la délinquance commise par des étrangers dans la capitale pour les premiers mois de l'année 2022, toutes infractions confondues. Franceinfo soulignait que ces données ne portaient que sur une durée de quelques mois et qu'elles englobaient tous les faits de délinquance constatés sans préciser la part des condamnations.

Plus de probabilité d'être écroués

L’étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) parue le 19 avril dernier, dévoilée dans Le Monde, contredit le façon globale l'affirmation de Marion Maréchal. Le centre assure qu'"aucune étude ne trouve d’effet de l’immigration sur la délinquance"

Selon l'analyse de cette même étude par les journalistes de The Conversation, ce décalage entre réalités et perceptions vient de ce que les étrangers sont surreprésentés dans les prisons françaises. "En France, la proportion d’étrangers dans la population totale était, en 2019, de 7,4 %, mais s’élevait à 14 % parmi les auteurs d’affaires traitées par la justice, à 16 % dans ceux ayant fait l’objet d’une réponse pénale et à 23% des individus en prison", expliquent-ils.

Les auteurs évoquent plusieurs raisons à cela : l'existence de délits liés à leurs statuts d'étrangers comme la soustraction à une mesure de reconduite à la frontière, la surreprésentation des jeunes hommes dans la population immigrée, la précarité économique, mais aussi une probabilité plus importante d'être écroués que des délinquants français.

A neuf mois des élections européennes, Marion Maréchal est venue à Marseille lancer sa campagne sur ses thèmes de prédilection, l'insécurité, les trafics et l'immigration. La candidate s'est d'ailleurs rendue dans l'île de Lampédusa où des milliers de migrants affluent d'Afrique du Nord. Une opportunité rêvée pour le parti d'Eric Zemmour de dénoncer la politique migratoire européenne et française. 

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