Passionné de mer, amoureux de sa ville, Brahim a fondé il y a plus de vingt ans une association pour initier les jeunes aux activités nautiques et aquatiques.
Savoir nager pour sortir la tête de l'eau au sens propre comme au sens figuré. Brahim Timricht s'est lancé ce défi à Marseille pour donner une chance à ceux qui vivent près de la mer den profiter pleinement.
Le regard rivé sur le plan d’eau, il affiche un large sourire. "Je ne me lasse pas de faire des photos quand ça démarre, quand ils s’en vont tous, l’un derrière l’autre, je vois les kayaks, les paddle et ça, c’est magnifique, c’est magique" se réjouit l'énergique directeur du Grand Bleu.
Passionné de mer, amoureux de sa ville, Brahim a fondé il y a plus de 20 ans cette association pour initier les jeunes aux activités nautiques et aquatiques.
"Au début, c’était le kayak de mer, mais quand les gamins venaient, il n’y a que la moitié qui pratiquait parce que l’autre moitié ne savait pas nager" raconte-t-il dans le documentaire. "Je me rappelle un car de 63 places qui venait de Félix-Pyat : la moitié était sur l’eau, l’autre moitié contre le mur avec les casquettes ! Mon cœur pleurait, je pleurais à l’intérieur, je me disais c’est une injustice, c’est incroyable. Ils ont fait tout ce périple pour venir là et juste regarder la mer ? Y a un truc à faire, on va leur apprendre à nager !"
Le défi est de taille : un petit marseillais sur deux ne sait pas nager à l’entrée en 6 ème. C'est même deux sur trois dans les quartiers les plus défavorisés ! Le manque d’équipements est régulièrement pointé du doigt : 6m 2 de bassin par habitant, contre 15 dans le reste de l’Hexagone. La deuxième ville de France ne compte que 15 piscines, dont seulement 5 dans les quartiers nord, souligne le film.
En 8 ans, on a appris à nager à près de 12 000 enfants, mais ça ne suffit pas, il faut aller encore plus loin.
Brahim Timricht
Alors à chaque session, les cours du Grand Bleu, entièrement gratuits, font le plein et la liste d’attente s’allonge.
Pendant que les enfants sont à l’eau, les mamans attendent et tissent des liens entre elles. Avec le temps, Brahim a appris à connaître ces femmes, qui font tout pour que leurs petits aient droit à l’apprentissage de la natation, alors que beaucoup d’entre elles n’ont pas eu cette opportunité.
Une première pour les mamans
L’association "Mères-Enfants PACA" créée par Salina Gasmi est un pilier de la cité du Castellas. Aides alimentaires, liens sociaux, aide à l’emploi mais aussi activités sportives, Salina se bat sur tous les fronts pour sortir les mères de l’isolement.
Les mamans, c’est le pilier de la maison. Psychologiquement, il faut qu’elles se vident l’esprit. Donc faire du sport, prendre un moment pour elles, c’est du sport santé mais aussi de la relaxation.
Salina Gasmi
Cet été, c’est une grande première pour les mamans du Castellas : grâce au Grand Bleu, elles vont pouvoir, comme leurs enfants, apprendre à nager.
Un défi et un rêve enfin exaucé. "Ça va m’enlever cette peur que j’ai, déjà c’est hyper important. Et puis c’est une victoire, je suis fière de moi, je dépasse mes limites" confie Lydia. "Je pense que les gens qui nagent depuis qu'ils sont petits, ils ne se rendent pas compte. Je ne sais pas s’ils ressentent la même chose que nous... Pour nous, c’est un genre de libération" ajoute Salina.
Et quand Nedjoua réussit à sauter à l’eau, pour la première fois de sa vie, les applaudissements fusent : "je réalise un rêve" dit-elle, partagée entre rire et larmes.
Des formations aux métiers de la mer
Le Grand Bleu ne s’arrête pas là et dispense aussi des formations aux métiers de surveillants de baignade, sauveteurs et maîtres-nageurs. De leurs premières brasses jusqu’à leur diplôme professionnel, Brahim a vu grandir et formé bien des jeunes. Comme Ahmed Houssine : le maître-nageur de l’association travaille à l’année à la piscine de Frais Vallon et c’est grâce à Brahim qu’il a trouvé sa voie et un emploi stable.
Une vraie satisfaction, car en plus de pâtir d’un faible taux d’équipements publics, les quartiers nord souffrent d’un chômage endémique, qui atteint un taux de 27% à certains endroits.
Sortir la tête de l’eau en sachant nager, sortir la tête de l’eau dans la vie de tous les jours, s’en sortir tout simplement… Moi je veux ouvrir ce champ des possibles, parce qu’il y a de quoi faire, on a une jeunesse qui a envie.
Brahim.
Redonner aux enfants la fierté d’être d’ici, leur permettre de se réapproprier la mer et cette "carte postale" que l’on pense réservée aux touristes, tel est aussi l’objectif du Grand bleu.
En mettant en lumière cette énergie et cette solidarité, ces femmes et ces hommes qui s’efforcent de lutter contre les inégalités et la fatalité, Myriam Elhadad dessine le portrait mosaïque de quartiers en mouvement et signe une chronique à la fois joyeuse et émouvante.
Un été à l’Estaque
Un film de 52 mn écrit et réalisé par Myriam Elhadad.
Une coproduction Éclectic / France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Première diffusion en mai 2023