Témoignage. "Quand la misère sera totale, les gens comprendront que les gilets jaunes sont toujours là"

Publié le Écrit par Pauline Guigou et Karen Cassuto

Le 17 novembre 2018, des centaines de milliers de personnes se rassemblaient dans tout le pays. Leur signe de ralliement, un gilet jaune. Cinq ans plus tard, certains portent encore la chasuble, indignés par la misère sociale. Témoignage.

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La première fois que nous avons rencontré Paul, c'était il y a cinq ans. Sur le rond-point de La Ciotat, il portait fièrement son gilet jaune, sur lequel est inscrit : "Je suis vieux mais je n'ai pas peur". Les années ont passé mais les lettres ne se sont pas effacées, ni sa détermination.

"Je touche 900 euros de retraite"

Paul Hubac a aujourd'hui 81 ans. S'il ne bat plus le pavé, il milite toujours pour "l'esprit gilet jaune", gardant en tête les raisons de ses premières mobilisations : "Un jour j’ai vu des personnes âgées qui triaient dans les poubelles pour ramasser des fruits pourris. Comment des gens qui ont travaillé pendant 40 ans ont pu en arriver là ?" s'indigne-t-il.

Depuis ce jour, il n'a plus quitté sa chasuble, convaincu que les choses n'ont pas changé depuis. "C'est très grave ce qui se passe en ce moment. Comment expliquer que le 10 du mois, les gens n'ont plus d'argent pour se nourrir, pour se chauffer ?". Paul a la gorge serrée.

Les gilets jaunes n'ont jamais demandé d'aides sociales. Ils veulent un salaire pour vivre décemment. 

Paul Hubac, retraité et gilet jaune


à France 3 Provence-Alpes

En 2018 déjà, il expliquait devant la caméra de France 3 Provence Alpes : "J'ai travaillé toute ma vie, de 13 à 70 ans. Je n'ai jamais eu un jour de chômage. Je touche 900 euros de retraite". Son discours n'a pas changé en 2023.

"Castaner nous a massacrés"

Aujourd'hui, il revient sur ces mois de mobilisation, sur ces samedis qui piquaient la gorge, sur les coups que les gilets jaunes ont pris : " À chaque fois, il nous fallait trois jours pour nous en remettre. On nous a frappés, on nous a gazés", se rappelle l'octogénaire. 

Selon lui, il y avait bien quelques casseurs dans les cortèges. "Sur 100 gilets jaunes, peut-être cinq excités, mais j'ai vu des gens qui agonisaient, l'œil crevé, la main arrachée...".

"Castaner nous a massacrés", conclut-il. 

"Fraternité, joie et tristesse"

L'esprit gilet jaune, Paul Hubac le porte toujours en lui, et c'est ainsi qu'il le définit : "J'ai trouvé de la fraternité, de la joie, et de la tristesse aussi". "J'ai trouvé des gens décidés à changer les choses par leur présence, et par leurs cris. J'ai trouvé le peuple qui souffre, et qui est toujours là". ajoute-t-il. 

La misère est toujours là. Paul Hubac est toujours là : "On est plus dans la rue, mais on continue de travailler, on essaie de se structurer". Le retraité se déplace dans des réunions politiques. La veste jaune toujours sur le dos : "Parfois on m'expulse, parfois on me donne la parole". 

Parler pour essayer de convaincre, notamment la jeunesse, que les gilets jaunes ne sont pas morts, et qu'ils ont même "marqué l'histoire de la République française". 

Paul en est-il fier ? "Non, comme tous les soldats on n'est pas fiers tant qu’on n’a pas gagné la guerre, mais on a gagné une bataille". 

L'octogénaire est convaincu que les gilets jaunes reviendront."C'est malheureux à dire mais quand la misère sera totale, les gens comprendront que nous sommes toujours là. Et il se passera alors quelque chose d'important".

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