Une note de service oblige les agents de restauration des cantines scolaires de Marignane à servir "toutes les composantes des menus, y compris la viande" au nom du "principe de laïcité".
La polémique enfle depuis la révélation d'une note sur l'obligation de servir de la viande dans les cantines scolaires à Marignane, dans les Bouches-du-Rhône, en vertu de "la laïcité", selon la ville.
Que dit exactement le document ? Comment le maire justifie-t-il cette décision ? Quelles sont les recommandations scientifiques pour servir aux enfants des menus à la fois équilibrés et durables ? France 3 Provence-Alpes fait le point.
Que dit la note de service ?
Depuis le 6 septembre, une note de service dont l'existence a été révélée par La Provence et Marsactu, et que France 3 Provence-Alpes a pu consulter, ordonne aux agents de restauration de servir "toutes les composantes des menus, y compris la viande". Et ce "en vertu du principe de laïcité".
Les enfants doivent être servis "en respectant tous les aliments. Les denrées ne sont pas mélangées. L'enfant a le droit de les manger ou pas", lit-on encore dans la note. Les seules exceptions possibles concernent les aménagements dans le cadre d'un projet d'accueil individualisés (PAI), pour des raisons médicales.
En clair, quand il y a de la viande au menu, les agents ont l'obligation de la servir. La ville semble cependant bien respecter l'obligation légale de servir au moins un menu végétarien par semaine, à en croire les menus de novembre et de décembre en ligne sur une plateforme pour les habitants.
Une politique qui répond à un enjeu écologique, puisque végétaliser l'alimentation est l'un des moyens les plus efficaces pour enrayer la crise climatique, selon le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec).
Qu'est-ce que la laïcité a à voir là-dedans ?
La note de service invoque "le principe de laïcité" pour obliger les agents de service à servir de la viande à tous les enfants quand elle est présente au menu, sans les obliger à la manger.
Joint par France 3 Provence-Alpes, le maire Divers Droite de Marignane Éric Le Disses considère en effet que "la laïcité, c'est servir la même chose à tout le monde". Et ajoute : "Il n'y a rien de nouveau, les menus n'ont pas changé, on a fait cette note de service parce que certains élèves se sont plaint de ne pas avoir de viande à la cantine."
La jurisprudence ne semble pas s'être penchée sur ce cas particulier. En revanche, en octobre dernier, le Conseil d'Etat a tranché que les menus dits "de substitution" servis à la place du porc ne dérogent pas aux principes de laïcité et de neutralité.
La plus haute juridiction administrative avait été saisie par le maire Rassemblement national de Beaucaire (Gard), Julien Sanchez. Qui fait peu de cas de son avis, puisqu'il a imposé le porc au menu chaque lundi, selon les révélations de Médiapart, le 11 décembre. Pour Éric Le Disses, ces deux affaires n'ont cependant "rien à voir. Nos cantines ont l'obligation de servir de la viande, quelle qu’elle soit, quand il y en a. On ne parle pas des alternatives au porc."
Quels sont les arguments de ceux qui veulent son retrait ?
La CGT dénonce de son côté "des politiques discriminatoires" dans un communiqué. Et "pas seulement pour des raisons religieuses. À Noël, il serait absurde de servir du foie gras dans les assiettes de tous vos convives, si certains n'en veulent pas car ils jugent que c'est cruel envers les animaux", appuie le syndicat joint par France 3 Provence-Alpes, qui redoute par ailleurs que cette politique mette de "l'huile sur le feu et créé des tensions inutilement entre les élèves".
Une pétition en ligne signée par près de 200 personnes demande d'ailleurs le retrait de cette note, pour les mêmes raisons.
Quelles sont les recommandations sur le plan de la santé ?
Dans un avis de 2021, l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation (ANSES) estime que “l’augmentation du nombre de menus sans viande ni poisson ne modifie pas le niveau de satisfaction des apports en nutriments, au regard de l’atteinte des références nutritionnelles".
Servir aux enfants des repas végétariens trois fois par semaine serait même "une piste intéressante pour concilier bonne nutrition et respect de l’environnement", selon des travaux publiés par des chercheuses de l'Institut national de la recherche agronomique (Inrae) en mars 2022 dans l'European Journal of Nutrition.