Cannes, Antibes, Vallauris... Les chères plages de la Côte d'Azur peuvent-elle résister à l'érosion ?

Sur la Côte d'Azur, les plages font l'objet d'une attention particulière car elles sont un enjeu touristique et économique important. Mais recharger ces plages en sable, est-ce la bonne solution ? Et surtout, peut-on continuer à payer la facture ? Eléments de réponse avec une spécialiste. 

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Une plage sans sable, ce n'est pas vraiment une plage. Mais sur la Côte d'Azur, faire des châteaux de sable va finir par coûter très cher. Car cette poudre vaut de l'or.  

A Cannes, le coût des opérations de réensablement s'élève à 800 000 € par an pour l’ensemble des opérations de "reprofilage"et l'apport en sable pour les plages du Midi, de la Croisette et les plages du secteur Gazagnaire.

A Antibes, cette année 2021 la facture d'engraissement des plages s'élève à 200.000 euros à la charge de la commune. Il y a 4 ans, c'était 50.000 euros. 

Après les travaux d'hivernage, en ce mois d'avril, c'est le grand chantier. Une trentaine de camions a livré en quelques jours 4.000 tonnes de sable en provenance des carrières du Beausset dans le Var.

Une livraison qui s'effectue directement sur la plage. Une masse tellement importante qu'elle bouche presque la vue pour les résidents d'un immeuble de Juan-les-Pins qui a vue sur la Grande Bleue !

Ensuite, cette pyramide de sable est répartie sur la plage grâce à une pelleteuse. Résultat : pendant quelques jours, la plage est l'objet de grandes manoeuvres avec des engins de chantier qui étalent ces tonnes de sable sur la plage.   

En plus de Juan-les-Pins, toutes les plages d'Antibes sont concernées : la plage de la Salis, la plage du Ponteil et les criques du Cap d'Antibes (la Garoupe et la plage des Ondes). 

Des plages qui rétrécissent. A Juan-les-Pins, un retraité se souvient que la plage s'étendait dans sa jeunesse sur 20 mètres de long. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Réensablement exceptionnel 

A l’hiver 2017-2018, la Croisette a doublé sa superficie.

Les plages ont bénéficié d'un réensablement exceptionnel sur une longueur de 1,4 km. Elles ont été agrandies jusqu’à 40 m de profondeur grâce à l’apport de 80 000 m3 de sable par voies terrestre et maritime. Le coût de ces travaux titanesques : 10 millions d'euros, divisé en deux parts égales entre la mairie de Cannes et les plagistes.

Sur la Côte d'Azur, les plages font l'objet d'une attention particulière car elles sont un enjeu touristique et économique important. C'est pourquoi les collectivités votent et financent ces apports en sable. Sans plage, pas de restaurant au bord de l'eau, pas de consommation et surtout, pas de touristes. Mais recharger ces plage en sable, est-ce la bonne solution ? Et surtout, peut-on continuer à payer la facture ? 

Isabelle Lesprit, directrice d'Acri-In, un bureau d'études spécialisé dans l'observation, étudie depuis 30 ans ces questions sur le littoral méditerranéen et jusqu'en Corse.

Une maison trop proche de la mer, des aménagements de ports à revoir, un risque de submersion pour un camping ou une paillotte en danger à cause de la montée des eaux ? Les collectivités font appel à ses services pour mesurer les risques et prendre les bonnes décisions. Un travail qui se fonde sur l'observation et des modélisations. Des préconisations qui se trouvent aussi au croisement des enjeux économiques et environnementaux.

"Mur de haut de plage"

"Aujourd'hui, on paye tout ce qui a été fait il y a 40, 50 ans !", affirme Isabelle Lesprit.

La question est complexe : toutes ces plages qui sont en érosion ont un mur de haut de plage. En fonction de la houle, des surcôtes, les vagues tapent sur les murs, ça crée des trous et avec le reflux ça creuse la plage.

La spécialiste a proposé de mettre des protections au large, comme une digue. Mais il y a un veto de la part des services de l'état car ça défigure le paysage, on toucherait aux fonds marins et c'est une solution coûteuse." 

"Un puits sans fond"

Selon elle, "le rechargement des plages en sable n'est pas une solution durable car on sait pertinemment que l'année d'après c'est à refaire. Au premier coup de tempête, tout repart à la mer !" Des tempêtes qui peuvent encore avoir lieu en mai. "Si ce n'est pas la solution parfaite, au moins, ça n'aggrave pas la situation et "ça permet d'avoir un peu de plage pour la saison estivale." Car certaines plages de la Côte d'Azur n'existaient pas il y a plus de 50 ans, elles ont été gagnées sur la côte et les rochers. 

L'experte prend l'exemple de la plage de la Croisette à Cannes. En 2018, 80.000 m3 de sable ont été apportées pour renflouer la bande de sable... mais selon elle, "c'est un puits sans fond."

Ce sable artificiel est donc "importé". "Majoritairement, on recharge avec du sable de carrière qui peut apporter de la turbidité, même si ça donne une couleur un peu lagon," explique-t-elle.

"Sédiments grossiers"

Quelles sont les méthodes pour lutter contre l'érosion ? Globalement, il faut protéger mieux, plus longtemps dans la saison et à moindre coût. Selon elle, le piétinement à la belle saison n'a pas un grand impact. En revanche, laisser les plages en jachère l'hiver avec les herbiers de posidonie, cela semble être une solution naturelle et gratuite qui fonctionne. Malgré un inconfort visuel et olfactif.

Pendant l'hiver, le sable est remonté sur le haut de la plage pour faire comme une midi dune et éviter surtout qu'il ne disparaisse et soit englouti dans la mer. Avec les inévitables 'coups de mer de l'hiver', ce stockage et le maintien des herbiers de posidonie sur le rivage (cf.photo), permettent d'économiser l'apport artificiel en sable à la belle saison. 

Pour Isabelle Lesprit, les galets sont une bonne alternative : "Plus les sédiments sont grossiers, comme les galets, plus ils résistent mieux à l'impact de la houle." Actuellement, les grains de sable mesurent 2mm, une taille qui figure dans le cahier des charges des collectivités. Selon elle, "avec 10 à 20 mm de diamètre, ça tiendrait mieux."

Mais du gros sable sur la Croisette, comme du gravier roulé de la Durance, ça passe mal ! Ce choix n'a d'ailleurs pas été retenu...

Galets moints esthétiques

A Nice, les galets font maintenant partie des spécialités locales. Et pourtant, là aussi il faut recharger chaque année (certains galets sont pucés pour étudier leurs déplacements !). En 2018, 15.000 mètres cube de galets récupérés dans le Paillon ont été déposés dans la baie des Anges. Le coût de l'engraissement n'avait pas été communiqué par la ville de Nice. Mais recharger les plages en sable coûte deux fois moins cher qu'en galets. Des galets moins esthétiques que le sable mais qui limitent l'érosion. 

Loi littoral

Globalement, il faut protéger mieux, plus longtemps dans la saison et à moindre coût.

Depuis 3 ans, suite à l'application de la loi littoral, il y a moins de restaurants de plage, notamment à Juan-les-Pins. Cela a-t-il un impact ?  

Cela ne peut qu'améliorer la situation. La problématique, ce sont les points en dur sur les plages. Retirer les points durs ça ne peut qu'améliorer les choses

Isabelle Lesprit.

Cette année, sur la plage de Juan, on remarque quelques endroits où le sable est resté en haut de la plage, voire a augmenté. Des points d'accrétion liés aussi au vent et aux courants. 

Autre problème, aujourd'hui, on a beaucoup moins de sédiments charriés par la mer, observe Isabelle Lesprit."Tout ce processus naturel est mis à mal. Les murs en haut de la plage et les travaux sur la côte, urbanisation, construction de parkings, ont réduit les apports sédimentaires".

Phénomènes météo extrêmes

Tout le littoral de la Côte d'Azur est aussi fragilisé par des phénomènes météo qui s'amplifient et sont de plus en plus extrêmes. A la Seyne sur Mer dans le Var, il y avait 20m de plage, se souvient Isabelle Lesprit, "il a fallu conforter le mur car les fondations ont été attaquées. Car il n'y a pas que la largeur des plages, il faut aussi prendre en considération l'épaisseur de plage qui se réduit. Plus la mer arrive près du mur, plus les fondations seront mises à nu."

Au risque d'attaquer la chaussée. 

Allonger sa serviette...

Parfois, des plages gagnent 20cm mais l'année suivante, après un coup de mer, elles perdent 1 mètre. Une érosion qui ne se rattrape pas. Selon l'experte, allonger sa serviette sur le sable chaud ne sera peut-être plus possible. Elle ne cache pas ses prévisions pessimistes : "D'ici 20, 30 ans il n'y aura plus rien". Le risque à long terme ? "Qu'il n'y ait plus de plage, plus d'accès balnéaire."

Pour que ceci ne soit pas qu'un souvenir...

Seule certitude, cette décision de limiter ou d'interdire l'accès des plages sera politique. En espérant que les vacances à la plage ne deviennent pas des souvenirs d'une autre époque. 

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