"Les problèmes se sont accentués" : après la crise de l'hiver dernier, les agriculteurs préparent une nouvelle mobilisation

Près d'un an après la mobilisation agricole qui a secoué la France, les agriculteurs se disent prêts à se mobiliser à nouveau. Dans les Hautes-Alpes, bassin de la culture de la pomme, ils se sont réunis mardi soir pour discuter des actions à mener.

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"Je préfère arracher que de mettre la clef sous la porte". Lilian Lions déambule au milieu d'une parcelle où il ne récoltera plus de reinettes. Il a pris la douloureuse décision d'arracher ses pommiers plantés il y a une trentaine d'années par son père. "J'y suis allé doucement pour ne pas lui faire de peine. Mais quand on n'arrive plus à vivre, il faut prendre une décision."

Son exploitation de 17 hectares est située dans le hameau de Rourebeau, dans la vallée du Büech, dans les Hautes-Alpes, berceau de la culture de la pomme. Mais pour Lilian, l'activité n'est plus rentable. "Les prix ne sont pas assez hauts et la main d'œuvre pour les récoltes est introuvable". Il préfère s'orienter vers l'élevage.

Depuis plusieurs semaines, la mobilisation couve dans le monde agricole. Fin octobre, des agriculteurs ont bâché plusieurs radars dans le secteur d'Aix-en-provence, dans les Bouches-du-Rhône. Ils attendent des actes rapides, après la mobilisation de l'hiver dernier et le vote en avril d'une loi d'orientation pour la souveraineté agricole. 

"Pas d'amélioration" depuis l'hiver dernier

Bonnet jaune siglé de la Coordination Rurale, troisième syndicat agricole en France, vissé sur la tête, Lilian se dit prêt à se mobiliser lui aussi. Comme son voisin, Philippe Mouranchon. Lui persévère dans la pomme. Il a notamment planté des variétés plus rémunératrices, comme la "Pink lady" vendue 60 centimes le kilo.

Il ne voit "pas d'amélioration" après la crise de l'hiver dernier et les mesures prises par le gouvernement Attal. Comme l'annulation de la hausse du gazole et des aides à la trésorerie. Des avancées qui ne suffisent pas à calmer la colère de Philippe. "On devait avoir moins d'administratif, et c'est de pire en pire."

Il pointe comme Lilian des problèmes à recruter des ouvriers agricoles. "De moins en moins de personnes veulent faire le travail. Si on augmente les salaires, on n'arrive plus à vivre."

En Pologne, l'un des principaux concurrents de la France pour la production de pommes, le salaire minimum brut est à 978 euros, contre 1801 euros en France. "On ne se bat pas avec les mêmes armes, c'est de la concurrence déloyale. Ici, de moins en moins de produits phytosanitaires sont autorisés alors que nos voisins européens y ont droit. C'est décourageant."

Des pommes moins chères de l'étranger

"On aura beau dire, il faut produire français, il faut manger français... Quand il arrive des pommes moins chères de l’étranger, le choix pour le consommateur, il est vite fait…"

Lilian et Philippe ont participé tous les deux à une réunion de la coordination rurale ce mardi 12, à la salle des fêtes de Roubereau. Parmi la trentaine de participants, des membres du syndicat, mais aussi des agriculteurs encartés à la FNSEA ou non syndiqués.

À l'ordre du jour, les possibles actions à mener là partir du 19 novembre, jour de mobilisation nationale de la coordination rurale. "Le mot d'ordre, c'est de mettre les Français et les pouvoirs publics face à une faillite de l'agriculture. Que les clients ne puissent plus se servir dans les supermarchés", précise Serge Jousselme, président de la coordination rurale 05.

Il en est persuadé "le mouvement va s'amplifier. Les problèmes se sont accentués cette année avec les problèmes climatiques qu’on a eus, et surtout l’inaction des politiques, avec la dissolution et cette loi d’orientation agricole échouée". Pour l'instant, le syndicat répertorie les doléances des agriculteurs qu'il transmettra au préfet.

La FNSEA aussi se mobilise

Dans d'autres départements, les agriculteurs ont décidé de se mobiliser dès cette semaine. C'est le cas dans les Bouches-du-Rhône. La coordination rurale prévoit de bloquer une plateforme logistique de la grande distribution à Rousset.

De son côté, la FNSEA appelle également à se mobiliser, à partir du 18 novembre. Le syndicat s'inquiète notamment des accords de libre-échange en cours de négociation entre l'Union européenne et les pays du Mercosur, en Amérique latine. Pour les agriculteurs, cet accord ouvrirait le marché européen à des produits issus de pays où les normes sanitaires et sociales ne sont pas aussi sévères.

Pour tenter de contenir la colère agricole, la ministre de l'Agriculture Annie Genevard a annoncé le renforcement des mesures déjà prises pour soulager la trésorerie des agriculteurs en difficulté.

Cette nouvelle mobilisation naît dans un contexte particulier pour la profession. En janvier 2025 se tiendront les élections des représentants des chambres d'agriculture. Historiquement, la FNSEA truste la majorité des postes. Un nouveau mouvement agricole peut être pour les syndicats un moyen de mobiliser... Et convaincre de voter.

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