"Rien n'a changé, on va vivre des drames humains cet hiver". En ordre dispersé, les agriculteurs menacent de reprendre leurs mobilisations

Moins d'un an après leurs grandes mobilisations, les syndicats agricoles tirent à nouveau la sonnette d'alarme : en France comme dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la situation économique des paysans reste catastrophique. Pour éviter des drames humains cet hiver, certains préparent déjà de nouvelles actions, avant même le 15 novembre, comme l'annoncent certains syndicats.

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La menace est cette fois officielle. La FNSEA alliée aux Jeunes Agriculteurs, majoritaires dans la profession et à l'initiative des manifestations d'ampleur du secteur début 2024, appellent ensemble à "une reprise des actions à partir du 15 novembre". Dans la région Provence-Alpes comme partout en France, les agriculteurs s'étaient fortement mobilisés en janvier et février 2024, à travers de nombreux blocages, pour dénoncer notamment la dégradation de leurs revenus.

"Rien n'a changé"

"Tout le bénéfice de notre mobilisation du début d'année a été stoppé et mis en 'stand-by' par la dissolution" justifie Laurent Depieds, le président de la FRSEA Paca. Pour ce producteur de plantes aromatiques installé à Mane dans les Alpes-de-Haute-Provence, les inflexions du gouvernement précédent "prenaient la bonne direction". Et il cite en exemple les taxes appliquées au carburant, les micro-exploitations, les plus-values en cas de transmissions. Mais avec l'arrivée de la nouvelle ministre de l'Agriculture, "nous devons recommencer le travail d'explication". Si le responsable régional reconnaît qu'Annie Genevard "est à l'écoute" du monde agricole, les actes se font attendre.

Il y a les mots d'amour, et les preuves d'amour. De la nouvelle ministre, on attend toujours des preuves

Laurent Depieds, président FRSEA Paca

"Tout le monde est touché" 

Selon le responsable syndical, parmi les 19 000 agriculteurs recensés en région Paca (chiffres 2020), "tout le monde est touché" par l'effet "coup de ciseaux" d'une économie générale en berne. "Nous subissons de plein fouet la baisse de la consommation" explique Laurent Depieds, citant son propre exemple : "les prix de l'huile essentielle de lavandin se sont effondrés de 30%", en raison de la surproduction.

Situation économique "terrible"

Pour certains secteurs comme les productions légumières et arboricoles, "les coûts de culture ont explosé". L'inflation du prix des matières premières, des intrants et des salaires continue de "vampiriser les marges" des producteurs. Le gel et les inondations ont amoindri les rendements. Et les prix de vente aux consommateurs n'augmentent pas,"sous pression des marchés internationaux". Le responsable de la FRSEA pointe la "concurrence déloyale" induite par les accords de libre-échange mis en œuvre à l'échelle européenne. 

Des agriculteurs entre colère et détresse

Conséquence : "Chez de nombreux agriculteurs, la trésorerie est plus qu'à sec" alerte Laurent Depieds. Et les aides promises se font attendre. "Le monde agricole est malade" résume-t-il amèrement. En pointant les revendications de la FNSEA toujours pas satisfaites : "la simplification administrative" et "la réduction des normes environnementales" qui selon lui entravent l'agriculture française dans une compétition mondiale où d'autres pays sont moins regardants.

Le cri des paysans qui veulent pouvoir vivre dignement de leur métier n'a toujours pas été entendu.

Laurent Depieds, président FRSEA Paca

Avec le loup, le vase déborde

"Pour les éleveurs de Provence et des Alpes, la prédation du loup, c'est la goutte de trop", confirme en écho Laurent Dubost, secrétaire général pour les Bouches-du-Rhône, du syndicat agricole concurrent, la Coordination Rurale. Ils contribuent largement au revenu agricole de la région, mais "se sentent totalement abandonnés par la priorité donnée à l'Écologie" estiment les représentants syndicaux.

Veut-on encore des agriculteurs dans ce pays ?

Laurent Dubost, secrétaire général Confédération Paysanne des Bouches-du-Rhône

"On ne peut plus avancer à vue"

Priorité à l'agriculture ou à l'environnement ? Réglementation et normes, ou simplification ? Protectionnisme ou libre-échange ? Prix du marché ou prix garantis aux producteurs ? Au nom de la Coordination Rurale, le viticulteur de Rognes dans les Bouches-du-Rhône réclame "de la visibilité et un cap clair" au gouvernement. En urgence.

Pour la Coordination Rurale, mobilisation immédiate

Ancien membre des "Jeunes Agriculteurs" Laurent Dubost a claqué la porte d'un syndicat qu'il jugeait  "constamment trop proche des gouvernants", et "trop favorable aux accords internationaux de libre-échange". Face à une "crise sans précédent" des agriculteurs locaux, qui subissent actuellement "une chute de 20 à 40% de leurs revenus toutes filières confondues", "il n'y a pas le choix que de se mobiliser maintenant", sans attendre l'appel de la FNSEA du 15 novembre.

Nous préparons de nouvelles actions des agriculteurs locaux pour les prochains jours

Laurent Dubost, secrétaire général Coordination Rurale des Bouches-du-Rhône

La Confédération Paysanne en désaccord avec la FNSEA

Colère, sentiment d'abandon, immobilisme... Benjamin, maraîcher en Provence et adhérent à la Confédération Paysanne, partage le constat général de la profession. Mais pas la méthode d'action annoncée par les autres syndicats, qui pourrait occasionner des débordements, et risque de faire perdre aux paysans leur capital sympathie.

Je ne pense pas qu'en allant brûler des préfectures, ça changera quelque chose

Benjamin, maraîcher en Provence

François Borel est éleveur à La Roque-d'Anthéron, et porte-parole de la Confédération Paysanne pour les Bouches-du-Rhône. Il confirme que son organisation, "non violente" plutôt classée à gauche, ne souhaite pas se joindre à l'ultimatum de la FNSEA.

"La FNSEA a déjà tout obtenu"'

À ses yeux, "ces représentants de l'agro-industrie ont tout obtenu de ce qu'ils souhaitaient" après les mobilisations du début d'année. Des mesures à l'opposé du modèle plus extensif et respectueux de l'environnement prôné par son syndicat. Pour lui, la PAC "réorientée vers les grandes cultures" ou encore "la baisse des normes environnementales" ne vont pas dans le sens de l'Histoire.

Contrairement à la FNSEA, nous voulons que l'agriculture se réforme par le haut, sans abîmer l'environnement

François Borel, porte-parole Confédération Paysanne des Bouches-du-Rhône

Un trait d'union : des prix rémunérateurs

Action coup de poing dès cette semaine, ultimatum, avant de nouvelles mobilisations le 15 novembre ou travail en coulisses dans les ministères. Les agriculteurs régionaux confrontés aux mêmes difficultés pourraient cette fois partir en ordre dispersé pour tenter d'obtenir des prix d'achat rémunérateurs pour leurs productions. Seule garantie à leurs yeux d'exister encore demain. 

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