Le second tour des élections municipales ce dimanche 28 juin traduit un nouveau rapport de force en Provence-Alpes. Le scrutin a par ailleurs été marqué par une très faible participation. La politologue Christel Marchand-Lagier nous livre son analyse en cinq questions.
Malgré son score, ce n'est pas gagné pour le Printemps Marseille ?
"C'est un désaveu de Martine Vassal, qui est battue, et bien battue dans son secteur. Ça souligne une forme de sanction du système en place et la volonté d'un changement.Le Printemps Marseillais gagne quatre secteurs, avec des difficultés à avoir une réelle majorité. Et Samia Ghali se retrouve en arbitre. C'était la configuration la plus compliquée pour eux, ça ne facilite pas les conditions de la discussion de ce côté-là.
Et puis, la droite se maintient quand même sur trois secteurs, ça va être compliqué sur certains dossiers.
Le Rassemblement national, lui s'effondre. Il a des scores qui sont quasiment identiques à ceux du premier tour.
Dans le 7e secteur, la droite l'emporte mais c'est juste. Ce qui est étonnant, c'est que ce secteur était plutôt dans un affrontement droite-gauche depuis plusieurs années.
Finalement, on retrouve une configuration qu'on avait déjà un peu saisie en 2017, avec une opposition entre la droite et la gauche sur Marseille qui s'incarne dans la distribution des différents secteurs, avec le secteur de Samia Ghali où il y a une implantation locale d'une figure qui arrive à performer."
Y a-t-il eu une vague verte en Provence, ailleurs qu'à Marseille ?
"Il n'y a pas véritablement de vague verte en Provence. A Avignon, Cécile Helle est reconduite malgré l'opposition des écologistes en face. Mais son programme était fortement marqué par les axes écologistes et citoyens.Cécile Helle incarne un peu cette transformation des forces de gauche sur ce volet-là. C'est une forme de standardisation des offres à gauche qui ne peuvent pas faire sans l'écologie.
LREM a perdu en crédibilité et rate complètement son implantation locale, et c'est aussi une des explications de la victoire des écologistes."
C'est aussi une défaite pour le Rassemblement national ?
"Le RN rate Cavaillon et Carpentras, encore une fois. Les sortants ont peut-être bénéficié de la gestion de la crise. Ils ont eu trois mois pour montrer qu'ils étaient proches de leurs administrés et cela a peut-être joué.A Carpentras, le maintien du candidat de droite a desservi le Rassemblement national parce Bertrand de la Chesnaie jouait vraiment sur cette idée d'un soutien du Rassemblement national mais d'un rassemblement des droites.
Mais la surprise, c'est Bollène, c'est l'usure des Bompard et de la Ligue du Sud. Sur Orange, Jacques Bompard est là depuis 1995, il arrive encore à se maintenir mais Marie-Claude Bompard n'a pas la popularité de son mari.
C'est une liste d'union centre gauche centre droit qui a gagné. Anthony Zilio n'est pas très connu mais il est jeune, 35 ans, il donne l'image d'un renouvellement.
L'extrême-droite remporte Morières-les-Avignon avec le soutien du RN (Georges Souque, ndlr), mais ce n'est pas une bonne moisson pour le Rassemblement national."
Que retenir de l'abstention en Provence Alpes ?
"Cette abstention devient très inquiétante. Je ne pense pas qu'on puisse mettre ça sur le compte de la crise sanitaire, il suffit de regarder les plages hier à Marseille.Et depuis quelques semaines, on voit bien le comportement des gens qui ne semblent pas particulièrement inquiets, à part peut-être pour les personnes les plus âgées, qui se sont moins déplacées, et l'électorat du Rassemblement national, qui est plus anxieux et qui ne s'est pas mobilisé.Mais il y a aussi cette abstention structurelle caractéristique des quartiers les plus populaires. Il faudra regarder le détail par bureaux de vote à Marseille car en Seine-saint-Denis, on atteint 80 % d'abstention.
Ce sont les populations les plus précarisées. C'est cette abstention des catégories les plus éloignées de la politique qui s'accroît d'élection en élection.
On a une abstention qui s'installe plus durement. Et à Marseille, même si le Printemps Marseillais arrive en tête, le gros enjeu sera de remobiliser les catégories populaires sur le vote."