"Ne rien casser" : dans les supermarchés, la colère des agriculteurs maîtrisée par les consignes des syndicats

En plus des points de blocage sur les axes routiers, les agriculteurs multiplient les opérations coup de poings dans les grandes surfaces contre les produits de provenance étrangère, qu'ils dénoncent comme une concurrence déloyale.

Depuis le début des manifestations, la grande distribution est dans le viseur des agriculteurs qui mènent des opérations coup de poing partout en France, s'en prenant aux marchandises de provenance étrangère, dans les rayons des supermarchés. Plusieurs enseignes ont été ciblées depuis vendredi dans la région Paca, comme Super U à Sisteron ou encore Leclerc Drive et Lidl à Salon-de-Provence.

"Pas Français, pas de saison, on n’en veut pas"

Dans un magasin Leclerc, les agriculteurs ont rempli des caddies de produits d'importation, qu'ils ont sortis et vidés sur le parking avant de les recouvrir de produits invendus français pour dénoncer la concurrence déloyale. "Pas Français, pas de saison, on n’en veut pas", pouvait-on lire sur des pancartes. 

A Salon-de-Provence, les manifestants des JA 13 et de la FDSEA13 ont tagué "Paysans en danger" sur le grand rideau de fer blanc du Leclerc. Dans les charriots, des poivrons jaunes, des courgettes et autres légumes. "Vous avez que des produits étrangers, du Maroc et d'Espagne", fait remarquer un jeune agriculteur à France 3 Provence-Alpes.

Ce lundi, les actions ont repris. À Gap, les agriculteurs se sont rendus avec leurs tracteurs dans une enseigne Leclerc pour "trier" ce qui ne vient pas d'exploitations françaises. 

Des consignes nationales 

Une opération bien encadrée par les responsables syndicaux avec un mot d'ordre : ne rien sortir du magasin pour ne pas commettre de vols et aucune dégradation. "Ce n'est pas le but de détruire, de casser ou quoi que ce soit, assure René Laurens, président de la FDSEA 05, on a bien reçu le conseil de la FNSEA et des JA de ne rien casser, parce que sinon il faut payer".

Les manifestants ont rempli une dizaine de caddies de produits des différents rayons. Brocolis, courgettes, poireaux ou tomates..."En France, on en produit et ils jettent les tomates parce qu'ils n'arrivent pas à les vendre, c'est inadmissible", explique un manifestant à France 3 Provence-Alpes.

Au rayon charcuterie, des saucissons subissent le même sort. "On enlève les produits avec marqué en gros "fabriqué en France" avec "viande de porc origine UE", donc on ne sait pas du tout d'où ça vient, alors que Egalim l'interdit", souligne Florent, éleveur haut-alpin.

Vider les rayons mais ne rien abîmer

"Leclerc a décentralisé sa centrale d'achat pour échapper à Egalim, arrive un moment où il va falloir qu'ils assument", ajoute-t-il.  La colère ne faiblit pas malgré les propos de Bruno Le Maire vendredi. Le ministre de l’Economie a annoncé, sa décision de sanctionner les marques et les magasins qui ne respectent pas cette loi censée protéger le revenu des producteurs. Les récalcitrants seront condamnés à verser une amende représentant 2% de leur chiffre d’affaires. Une somme colossale, mais ça n'a pas calmé pas la colère des agriculteurs.

On n'abîme rien, on va juste les mettre dehors, on les enlève des rayons pour que les gens se rendent compte, que tout ce qui vient d'Espagne, c'est vide.

Un agriculteur en colère

France 3 Provence-Alpes

"Au moins, il ne restera que ce qui vient de France et ils verront qu'il n'y en a pas beaucoup". A quelques mètres de là, un arboriculteur excédé vide quelques pots de miel dans un caddie et s'emporte : "ça, c'est du miel de Bulgarie, Pologne, et Roumanie qui concurrence les producteurs de miel français qu'on entend tous les jours à la télé se plaindre qu'ils ne vendent plus leur miel". 

"En ce moment, j'ai les pommes de Pologne qui me bouffent les miennes et moi, je paie l'électricité six fois plus cher qu'avant et je ne peux plus payer l'électricité pour les frigos ; alors mes frigos, ils sont vides !, lance-t-il fou de rage. L'homme a rapidement été intercepté et conduit vers la sortie par les organisateurs de la manifestation.

Les caddies n'ont pas passé les caisses. Ils ont été regroupés à l'entrée du magasin, emballés et étiquetés : "provenance denullepart.com". Dans la journée, les agriculteurs haut-alpins ont pris trois autres enseignes pour cible : Lidl, Auchan et Intermarché.

L'appel à la "modération" de Gérald Darmanin

Pour l'heure, on ne sait pas si les directions de ces établissements vont engager des poursuites. La préfecture de police des Bouches-du-Rhône n'a connaissance d'aucune plainte déposée. Pour l'avocat marseillais, Daniel Tarasconi, "tout dépendra des réquisitions du procureur de la République" mais compte tenu du contexte national, les pouvoirs publics vont vouloir apaiser les esprits. S'il y a plainte et procès, le parquet risque d'adopter "un profil bas pour éviter un embrasement général".  Selon lui, sur des faits de ce type, les peines ne devraient pas dépasser une amende ou une peine de prison avec sursis. 

Face aux risques de tensions et de dérapages, 15 000 gendarmes sont mobilisés dans toute la France. Mais sur TF1, Gérald Darmanin, compatissant, a déclaré : "On ne répond pas à la souffrance en envoyant des CRS". Le ministre de l'Intérieur demande aux forces de l'ordre de ne pas intervenir sur les points de blocage, seulement de les sécuriser, et de n'agir qu'en cas de dégradations de camions étrangers. Un appel à "la modération" envers un mouvement massivement soutenu par la population. Selon un sondage mené pour Le Figaro. Près de 9 Français sur 10 approuvent la colère exprimée par les agriculteurs. 

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