Anti-gaspillage alimentaire : ce brasseur du Var fabrique ses bières avec du pain invendu

C'est une initiative pour le moins originale : dans le petit village de Figanières, près de Draguignan dans le Var, Olivier Dauphin s'est lancé dans la fabrication d'une bière qui incorpore notamment du pain, récupéré chez les boulangers du secteur. Une démarche anti-gaspillage et...gourmande !

Quatre fois par mois, Olivier Dauphin se lance dans une opération d'importance : le brassage de l'une de ses 6 bières locales. Et deux d'entre elles ont une particularité : elles utilisent du pain, récupéré chez les boulangers du coin.

Du pain réutilisé plutôt que jeté

Ce 24 août, Olivier a d'ailleurs rendez-vous à la boulangerie Oudard, à l'entrée du village de Figanières.

Il y retrouve Julien, le patron. C'est lui qui fournit le pain, tranché et rangé dans des grands sacs. En tout, il y en a environ 25 kilos.

"On lui prépare à chaque fois 3 ou 4 sacs de pain invendu. L'idée est excellente : c'est de ne pas jeter ! Et apparemment, le goût du feu de bois ressort bien sur la bière ambrée, donc c'est super! ", se réjouit Julien Oudart.

Qui continue néanmoins de donner une partie de ses invendus à des associations caritatives. 

Un soutien entre artisans qui ne s'arrête pas là. Car Julien commercialise aussi les bières locales dans son établissement, qui propose une activité de snacking. "Cela marche super bien, on n'arrive pas à suivre la demande et on est à sec!", s'amuse le boulanger. 

4 brassages par mois

Une fois les sacs chargés, direction les locaux de la brasserie "Bozzzale" (oui, avec trois z!). Situés en plein cœur de Figanières, rue Mistral, il s'agit d'anciens bains-douches, qui sont ensuite devenus une galerie d'art (la Galerie du Rocher), avant d'accueillir la micro-brasserie d'Olivier Dauphin.

Trois mois de travaux ont été nécessaires pour installer tout le matériel. Depuis avril 2022, la brasserie tourne désormais à plein régime, à raison d'environ 4 brassages par mois. Les choses sérieuses peuvent commencer.

Olivier va peser les différents ingrédients nécessaire à la fabrication de sa bière "Boz'Red" (Bread Amber IPA). Le pain donc, mais aussi 2 malts spéciaux (dont l'un donne un petit goût de caramel). Des malts qui sont ensuite concassés dans un moulin.

4 sacs de pain remplacent 1 sac de malt

Ensuite, tous ces ingrédients (dont certains resteront secrets pour ne pas tout dévoiler !) sont mélangés dans une grande cuve d'eau chaude. 

"Ces 4 sacs de pain, cela remplace environ 1 sac de malt. C'est énorme ! Et surtout, cela permet de donner une seconde vie à un produit qui sinon, aurait été jeté !", explique Olivier, tout en remuant son mélange avec une grande spatule en bois. 

Et c'est parti pour une heure de cuisson à 65 degrés. Une étape appelée "empatage". "Les enzymes du malt vont dégrader l'amidon du pain", explique le brasseur. Il obtiendra ainsi un sirop, auquel il ajoute le houblon. S'ensuivront un refroidissement à 20 degrés, puis d'un mois de fermentation environ.

Il ne restera plus qu'à mettre en bouteille et à étiqueter le précieux breuvage. 

Une expérience née en Belgique

Olivier est l'un des premiers à tenter cette expérience dans le Var. Mais en Belgique, la pratique a été popularisée par Brussels Beer Project, une des plus grandes brasseries artisanales de Bruxelles. A partir de 2015, la marque produit la Babylone, une bière brassée à partir de mie de pain, qui connaît un gros succès.

La structure lance d'ailleurs un concours de bières, qui permet au Varois de faire ses premiers essais de brassage de pain. Une révélation. "J'ai vu que ça marchait, donc je me suis dit, je continue!

En 2018, à Toulouse, Romain Courbet et Nicolas Costes ont été encore plus loin. Ils se sont associés pour créer La Brewlangerie. "Il s'agit de la première boulangerie et brasserie bio qui vise à réutiliser les déchets de chaque activité afin d’éviter le gaspillage", précise l'entreprise.

Reconversion et montée en puissance

Olivier Dauphin, lui, n'a pas toujours été brasseur. D'abord intermittent de spectacle, il intervient sur des montages de scènes ou de structures sur de gros festivals comme les Eurockéennes de Belfort. Puis il devient dessinateur de charpente métallique à Draguignan.

Mais passionné de bières anglaises et belges depuis des années, il commence à brasser dans son garage, en 2017. Et rapidement, la passion prend le dessus. En 2019, il crée sa société et sort ses premières bières. Autodidacte, il continue de se former en lisant et en rencontrant de nombreux brasseurs, dont ses amis de La Bière de la Rade à Toulon, qu'il appelle régulièrement pour des conseils. 

En 2022, face à une demande croissante, il rachète son matériel à un brasseur de Chambéry (Coup de mousse), et investit ces nouveaux locaux à Figanières. Un choix qu'il regrette pas. "Je tenais à être au cœur du village, au plus près des habitants. Même si ce n'est pas toujours facile pour les livraisons, car les rues sont étroites!" s'amuse le brasseur.

Localement, il s'approvisionne aussi en baguettes à la boulangerie-pâtisserie Clotilde à Callas, pour fabriquer la  Boz' Wheat, son autre bière (blanche cette fois) à base de pain.

3 000 bouteilles par mois

Olivier produit environ 3 000 bouteilles de 33 cl par mois. Un chiffre qu'il espère doubler d'ici l'année prochaine. Pour l'instant, 90% des ses bières sont écoulées en vente directe. Chaque mardi matin, Olivier ouvre sa petite boutique (au pied de son immeuble d'habitation), au plus près du marché de Figanières, et les commandes affluent. 

Quelques restaurants et commerces locaux commencent même à lui en commander. Comme le Bar du Caou à Figanières ou le Cent pressions à Draguignan

La curiosité aidant, Olivier organise de temps à autres des portes ouvertes et des visites de sa micro-brasserie pour faire partager sa passion. 

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