Dans le Var, une start-up injecte des champignons au pied des vignes pour les sauver de la sécheresse

Avec ses solutions de champignons mycorhizés, Mycophyto veut amplifier un procédé naturel de symbiose, érodé par l'appauvrissement des sols. Après les premiers résultats encourageants dans des vignes du Var, la start-up grassoise veut continuer ses expérimentations en vue d'une prochaine commercialisation de ses produits.

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Printemps pluvieux, viticulteurs heureux ? En ce mois de mai, l'état de la plupart des nappes phréatiques de l'Hexagone est très satisfaisant, selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Si aucun scénario n'est pour l'heure privilégié concernant les prévisions de l'été 2024, le spectre des dernières sécheresses plane toujours sur les vignobles azuréens. 

L'une des solutions pour alléger les effets de la sécheresse pourrait venir d'une symbiose qui a naturellement lieu dans les sols, depuis plus de 450 millions d'années, avant même les premiers dinosaures. Une symbiose qui, avec l'appauvrissement des sols causé par l'activité humaine, a été bouleversée. 

Les champignons mycorhiziens, des organismes microscopiques présents dans les sols, colonisent les plantes et viennent "rallonger" leurs racines pour puiser des nutriments plus en profondeur. Ce processus permet aux plantes d'être en meilleure santé, résume Ludivine Alenda, responsable communication et marketing de Mycophyto. 

Des cocktails de champignons sur mesure

La jeune pousse, fondée en 2017 à Grasse, dans les Alpes-Maritimes, en 2017, met au point des biostimulants à base de ces organismes. En bref : elle cherche, parmi les 350 espèces qui existent sur la planète, la meilleure recette de champignons mycorhiziens à injecter dans les sols afin de les enrichir. Ce que Mycophyto appelle la "mycorhization spécifique".

Ces "cocktails", qui sont différents selon les types de sol et de plantes, "permettent de [les] revitaliser et prévenir l'érosion", "de réduire l'utilisation de fertilisants chimique à hauteur de 30 %" tout en "luttant contre la sécheresse", assure Ludivine Alenda. Car ces champignons mycorhiziens vont "créer une sorte de micro-éponge autour des racines des plantes, qui retiennent l'eau à hauteur de 20 %."

Un chiffre impressionnant, qui en amène un autre : "si tout le territoire AOP Rosé de Provence était 'mycorhizé', on économiserait l'équivalent de 2 500 bassins olympiques sur une saison", abonde Ludivine Alenda.

Des rendements maintenus malgré la sécheresse

Les résultats sur les rendements sont aussi "particulièrement encourageants", juge Gilles Masson, directeur du Centre du Rosé, qui a supervisé l'expérimentation Mycovigne, lancé en 2021 dans le Var. Dans ce cadre, deux cents pieds de grenache du Château Sainte-Roseline ont été "mycorhizés". 

En 2022, le domaine comme la région sont touchés par une sécheresse sévère. Si le rendement des vignes témoins (sans solutions mycorhizées) a chuté de 45 %, celui des vignes mycorhizées est resté stable, "comme si la sécheresse n'avait pas eu lieu", commente Ludivine Alenda.

Les résultats de l'année 2023 sont moins impressionnants (+10 %), car les pertes étaient moindres - la mycorhization maintient les rendements, mais ne les accroît pas. 

Les plantes sont plus résilientes face aux aléas climatiques et pathogènes.

Ludivine Alenda, responsable communication et marketing de Mycophyto

Ce maintien du rendement rentabilise à moyen terme les coûts de la solution, qui peuvent être importants, estime la responsable communication et marketing de Mycophyto. À noter qu'aucune modification du goût n'a été enregistrée sur les baies mycorhizées.

"Il faut faire revenir la vie dans les sols"

Le projet a reçu un "très bon accueil" parmi les viticulteurs, continue Ludivine Alenda. Au micro de Maxime Meuneveaux de France 3 Côte d'Azur, Antoine Bonnet, chef de culture au Domaine Gavoty, se dit lui aussi "très intéressé"

"Aujourd'hui, ma problématique est de faire des vins de terroir et d'arriver à puiser au plus profond des sols pour capter les minéraux. Le champignon est un intermédiaire idéal", souligne-t-il. 

"En tant que scientifiques, on reste prudents" sur cette démarche "assez noble", concède Gilles Masson. Le Centre du Rosé a néanmoins souhaité poursuivre l'expérience avec Mycophyto, dans l'idée de pouvoir commercialiser le projet, qui reste encore en prestation d'innovation.

La start-up grassoise a par ailleurs noué un nouveau partenariat avec le groupe Lauvige environnement pour développer la mycorhization. "Ce n'est pas la seule solution, mais elle est à notre portée donc profitons-en. Il faut impérativement faire revenir la vie dans les sols", insiste le fondateur Joël Lauvige.

Les produits doivent encore être homologués et déployés sur d'autres parcelles, avec des typologies de sol différentes, "afin d'avoir un projet global", note Ludivine Alenda. 

La start-up travaille par ailleurs avec d'autres clients, du maraîchage à l'arboriculture en passant par les terrains sportifs, les espaces verts et les plantes à parfum, pour que chaque plante trouve champignon mycorhizien à son pied.

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