Jusqu'au au 8 mars, le tribunal de Draguignan dans le Var a décidé de marquer les esprits. L'enceinte judiciaire accueille une exposition itinérante de photographies, qui évoque de manière crue mais aussi pédagogique les violences faites aux femmes.
C'est assez rare pour être souligné. Le hall du tribunal judiciaire de Draguignan se transforme, pendant deux semaines, en salle d'exposition éphémère.
En tout, une dizaine de panneaux et une quarantaine de photographies, signées par un collectif d'artistes baptisé "Mots et Maux de femmes".
Des clichés en noir et blanc ou en couleurs, qui donnent à voir et évoquent, de manière parfois directe et crue, les violences dont les femmes sont malheureusement parfois victimes.
Prendre conscience du cycle de la violence
Une thématique qui a décidé la présidence du TGI à dire oui au projet.
A Draguignan, nous sommes particulièrement mobilisés sur cette question. C'était donc pour nous intéressant et important d'accueillir cette exposition dans nos locaux
explique Nathalie Fèvre, la présidente du TGI.
Une exposition qui est ouverte au public, et que chacun peut venir découvrir librement au sein de la salles des pas perdus du tribunal.
"L'idée, c'est que chacun puisse prendre conscience du cycle de la violence et particulièrement du phénomène d'emprise. Cela permettra d'aider une voisine, un membre de sa famille, un proche ou une amie à signaler cette situation et à demander l'aide nécessaire pour sortir de ce phénomène d'emprise", selon Nathalie Fèvre.
Violences physiques et psychologiques
Découvrez l'exposition actuellement en cours :
Des graphiques et même un "violentomètre" font aussi partie de cette "expographie", dispositif hybride entre exposition et infographie. On y découvre les indices de la vie du quotidien qui permettent de détecter un phénomène d'emprise.
On parle des violences physiques, mais aussi psychologiques. Ces dernières sont moins visibles mais peuvent avoir des conséquences très importantes. il faut en prendre conscience et en parler autour de soi
poursuit la Nathalie Fèvre.
Sur ce point, les photos se veulent "choc", à l'image des campagnes de sécurité routière ou contre le tabagisme de ces dernières années.
Le Var particulièrement concerné
L'exposition, itinérante, va parcourir 500 villes de France, avec le soutien du Ministère de la Justice.
L'étape à Draguignan a été particulièrement choisie : elle se déroule entre le 22 février, Journée européenne des victimes, et le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes.
Deux dates symboliques et importantes.
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D'autant que le département du Var est particulièrement touché par la problématique des violences faites aux femmes. La juridiction du tribunal de Draguignan, qui couvre les 3/4 du département (à l'exception de l'ouest du Var et de l'agglomération toulonnaise), a ainsi vu le nombre d'affaires de violences grimper au cours des dernières années.
Hausse de plus de 9% en 2021
Le 3 septembre 2019, le gouvernement d'Edouard Philippe lançait le premier Grenelle contre les violences conjugales. "Aujourd’hui, une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint. Cela ne peut plus durer", expliquait alors la campagne.
Depuis, de nombreuses mesures ont été annoncées. Mais les chiffres restent préoccupants.
En 2021, 1348 victimes de violences intrafamiliales ont été enregistrées, contre seulement 1200 environ en 2020. C'est une augmentation de plus de 9% en un an, ce qui est beaucoup.
D'autant que le chiffre de 2020 était déjà supérieur à celui enregistré en 2019, avant l'épidémie de Covid-19.
"Les périodes de confinement peuvent expliquer en partie ces hausses successives, mais il y a aussi sans doute d'autres explications, avec peut-être une certaine libération de la parole", avance Coralie Guillermou, juriste assistante qui a été spécialement recrutée au TGI de Draguignan pour améliorer la prise en charge de cette problématique. Il reste donc encore beaucoup de travail pour faire évoluer la situation dans le bon sens.
En juin 2021, le Procureur de la République de Draguignan avait d'ailleurs demandé, avec d'autres parquets de France, plus de moyens pour lutter contre les violences conjugales.
Au-delà de cette demande, il avait aussi rappelé les actions déjà entreprises dans le Var pour lutter contre ce fléau.
Le 25 novembre 2021, l'antenne de France 3 Côte d'Azur s'était également mobilisée avec une programmation spéciale à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.