Raccordement en eau potable de Porquerolles : un projet qui oppose des habitants de l'île à une association

La conduite sous-marine "Sealine", censée entrer en service à l'horizon 2023, doit permettre d'alimenter l'île de Porquerolles en eau potable. Dénonçant son impact sur les posidonies, une association hyéroise a saisi la justice.

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L'annonce fait grincer des dents, sur l'île de Porquerolles. Le projet "Sealine", dans les cartons depuis les années 2000, est contesté par une association, qui a déposé mi-octobre un recours devant le tribunal administratif de Toulon (Var).

"Impensable" pour André De Marco, président de l'association "Les amoureux de Porquerolles". Il vit sur l'île depuis une vingtaine d'années et, pour lui, "il n'y a pas d'autre solution". "Ce projet ne peut qu'aboutir, sinon l'île ferme."

Même son de cloche pour une dizaine d'associations de l'île, réunies en collectif pour contester ce recours.

La construction d'une conduite d'eau sous-marine, qui relierait l'île de Porquerolles à la Tour Fondue, sur la presqu'île de Giens, a bien été actée en juin dernier par la préfecture du Var. Après enquête publique, le projet, conduit par la Métropole de Toulon, a obtenu les autorisations environnementales nécessaires. Et les travaux ont démarré courant novembre.

Herbiers de posidonie

Il s'agit d'installer une canalisation de près de 5.000 mètres de long et d'un diamètre de 20 cm dans les fonds marins pour alimenter l'île en eau potable. Un chantier de sept mois, censé déboucher sur une mise en service à l'été prochain.

L'association "Les Jardiniers de la Mer", qui œuvre depuis 1972 pour la défense des herbiers de posidonie, s'inquiète des conséquences environnementales d'un tel projet, en zone protégée, classée Natura 2000, au cœur du Parc national de Port-Cros. L'installation d'une conduite d'eau dans les fonds sous-marins touchera inévitablement cette espèce protégée.

Le rapport du commissaire enquêteur, qui émet un avis favorable, conclut d'ailleurs à des impacts potentiels "forts" sur les posidonies, en phase de travaux, "moyens" pour les grandes nacres et "faibles à négligeables" en phase d'exploitation. Mais une dérogation a été obtenue. Et des mesures d'évitement et de compensation sont prévues, comme la création d'une zone d'interdiction des mouillages avec un suivi des herbiers, à Porquerolles.

"Il existe d'autres possibilités"

"Il existe d'autres possibilités", martèle Andrée Sougy, présidente de l'association "Les Jardiniers de la mer", à l'origine du recours. "Je ne suis pas contre le Sealine, mais pour la protection des posidonies", insiste cette habitante de Giens, qui œuvre depuis 1985 pour la défense de cette espèce sur le littoral méditerranéen.

Elle suggère un autre tracé, "plus long et donc plus coûteux", qui réduirait l'emprise sur les herbiers de posidonie. Il n'aurait pas été retenu pour des raisons techniques.

L'autre option, pour Andrée Sougy, consisterait à poursuivre l'approvisionnement par le Saint-Christophe, un bateau-citerne qui effectue des rotations entre l'île et le continent.

Mais "il a plus de 70 ans d'âge et subit régulièrement des pannes techniques", s'alarme André De Marco. Pour lui, l'île ne peut plus dépendre du Saint-Christophe. Or, "il n'existe pas d'autre navire de ce type, facilement mobilisable en Méditerranée", estime-t-il.

"Les continentaux assoiffent les îliens"

Avec ce recours, "ce sont les continentaux qui assoiffent les îliens", s'agace André De Marco. Pour lui, les rotations du bateau seraient au moins aussi dommageables sur l'environnement que la conduite d'eau, "entre les émissions de gaz à effet de serre et l'arrachage des posidonies par l'ancre du navire...", juge-t-il.

Or, l'île est étroitement dépendante de l'approvisionnement en eau potable. Pour ces associations, il y a urgence. L'hiver, la nappe de 1.000 mètres cubes alimentée par des forages suffit à pourvoir aux besoins des 300 habitants permanents de l'île. Mais l'été, avec jusqu'à 15 000 touristes par jour, le Saint-Christophe effectue deux rotations quotidiennes.

"Tout l'été, notre crainte était de nous réveiller un matin avec le bateau en panne", se souvient André De Marco. Le scénario s'était produit en 2020. Restaurants et bars avaient dû fermer pour plusieurs heures. Et l'épicerie avait été dévalisée en eau potable. L'été, des restrictions d'usage sont régulièrement pratiquées.

L'enquête publique menée au printemps a reçu peu d'avis contraires, rappelle enfin André De Marco. "Sur les 201 observations émanant du public, seules 5 étaient réservées pour diverses raisons et 2 défavorables, par crainte des impacts de la pose sur les herbiers de posidonie". Et de poursuivre : "Les avis des 17 instances publiques concernées sont tous favorables, avec pour certaines quelques demandes techniques complémentaires".

La Métropole Toulon Provence Méditerranée n'a pas souhaité réagir dans le délai imparti à la publication de cet article. Les associations de riverains espèrent que les travaux se poursuivront, malgré le recours. Car le planning est très contraint. Une suspension empêcherait la mise en service du "Sealine" pour l'été prochain.

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