A bord du Suffren : rencontre avec les "Oreilles d’or", des hommes à l’écoute du monde du silence

A bord des unités de combat, frégates et sous-marins, les "oreilles d’or" sont des hommes indispensables. Leur rôle est d’écouter et d’analyser le moindre bruit capté en mer afin de détecter d’éventuelles menaces. Immersion à Toulon.

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Révélés aux yeux du grand public en 2019 grâce au film "Le Chant du Loup" d’Antonin Baudry, les "oreilles d’or" sont réputés pour être des hommes infaillibles.

Casque sur les oreilles, ils sont les fleurons de la Marine Nationale française. De leur expertise peut dépendre la survie de tout un équipage.

Ils sont les oreilles et les yeux du commandant. Formés au Centre d'interprétation et de reconnaissance acoustique (CIRA) basé à Toulon, ils ne sont que 30 en France à maîtriser un tel degré d’analyse. Un métier où le droit à l’erreur est interdit.

Un monde du silence pas si silencieux

Bienvenue à bord du sous-marin Le Suffren, dernier-né de la Marine Française !

On s’y croirait presque mais ce n’est pas le cas. Dans une salle de l’école de navigation située dans la base aéronavale de Toulon, le poste de commandement du sous-marin a été reconstitué.

Tout l’équipage est présent et concentré. Il s’agit d’un exercice de simulation. Le sous-marin est en plongée et navigue dans un silence total. Silence total ? Pas pour tout le monde. Au cœur de l’équipage, un homme.

Tantôt les yeux rivés sur son écran, tantôt la tête dans les mains, il est totalement absorbé. Sur son épaule, un écusson coloré. Il représente un sous-marin, un casque, un cachalot…c’est l’insigne du centre d’interprétation et de reconnaissance acoustique. Le 1er maître Nicolas est analyste acoustique. Depuis six ans, il est ce que l’on appelle une "oreille d’or", l’élite dans son domaine de compétences.

Et pour lui, le monde du silence n’a rien de silencieux. "Le monde sous-marin est un monde bruyant !

Il y a les bruits émis par les bateaux de commerce, les mammifères et les tremblements de terre marins assez fréquents et que le grand public ne soupçonne pas. C’est un monde vivant".

L’élite des analystes acoustiques

Le 1er maître Nicolas a été formé durant une année au CIRA. Seule école de formation en France, elle est située à Toulon, dans la base aéronavale. En 40 ans d’existence, le centre a formé 240 "oreilles d’or".

Une formation très sélective selon le capitaine de frégate Vincent, son directeur.

"Seuls cinq ou six analystes par promotion atteignent ce degré d’expertise. Le niveau d’exigence est énorme ne serait-ce que pour intégrer cette formation. Il faut avoir une audition parfaite niveau dix sur dix, être réactif, passionné par la guerre acoustique passive et avoir une énorme capacité de mémorisation".

Une base d’enregistrements de 40.000 sons

Car l’oreille d’or doit être capable de comparer ce qu’il entend à l’instant T à ce qu’il a entendu lors de sa formation et de son entraînement. Pour établir cette comparaison, l’analyste doit avoir une parfaite connaissance de la base de données.

Celle-ci représente actuellement 40.000 enregistrements qu’il doit apprendre sur le bout des doigts. Une base qui au fur et à mesure des missions s’enrichit.

Impossible alors pour l’oreille d’or, de se reposer sur ses lauriers. Il suffit d’ailleurs de suivre le 1er maître Nicolas.

L’exercice de simulation est terminé. Il se dirige tout droit vers le CIRA et prend place dans le centre d’entraînement. Casque à nouveau sur les oreilles, il écoute les enregistrements que les analystes viennent de ramener de mission.

"C’est de l’entraînement permanent. On part avec une base mais aujourd’hui les marines évoluent vite, elles ont beaucoup plus de bateaux, de sous-marins… et elles continuent d’en construire. C’est une évolution perpétuelle et nous devons faire évoluer nos connaissances en conséquence".

Et cette évolution est d’autant plus perpétuelle que la technologie s’en mêle. Face à des unités de combat de plus en plus discrètes, de nouveaux capteurs spécialisés dans les très basses fréquences viennent de faire leur apparition. Ils sont capables de détecter des sons que l’oreille humaine ne perçoit pas.

La Marine Nationale compte aujourd’hui  30  "oreilles d’or" dans ses rangs. Ils sont déployés sur des bâtiments et unités de combat tels que des frégates multi-missions, des sous-marins lanceurs d’engin et des sous-marins nucléaires d’attaque. Dix d’entre eux sont en ce moment en mission en Atlantique et en Méditerranée.

Une "oreille d’or" est embarquée sur l'une des trois frégates qui accompagne le porte-avions nucléaire Charles De Gaulle dans sa nouvelle mission #Clemenceau22. Cette force aéromaritime est engagée jusqu’en avril 2022 en Méditerranée.

Testez vos capacités d'oreilles d'Or :

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