Ses cheveux roux, coupés au carré et ses lunettes de soleil rondes, suffisent désormais à la représenter. Le visage de Gisèle Pelicot, victime du procès inédit de Mazan, a déjà été reproduit par plusieurs artistes.
Le sort de Gisèle Pelicot fait parler les murs : de Liège à New York, son nom et son visage voyagent, s'esquissent, se placardent, se transformant, peu à peu, en symbole de la cause des victimes de viols et de l'indignation. C'est elle, l'épicentre du procès des viols de Mazan, ce séisme judiciaire dont l'onde de choc se fait sentir au-delà des frontières de l'Europe.
Une femme, droguée durant des années par son mari pour être livrée dans un sommeil chimique à des dizaines d'hommes, recrutés sur internet. Une victime qui a demandé dès le début du procès, le 2 septembre, la levée du huis clos, afin d'apparaître au grand jour. Depuis, sa coupe au carré et ses lunettes de soleil rondes sous une frange sont en passe de devenir iconiques.
"Aline dessine" préfère s'effacer
Instagrameuse basée à Liège en Belgique, Aline est célèbre pour remettre les cyberharceleurs à leur place avec humour. Mais c'est sur son compte TikTok "Aline Dessine", porté par deux millions d’abonnés, que le premier dessin est né, à un moment où les photos de la victime sont encore rares.
Sa représentation de Gisèle Pelicot a, depuis, été largement reprise, notamment le jour de mobilisation en soutien aux victimes de violences sexuelles le samedi 14 septembre.
Dans une vidéo postée sur ce même réseau social, l'influenceuse belge affirme que son œuvre est libre de droit. "Ce n’est pas sur moi que l'attention doit se porter aujourd'hui, explique-t-elle. Je renonce à tous mes droits sur cette illustration (...) en soutien à Madame Gisèle Pelicot."
Aline pose toutefois une condition : en cas d’utilisation commerciale de cette image, les bénéfices devront être reversés à l'association M'endors pas, créée par la fille de Gisèle Pélicot, Caroline Darian, pour venir en aide aux victimes de soumission chimique. Contactée pour une interview, la jeune fille a décliné en douceur : "Je préfère ne pas prendre de place dans ce débat, je n’y suis pas utile".
Une femme qui fait face
"C’est avec la rage au ventre, la larme à l'œil, mais surtout la détermination au cœur", que la street artiste Maca a sorti ses bombes pour graffer le portrait de Gisèle Pelicot. L'œuvre est apparue le 14 septembre sur un mur de Gentilly en région parisienne.
Pourtant, ses portraits de femmes ne sont habituellement pas engagés, tient-elle à préciser. Mais, l'artiste de 34 ans s'est émue de l'affaire dès 2020. "On sort de l'idée que les violeurs sont des monstres, des êtres hors du commun, qui surgissent dans une ruelle sombre pour agresser les femmes, explique-t-elle à France 3 Provence-Alpes." Avec ce procès, on le voit, ce sont nos collègues, nos frères, nos voisins, nos amis, avec seul point commun que ce sont des hommes".
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Maca, "mi-graphiste, mi-graffeuse", a choisi pour modèle une photo de Gisèle Pelicot "menton levé, où elle nous fait face", afin de représenter avant tout sa posture. "Elle affronte avec force ce qui lui arrive, elle affronte son mari, les cinquante autres coaccusés, le regard des médias du monde entier", martèle-t-elle.
On pourrait presque en faire un pictogramme, le combo coupe et lunettes suffisent à la rendre reconnaissable.
Maca, graffeuseFrance 3 Provence-Alpes
Maca assure ne pas avoir cherché à reproduire avec précision son visage, "elle est facilement reconnaissable, avec ses lunettes et sa coupe et ses rides aussi, parce que malheureusement, on représente rarement des femmes de cet âge-là en graff, plutôt toujours de belles jeunes femmes".
Quant au ciel étoilé peint dans le reflet des verres, c'est sa signature d'artiste, figurant sur chacun de ses portraits. "Pendant que je peignais, confie l'artiste, un monsieur m'a demandé : 'L'espace dans ses yeux, c'est son espace à elle que personne ne pourra jamais lui enlever ? Et j'ai trouvé cette interprétation trop belle !"
Une "héroïne" à New-York
Dans ce crépitement médiatique qui accompagne le procès des viols de Mazan, des journalistes internationaux ont propagé discrètement l'information au-delà de nos frontières. À New York, le collectif Collages féminicides a posté une photo sur Instagram avec ce commentaire : "Que dire de la personne qui a juré de vous aimer, qui vous a au contraire traitée pendant des années comme un torchon pour être violée et filmée ?"
The husband rapist would not have been caught had he not been caught for the more “minor" crime of filming up women's skirts.
— feminist_collages_ nyc (@CollagesNyc) September 15, 2024
Nothing but disgust for all of them. #sexualviolence #GiselePelicot pic.twitter.com/3DN7EqLZPH
Le collage photographié indique littéralement soutenir Gisèle Pelicot. Le commentaire, "submergé de gratitude", la qualifie "d’héroïne, ce qu’elle est", tout en rappelant "ses propres commentaires sur le fait qu’à l’extérieur, elle peut sembler forte, mais qu’à l’intérieur, elle s’effondre, dévastée".
Enfin, en Grèce, c'est l'artiste Katerina Karali qui livre un portrait pixélisé en illustration d'un article de presse consacré à Gisèle Pelicot. "Il ne s'agit pas 'simplement' d'une survivante, précise le texte, mais d'une héroïne qui parle au nom de toutes les femmes en colère et honteuses."