Charles Buttner défend la "trinationalité" alsacienne

Dans une lettre ouverte "à nos voisins allemands et suisses", le président du conseil général du Haut-Rhin, Charles Buttner, défend les acquis d'un espace trinational où l'Alsace occupe une place importante. L'Alsace, mais pas la Champagne-Ardenne ni la Lorraine...

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Depuis les débats qui ont soulevé ces dernières semaines l'Assemblée nationale au sujet de la réforme des régions, le président (UMP) du conseil général du Haut-Rhin Charles Buttner s'est opposé au projet de fusion des régions Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne (ALCA).

Les parlementaires français ont adopté le texte de loi en troisième lecture mardi après-midi, malgré l'opposition des députés de droite, des écologistes et de l'extrême gauche (270 voix contre 242).

Après son soutien affiché au collectif "Cigogne Rebelle", à qui l'on doit d'avoir "habillé" la statue de la Liberté de Colmar et le "Schweissdissi" dans le parc du Tivoli à Mulhouse avec une écharpe géante aux couleurs régionales, et après s'être bâillonné avec les mêmes couleurs en début de séance au conseil général, Charles Buttner persiste et signe : une lettre ouverte adressée "à nos voisins allemands et suisses", inquiets, selon lui, de l'avenir d'une région partenaire depuis longtemps.

"Lettre ouverte à nos voisins allemands et suisses, Charles Buttner, le 10 décembre 2014

Ce 10 décembre nous fêtons le quatrième anniversaire de la Région Métropolitaine Trinationale du Rhin Supérieur portée sur les fonts baptismaux avec les honneurs ministériels et depuis, sujet régulier de rencontres intergouvernementales franco-allemandes. Au même moment nous voyons disparaître notre propre région, victime d’une réorganisation administrative arbitraire.

Les articles parus ces derniers jours en Pays de Bade et en Suisse du Nord-Ouest sont alarmants : « Der Tag an dem das Elsass starb », «  le jour où mourut l’Alsace » titrait ainsi récemment la Basler Zeitung en évoquant la fameuse séance parlementaire où les députés et sénateurs de la commission mixte paritaire mirent 7 minutes à arbitrer le sort de l’Alsace.

Ces craintes sont partagées par mes collègues représentants politiques allemands et suisses qui depuis quelques mois inscrivent régulièrement la question du devenir alsacien à l’ordre du jour de nos rencontres. Ils s’interrogent sur l’avenir de cette coopération transfrontalière que nous menons avec succès depuis plus de 50 ans, sur le devenir de nos instances communes, de nos projets, de notre bilinguisme.

Comment allons-nous continuer à construire cette histoire partagée  que nous avons voulue résolument tripartite, européenne et moderne ?
Comment allons-nous continuer à faire vivre cet espace du Rhin Supérieur, qui n’a rien d’arbitraire, mais correspond à une vraie logique de bassin de vie et de territoire vécu ?

Dans la crise qui secoue actuellement toute l’Europe, nous avons d’autant plus besoin de cette dynamique commune, source de progrès et de richesse.

Depuis quelques années et dans le cadre de la Région métropolitaine du Rhin Supérieur nous nous sommes fixés pour objectif de mettre à profit nos points forts. Nos cinq Universités souhaitent ainsi s’unir sous une forme juridique commune pour intensifier les échanges d’étudiants, de professeurs, de chercheurs, afin de renforcer leur position mondiale. Nous avons également pris l’initiative d’aborder les questions de formation et d’emploi dans ce bassin de 6,5 millions d’habitants, aussi grand que la Belgique, où la partie alsacienne propose de la main-d’œuvre alors que le pays de Bade et la Suisse du Nord Ouest en manquent cruellement.

A notre échelle, nous avons appris à penser global et européen, bien avant la décision de nous réunir dans un espace avec lequel nous ne partagions jusqu’à ce jour aucune vision commune.

Il en va d’ailleurs de même pour la Lorraine et la Champagne-Ardenne qui expérimentent elles aussi des espaces de coopération spécifiques qui ont une histoire. Ces territoires de proximité transfrontaliers ne peuvent être unifiés et n’auraient plus de sens à l’échelle de la nouvelle région que l’on veut nous imposer.

Pour ma part, je souhaiterais faire savoir à nos amis allemands et suisses, que le devenir du Rhin Supérieur est au cœur de nos préoccupations. En défendant l’Alsace, nous défendons nos relations trinationales, notre multiculturalité et notre bilinguisme que nous considérons comme vitaux pour notre devenir.

Nous devons conserver en Alsace et dans les collectivités territoriales, notre compétence à agir en matière transfrontalière et la gestion des fonds européens qui lui sont dédiés.

Sur les bords du Rhin, nous avons su créer un climat d’amitié et de confiance, loin des détours de la diplomatie parisienne. Nous avons su développer une vision commune et je ferai tout pour conserver ces acquis inestimables."

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