C'est un testing d'un genre inattendu qui a été commandité par la ville de Villeurbanne : une enquête sur les conditions d'accès au crédit, selon l'origine et/ou le sexe du demandeur. D'où il ressort que les clients d'origine subsaharienne ou maghrébine sont moins bien traités.
Il ne fait pas bon être un demandeur de crédit français d'origine africaine ou maghrébine. Les risques de discrimination par rapport au "client supposé sans origine migratoire" sont manifestes. C'est la conclusion d'un "testing" inédit en France initié par la ville de Villeurbanne et présenté jeudi.
Si dans le cas d'une demande de crédit en vue d'une création d'entreprise, une différence de traitement envers les femmes a également été révélé par ce test, celle-ci se présente avec "moins d'acuité" que pour le critère "ethnico-racial", selon Eric Cédiey, le directeur d'ISM Corum, qui a réalisé l'étude.
Mieux reçu, et avec des offres plus favorables
Pour l'obtention d'un prêt immobilier, le test a mis en évidence que "l'homme supposé comme sans origine migratoire" était reçu plus longtemps, obtenait plus de conseils et d'informations et bénéficiait d'une offre plus attractive que le client "supposé comme d'origine subsaharienne".Quant au "créateur d'entreprise "supposé comme d'origine maghrébine", il n'a jamais reçu d'information sur le montant empruntable, ni sur le taux d'intérêt, ni sur la durée de remboursement conseillée (et a fortiori n'a jamais reçu de simulation)".
La banque : un secteur peu étudié pour sa gestion des discriminations
Pour cet exercice, 90 tests ont été réalisés dans douze enseignes bancaires différentes de l'agglomération lyonnaise. "Contrairement à l'emploi et au logement, la discrimination dans l'accès au crédit est peu explorée dans notre pays", a estimé le maire PS de Villeurbanne, Jean-Paul Bret, commanditaire de l'étude.
"Il y a l'idée que les banques, menées par une logique uniquement économique, seraient à l'abri des discriminations et que l'obtention d'un prêt serait déterminée par des critères objectifs. Or, il s'avère que non", a-t-il poursuivi, dénonçant "l'opacité" des établissements de crédit.
Les banques dénoncent la méthode mais condamnent les discrimations si elles sont avérées
La Fédération bancaire française (FBF) a dénoncé "l'approximation de la méthode et la grande imprécision des résultats" de ce "testing". "Mais si certains cas de discrimination étaient avérés, nous ne pourrions que les condamner vigoureusement", a-t-elle ajouté.
"Nous demandons au Défenseur des droits, avec lequel nous avons un dialogue permanent sur ces sujets, un rendez-vous pour établir un diagnostic précis et travailler ensemble sur les points d'amélioration".
Le défenseur des droits appelle à plus de transparence
Présent lors de la conférence de presse, le Défenseur des Droits Jacques Toubon a quant à lui dit qu'il comptait "prendre une décision cadre pour préconiser ce qu'il conviendrait de faire au niveau législatif et réglementaire" en la matière. Les banques n'étant pas dans l'obligation de motiver leur décision, pour M. Toubon, "chaque fois qu'une décision n'est pas motivée, il y a la tentation de la prendre pour de mauvaises raisons".Déplorant "l'absence de discours national contre les discriminations depuis douze ou quinze ans", l'ancien Garde des Sceaux a plaidé pour la création d'un "Observatoire national des discriminations".