Dix ans après la loi Léonetti, les députés examineront en seconde lecture, ce lundi 5 octobre, le projet de loi sur la fin de vie avec, en filigrane, la question de la légalisation de l'euthanasie. A la vie, à la mort. Rencontre avec l'équipe chargée des soins palliatifs à l'Hôpital d'Antrain (35).
Dans cet hôpital de proximité, qui compte 240 lits sur le site d'Antrain (35) et 162 sur celui de Saint-Brice, 2 lits sont officiellement dédiés, depuis 2012, aux soins palliatifs, autrement dit, aux soins d'accompagnement à la fin de vie.
Ouvert 24h/24
Pour ces deux chambres individuelles, les visites sont possibles 24 heures sur 24, l'équipe soignante est joignable à toute heure du jour et de la nuit y compris par téléphone. Car ici, l'accompagnement se fait tant au service du malade que de celui de ses proches.Astrid Chappée en témoigne. Il y a quelques jours, sa belle-mère s'est éteinte après 2 semaines passées dans ce service. Elle y avait été hospitalisée à la suite d'un accident vasculaire cérébrale massif. "Mamie ne souffrait plus, ni physiquement car elle avait eu les médicaments qu'il fallait, ni moralement. Elle n'avait pas peur. Elle était apaisée. Du coup, nous étions, nous-mêmes, plus sereins. cela nous a permis de lui dire au revoir doucement. C'était triste mais beau."C'était triste mais beau
Les tout derniers jours, Astrid Chappée, a pu disposer d'un studio situé juste au dessus du service, histoire de souffler un peu, sans toutefois trop s'éloigner du chevet de sa belle-mère.
- Astrid Chappée
- Dr Ghislaine Villoin
Médecin référent "soins palliatifs"
- Ghislaine Dudoit, psychologue, et Nelly Talva, infirmière
- Dr Philippe Vellard
- Equipe: H.Pédech, K.Hennedouche, D.Frasez
Améliorer la qualité de vie... quitte à la raccourcir un peu
A l'Hôpital des Marches de Bretagne, l'équipe des soins palliatifs se compose de trois soignants: un médecin référent (Dr Ghislaine Villoin), une infirmière (Nelly Talva) et une psychologue (Ghislaine Dudoit). Toutes les trois sont titulaires d'un diplôme inter-universitaire en "soins palliatifs". "Les soins palliatifs s'intéressent avant tout à la qualité de vie du patient, explique le Dr Ghislaine Villoin."Est-ce que cela nécessite éventuellement qu'on raccourcisse la vie en diminuant, par exemple, les soins en cancérologie, qui sont désagréables? Peut-être. Ce sont des questions qu'on pose aux familles pour savoir jusqu'où le soin technique peut aller". Dans tous les cas, c'est une décision qui est prise collégialement à l'issue de réunions de staff, qui regroupent tous les soignants qui interviennent auprès du patient.
Ainsi, le cas de cette dame, âgée de 72 ans, qui vient d'arriver dans le service. Victime d'une récidive de cancer, elle a été opérée, ce qui a laissé d'importantes et douloureuses séquelles. Sa santé n'en finit pas de se détériorer. Ensemble, les professionnels s'interrogent sur le bien-fondé de soins (chimio-thérapie et radio-thérapie) plus avancés mais aux effets secondaires pénibles. "Quel est l'intérêt pour elle ?, demande Dr Philippe Vellard. Ne vaudrait-il pas mieux l'accompagner convenablement?".
En complément des traitements médicamenteux, qui permettent aujourd'hui d'apaiser la plupart des douleurs physiques et morales, l'Hôpital d'Antrain propose une technique de relaxation innovante. Baptisée Snoezelen (contraction en néerlandais de "renifler" et "somnoler"), elle stimule les sens (l'odorat avec des huiles essentielles, la vue avec des lumières douces et colorées, l'ouïe avec de la musique, le toucher à travers des massages) en adaptant le soin selon l'état du patient. "Ce n'est pas un mouroir, note le Dr Philippe VELLARD. Ici, c'est une prise en charge globale du corps et de l'esprit, jusqu'au dernier souffle de vie."Ce n'est pas l'antichambre de la mort
Dr Philippe Vellard
Médecin en Ehpad
"On accompagne ENSEMBLE le malade, les proches et le personnel soignant", complète Ghislaine Dudoit, la psychologue de l'équipe. "En fin de compte, on leur donne aussi de l'amour", remarque Nelly Talva, infirmière. D'ailleurs, il arrive que certains patients, stabilisés, puissent rentrer chez eux.
Seulement 2 lits sur 240
Bien entendu, un tel accompagnement suppose davantage de moyens que dans un service classique: des chambres individuelles, du matériel et surtout, on l'aura compris, du personnel particulièrement disponible. Autant dire que 2 lits sur les 240 que compte l'hôpital, c'est très largement insuffisant. "Du coup, on fait la même chose dans les services d'Ehpad et de S.S.R. [NDLR: soins de suite et de réadaptation]. Mais cela suppose une surcharge de travail considérable pour les soignants. Tout repose sur leur bonne volonté et leur dévouement", déplore le Dr Philippe VELLARD.Les débats, les récents procès sur l'euthanasie ou le suicide assisté ont libéré la parole. "Souvent, le patient ou ses proches nous demandent si l'on peut abréger les souffrances. Ce que l'on fait avec nos moyens. Mais c'est la maladie qui décide", explique le Dr Ghislaine Villoin.Régulièrement, on nous parle d'euthanasie
Dr Ghislaine Villoin
Médecin référent "Soins Palliatifs" - Centre Hospitalier des "Marches de Bretagne " à Antrain (35)
En définitive, cette immersion de quelques heures aux soins palliatifs d'Antrain nous aura surpris. Nous pensions, en y arrivant, y trouver un service, sur lequel plane l'ombre de la mort. C'est au contraire, la vie, dans ce qu'elle a d'essentiel qui y est célébrée.
https://www.bretagnesoinspalliatifs.com/documentation/rapports-sur-les-soins-palliatifs-et-fin-de-vie
Vos rendez-vous
Le mardi 22 septembre 2015, interview du Dr Vincent Morel (médecin responsable de l'Equipe mobile de soins palliatifs du CHU de Rennes) dans l'émission "Bretagne matin" diffusée à 10h15 sur France 3, à écouter ou réécouter ici.L'émission avait pour thème les directives anticipées dont la rédaction est possible pour toute personne dans le cadre de son parcours de soins. Ce droit a été instauré par la loi Leonetti de 2005 et renforcé dans la proposition de loi en faveur des malades et des personnes en fin de vie actuellement discutée au Parlement.
Pour en savoir plus sur les directives anticipées : cliquez ici (source : Ministère de la santé).
Plus d'informations : ici.
Des rassemblements contre l'euthanasie, samedi 4 octobre
Le samedi 4 octobre, le collectif d'associations, "Soulager mais pas tuer", organise des rassemblements devant chaque préfecture de région afin, explique sa porte-parole Isabelle de Boishamon, de "contester l'euthanasie masquée contenue dans la proposition de loi sur la fin de vie (...) et dénoncer le scandale du report incessant, depuis 2012, du plan de développement des soins palliatifs. A ce jour, cet engagement du président de la République reste lettre-morte alors que des moyens concrets manquent cruellement pour rendre les soins palliatifs accessibles à tous ceux qui en ont besoin."
La loi Léonetti (2005) impose, en principe, que chaque établissement hospitalier, qui enregistre plus de 600 décès par an, doit être doté d'un service dédié aux soins palliatifs.Si le CHU de Brest dispose d'une telle unité (10 lits) et d'une équipe mobile, le CHU de Rennes, en revanche, ne dispose pas d'un tel service. C'est une équipe mobile, qui se déplace au chevet du malade à la demande des professionnels de l'établissement.