La Commission européenne a mis de nouveau la main à la poche pour tenter de soutenir le marché laitier déprimé depuis des mois et, plus généralement, un secteur agricole en crise, en débloquant lundi une nouvelle enveloppe de 500 millions d'euros.
Depuis la fin des quotas laitiers au printemps 2015, les prix du lait dans l'UE ont plongé, laissant les producteurs dans l'incapacité de couvrir leurs coûts.
Une précédente série de mesures – un premier "paquet" de 500 millions d'euros déjà, dévoilé en septembre, et complété par des mesures supplémentaires en mars – n'avait pas eu l'effet escompté ni sur la production, trop abondante, ni sur les prix, poussant producteurs et Etats membres à réclamer à corps et à cri une nouvelle intervention de Bruxelles.
Cette fois, "l'objectif final est d'observer une reprise des prix payés aux agriculteurs dont ils ont bien besoin, pour qu'ils puissent continuer à vivre de leur travail", a souligné le commissaire européen à l'Agriculture Phil Hogan dans un communiqué.
Le budget prévisionnel 2017 sera amendé pour prendre en compte ces nouvelles mesures.
Compensation pour chaque litre non produit
La nouvelle enveloppe s'appuie sur deux piliers, dont les détails doivent encore être finalisés "dans les semaines à venir", a précisé la Commission.
D'un côté, avec un budget de 150 millions d'euros, l'UE va compenser financièrement les producteurs individuellement (et non au travers de coopératives ou d'organisations interprofessionnelles), pour chaque litre de lait non produit.
"C'est le principe du premier arrivé, premier servi", a précisé M. Hogan lors d'une conférence de presse. Le dépôt des dossier ouvrira en septembre et le système sera lancé le 1er octobre.
L'objectif de la Commission est d'arriver à réduire la production de 1,4 million de tonnes (entre 11 et 14 centimes par litre de lait non produit, d'après des experts). Selon les derniers chiffres disponibles par Eurostat, l'UE a produit un peu moins de 148 millions de tonnes de lait en 2014.
La mesure restera effective tant que le budget ne sera pas épuisé, selon une source proche de la Commission.
"C'est la première fois depuis la fin des quotas laitiers qu'on se pose la question de la maîtrise de la production en cas de déséquilibre des marchés", a noté avec satisfaction Stéphane Le Foll, ministre français de l'Agriculture et partisan depuis près d'un an d'une intervention de ce type.
Maîtriser la production
D'un autre côté, l'UE débloque de nouveaux fonds pour des aides à hauteur de 350 millions d'euros, mais qui seront liés à des engagements de la part des agriculteurs de ne pas augmenter leur production.
L'Allemagne recevra près de 58 millions d'euros, suivie de la France, avec un peu moins de 50 millions. Le Royaume-Uni se voit attribuer un peu plus de 30 millions d'euros.
"Les producteurs français laitiers ne veulent pas que leurs aides soient conditionnées à une réduction de la production", a réagi Xavier Beulin, président de la FNSEA, estimant que la France avait fait sa part et que l'Europe du Nord devait maintenant s'y atteler.
Les Etats pourront doubler les aides
Les Etats membres, qui auront la maîtrise de leur enveloppe nationale, identifieront les mesures visant à rééquilibrer les marchés agricoles. Outre le secteur du lait, ceux de la viande porcine et des fruits et légumes, affectés par l'embargo russe imposé en rétorsion des sanctions européennes liées à la crise en Ukraine, restent très fragiles.
Les aides pourront être complétées par les Etats, offrant la possibilité d'aller jusqu'à les doubler, a précisé la Commission.
Bruxelles a assorti ces nouvelles annonces de mesures non-financières, comme la prolongation jusqu'à février 2017 des mesures d'intervention mises en place pour le lait en poudre, ou encore la possibilité pour les Etats membres de pouvoir verser en avance, dès la mi-octobre, jusqu'à 70% des aides reçues dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC).
Le principal syndicat européen d'agriculteurs, le Copa-Cogeca, s'est dit satisfait des annonces, même s'il attend de savoir "comment tous les agriculteurs auront accès au programme sous les mêmes conditions".
(AFP)