RC Lens - Mammadov : de l'argent d'une "caisse noire" de l'Azerbaïdjan injecté dans le club ?

La question mérite d'être posée au regard d'une enquête journalistique sur les pratiques douteuses de l'Etat azerbaïdjanais en Europe. Le RC Lens pourrait bien avoir bénéficié de versement d'argent blanchi à l'époque où Mammadov était actionnaire principal.

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« Laundromat » ("La blanchisseuse"), c'est le nom de l'enquête journalistique menée conjointement par Le Monde et dix autres médias européens. Elle revèle un système complexe et opaque autour de l'argent de l'Etat azerbaïdjanais : soupçons de blanchiment, de caisse noire, de corruption... Objectif, selon Le Monde : "Financer le train de vie des caciques du régime et à acheter moyennant espèces sonnantes et trébuchantes des amitiés à l’étranger." Par effet de domino, cette enquête éclaire aussi d'une nouvelle lumière, plus crue, les années Mammadov du RC Lens (2013-2016). 

Les journalistes ont épluché plus de 16 000 transactions financières, pour un montant total de 2,5 milliards d’euros. Parmi ces transactions, une nous intéresse plus particulièrement : celle du 18 septembre 2014. Ce jour-là, Hilux Services LP, une société domiciliée au Royaume-Uni, mais secrètement liée au régime azerbaïdjanais par différentes strates opaques, a transféré, via un compte en banque estonien, 2 millions de dollars à RCL Holding, alors propriété à 99% de Hafiz Mammadov, homme d'affaires azerbaïdjanais, PDG du Baghlan Group. Une somme à l'époque très attendue par le club sang et or, en difficulté financière. 


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"On ne sait pas d'où vient cet argent..."



Dans le budget qui avait été présenté cettte année-là à la DNCG, Mammadov s'était engagé à verser 4 millions d'euros en octobre 2014 et 14 millions en janvier 2015. Mais l'argent n'arrivait pas... Avant des virements "miraculeux" dont on n'a jamais su d'où ils venaient vraiment. Le ministre nordiste des Sports Patrick Kanner, qui suivait attentivement le dossier lensois, avait déclaré : "Tout ce qu'on sait, c'est que l'argent est arrivé mais on ne sait pas d'où il vient..."

L'enquête publiée ces derniers jours ouvre donc une piste "douteuse" : celle d'un système organisé avec la complicité d'oligarques de l'Etat azerbaïdjanais qui détournaient de l'argent pour défendre des intérêts en Europe et faire taire les critiques sur un régime autocratique qui multiplie lesatteintes aux droits de l'homme. Le RC Lens, "vitrine" azerbaïdjanaise qui portait le nom du pays sur son maillot, pourrait avoir fait partie des bénéficiaires de cette "caisse noire". 



Un sénateur UMP André Reichardt, président du groupe interparlementaire France-Caucase pour l'Azerbaïdjan, avait déjà mis les pieds dans le plat en déclarant que l'Etat azerbaïdjanais était derrière ces versements : "Il s'agissait de sauver les meubles à titre gracieux", avait-il déclaré. "J’en ai marre de tous ces gens qui se font des films, qui ne sont pas à notre place, qui ne sont pas dans les dossiers…, avait immédiatement répondu Gervais Martel, président du RC Lens. J’ai encore vu un député (sic) dire que le pays avait payé. L’Azerbaïdjan n’a jamais rien payé ! Tous les fonds sont passés par le Baghlan Group. Après, s’il y a eu des interventions là-bas, c’est leur sauce. Je n’ai pas à m’en mêler." Une déclaration qui, relue à la lumière de l'enquête publiée 3 ans après, conforte l'impression d'opacité autour de Mammadov.

Le doute autour de l'origine de ces fonds versés à Lens avait été plusieurs évoqué. En mai 2015, la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) avait révélé qu'une instruction avait été ouverte pour vérifier la véracité de certains documents produits par le Racing Club de Lens. Richard Olivier, le président, a quitté la DNCG peu après et les suites de l'enquête n'ont finalement jamais été révélées.


Des doutes mais...


Le versement présumé d'"Hilux Services LP" au RC Lens pose d'autant plus question qu'il est normalement interdit. "Seul l’actionnaire peut verser sur les comptes courants, avait rappelé en avril 2015 Gilles Deshayes, directeur financier du RC Lens. L'OCCRPP, une ONG anti-corruption qui a participé à l'enquête, a posé des questions sur ce versement à un avocat du club artésien, Me Laurent Schoenstein, du cabinet Clifford Chance.

Il affirme que le club a bien eu des doutes sur le versement et son origine, mais qu'Hafiz Mammadov s'est voulu rassurant : "Il (NDLR : Hafiz Mammadov) a effectué le paiement par une société qui a été présentée comme une société contrôlée par lui et une partie du Baghlan Group, la société Hilux ... basée en Écosse". Il est peu probable que cette société appartenait réellement à Hafiz Mammadov. Pourtant, ni le club, ni la DNCG, ni l'Etat français, à travers TRACFIN, l'organisme chargé de contrôler les flux financiers, n'ont trouvé à redire à l'époque. On ignore pour l'instant si, au vu de ces nouvelles révélations, la justice pense ouvrir une enquête. 

Avec ce nouvel éclairage sur les pratiques de l'Azerbaïdjan, remontent aussi à la surface des critiques émises à l'égard de la direction du RC Lens au moment de l'annonce de l'investissement azerbaïdjanais dans le club en 2013 : "Vous savez, l’Azerbaïdjan a pignon sur rue en France, avait répondu Gervais Martel. Il y a l’ambassade d’Azerbaïdjan à Paris. L’épouse du président de la République d'Azerbaïdjan a été mécène par rapport à des musées en France. Je trouve qu’on raconte beaucoup de choses sur l’Azerbaïdjan. On aurait pu en faire autant pour d’autres pays qui aident le foot et d’autres pans de notre économie. J’ai été un peu surpris."

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