"Rester Vertical", du réalisateur albigeois Alain Guiraudie, le film-choc qui divise la critique à Cannes

Premier choc du 69è Festival de Cannes. En lice pour la Palme d'Or, Rester Vertical, le film cru et onirique dans la France rurale du tarnais Alain Guiraudie, avec scène d'accouchement, sodomie avec un mourant, sexe féminin filmé en gros plan et moutons éventrés, divise la critique

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Accouchement et sexe féminin filmés au plus près, sodomie avec un mourant: premier choc de la compétition au Festival de Cannes, le cinéaste albigeois Alain Guiraudie a présenté jeudi "Rester Vertical", un film cru et onirique dans la France rurale.

L'atypique Alain Guiraudie, qui avait fait sensation sur la Croisette en 2013 avec "L'Inconnu du lac" -qui montrait des ébats dans un lieu de drague homosexuelle-, n'hésite pas à remettre le couvert dans "Rester Vertical".

"Je ne conçois pas ces séquences là d'une façon provocatrice, dans le sens où la provocation ça serait peut-être de rendre le glauque encore plus glauque (...). Au contraire, moi j'ai envie de rendre ces choses là très évidentes, c'est à dire de filmer très simplement, de façon frontale",

a expliqué Alain Guiraudie jeudi sur la croisette.


Son nouveau film en lice pour la Palme d'Or 2016 n'a pas manqué de diviser la critique :


Télérama titre :“Rester vertical”, d’Alain Guiraudie : du cinéma debout, entre Lynch et Depardon.

"Rester vertical, son cinquième long métrage, écrit Louis Guichard, n'a peut-être pas l'efficacité irrésistible du précédent, mais, conformément à son titre, c'est du cinéma débout : pas question pour Guiraudie de se reposer sur une recette (le thriller érotique) qui lui a réussi. Aucune concession aux normes et aux standards, qu'il s'agisse de l'histoire, de la mise en scène, des acteurs ou de la pensée."


Pour Les Inrocks, sous le titre "Rester Vertical : le conte mi drôle mi poignant d'Alain Guiraudie", Serge Karganski décrit le film comme "une fable un peu folle empreinte de références bibliques".

"Sûr de son cinéma mais en questionnement permanent sur l’état du monde et sur les possibilités qu’ont les hommes d’y remédier, Guiraudie, écrit le critique, est à l’image de ce virage de montagne qui revient plusieurs fois dans son film, figure routière et cinématographique qui synthétise à merveille le mélange entre distance et hauteur : aspirant à la verticalité mais cédant parfois à l’horizontalité plus confortable, entre exigence et lâcher prise". "Cette dialectique sisyphienne, conclut-t-il, entre doutes et certitudes est ce qui fait les bons humains et aussi les bons cinéastes".


Libération, dans une pleine page consacrée au film donne dans le jeu de mot «RESTER VERTICAL», PÈRE ET LE LOUP, titre le quodidien dans un article plutôt dithyrambique de Didier Péron et Julien Gester.

"Pour sa première en Compétition, l’auteur de «l’Inconnu du lac» suit l’étrange trajectoire d’un scénariste vagabond entre paternité expérimentale et sexualité cosmique", écrivent-t-ils. "A 50 ans passé, expliquent-ils, le cinéaste s’est définitivement délesté des grigris alter qui risquaient d’entacher son cinéma d’un folklore par lui seul inventé, précipitant son film contre les obstacles qu’il a lui-même édifiés tel le personnage butant sur l’opacité de sa page blanche. Si Léo est disponible, il l’est aussi au risque de la dèche, du doute et de la hantise, d’un sans toi ni loi qui le mène au seuil d’un monde où il ne peut plus séduire mais seulement perdurer. C’est encore à cette étape de Rester vertical, qui devient plus que jamais une méditation entre alpha et omega, début et fin, nativité et dernier souffle, que le cinéaste s’autorise une séquence dont on se plaît à imaginer l’effet sur le visage de quelques membres du jury habitués sans doute à plus de détours ou d’égards. Léo, en effet, y consent à dispenser une extrême-onction à coups de bite au vieillard, jusque-là caractérisé par ses passions hard-rock prostrées et des vaticinations homophobes à base de kangourous sodomites. La scène, à l’image du film dont elle constitue le morceau de bravoure et le révélateur du désespoir flambard, est branlante, sublime et portée par un souffle de psaume hardcore et de profanation païenne - petite mort, mon cul".


Pour le Monde, "Guiraudie emmène le public sur un sentier sinueux et lumineux".

Ses critiques développent leur avis dans cette vidéo :

Plus critique, Le Figaro trouve Rester vertical..."un peu raide".

"Réintroduction des loups, gestation pour autrui, euthanasie..., Alain Guiraudie charge la barque de son dernier long-métrage en sujets sociétaux", explique le journal.


Dans les colonnes de La Croix, Jean-Claude Raspiengeas n'a pas du tout aimé.

"La présence française à cette 69e édition commence mal", regrette-t-il. "Rester vertical, d’Alain Guiraudie, illustre la vacuité d’un certain cinéma dont une partie de la critique a trop tendance à louer la beauté formelle sans dénoncer le vide du propos." . "La sélection en compétition officielle de ce film donne une assez bonne idée de cette impasse", assène-t-il.


L'Express non plus n'a pas aimé.

"Alain Guiraudie se perd dans un conte inutilement trash", estime l'hebdomadaire. "Rester vertical, c'est ce qu'il faut faire quand on est face au loup pour inspirer son respect. Le double sens érotique et politique est évident. Malheureusement, le cinéaste n'est pas à la hauteur de son titre", conclut l'Express. 









Le résumé du film
La nature magnifiée, des causses de Lozère à Brest (ouest) en passant par le Marais poitevin, est au coeur de ce film aux allures de
conte, qui aborde la paternité, la création et la déchéance sociale à travers l'histoire de Léo, un scénariste en quête de sens.

A la recherche du loup sur un causse, Léo (Damien Bonnard) rencontre Marie (India Hair), une bergère avec qui il noue une relation et qui donne naissance à un enfant.

Mais en proie au baby-blues, Marie abandonne Léo avec le bébé et le laisse seul face à son rôle de père. Alors qu'il n'arrive pas à écrire son scénario, il va sombrer peu à peu dans la précarité, qui le ramène vers les causses de Lozère.

"Le film part de l'image d'une jeune femme qui garde les moutons en France aujourd'hui avec un fusil. C'est une image de western je dirais", commente le cinéaste, fidèle à son Tarn natal, qui a voulu faire un film "entre légende et réalité".

Tout au long de son parcours, Léo va rencontrer des personnages ruraux hauts en couleur, du père de Marie, éleveur bourru (Raphaël Thiéry, dont c'est le premier film) à un vieil homme râleur (Christian Bouillette) en passant par un jeune homme qui l'attire (Basile Meilleurat).

Il entretient des rapports troubles avec plusieurs d'entre eux, entre attirance sexuelle et répulsion, une manière de "combiner plusieurs équations de désir", résume Alain Guiraudie.

Le film montre aussi la perte de repères de cet homme dans sa vie amoureuse, sociale ou professionnelle et la recherche d'"un retour à un monde originel" de ce personnage qui veut "rester bien droit".

Avec des moments parfois comiques, le cinéaste dit aussi avoir voulu après "L'Inconnu du lac" revenir à "un film qui aurait brassé plus de choses même en termes de tons, entre la comédie et la tragédie, et en termes de forme, à une forme plus onirique de mon cinéma, un film plus bordélique".
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