Fin 2016... et Fessenheim n'est pas fermée

Au début de son mandat, le président de la République François Hollande annonçait que la centrale nucléaire haut-rhinoise de Fessenheim serait fermée à la fin 2016. Nous voilà à l'échéance, et la centrale est toujours en fonctionnement.

Reportage de Marie Coulon et Didier Bert // Intervenants : Laurent Raynaud, salarié de la centrale de Fessenheim et Vice-Président de l'association Fessenheim notre énergie ; André Hatz, Porte-parole de l'association Stop Fessenheim ©France 3 Alsace


C'était l'un de ses 60 engagements de campagne. Le 14 septembre 2012, en ouverture de la conférence environnementale de Paris, le Président François Hollande annonçait sa volonté de fermer la centrale de Fessenheim, cette mesure s'inscrivant dans sa décision de réduire la part du nucléaire dans la production énergétique française de 75% à 50% d'ici à 2025.

Mais très vite, les atermoiements vont commencer .
Alors que cette fermeture devait - selon l'annonce même de Matignon - être inscrite dans la loi de transition énergétique adoptée par l'Assemblée au printemps 2014, il n'y est finalement fait aucune mention de la fermeture de Fessenheim. Le délégué interministériel en charge de la fermeture de Fessenheim à l'époque, Francis Rol-Tanguy, explique alors que la centrale haut-rhinoise n'était pas explicitement citée dans la loi car "il n'est pas sûr qu'un article de loi imposant la fermeture d'une centrale aurait été conforme à la Constitution". Le gouvernement avait préféré l'option d'un plafonnement de la capacité de production nucléaire qui forcera à fermer Fessenheim " si EDF veut l'autorisation d'exploiter l'EPR de Flamanville comme prévu en 2016".

Ségolène Royal sème le trouble

A quelques heures du vote de cette loi de transition énergétique par les députés, c'est cette fois la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal qui sème le trouble. Sur l'antenne de RTL, elle déclare qu'il n'était pas certain que le gouvernement décide de fermer Fessenheim plutôt qu'une autre centrale, s'en remettant aux propositions d'EDF, car "Fessenheim est certes la plus ancienne centrale de France, mais elle ne serait pas nécessairement la plus dangereuse ni la plus coûteuse" (avancer la vidéo jusqu'à 2'45 pour entendre les propos de la ministre sur Fessenheim).
 

 

Ordres et contre-ordres

Le 5 janvier 2015, François Hollande persiste et signe et réitère son engagement de fermer Fessenheim dans le cadre du plafonnement du nucléaire, précisant que des "procédures sont en cours et les études sont lancées", mais sans préciser de date. Fermeture qu'il évoque à nouveau deux mois plus tard, annonçant l'horizon de la fin de son quinquennat comme calendrier pour engager cette fermeture.
 


Dans le même temps, Ségolène Royal se veut moins catégorique et conditionne la fermeture de Fessenheim à l'ouverture de l'EPR de Flamanville. Mais EDF annonce que la construction de celui-ci a pris du retard, qu'il ne pourra pas ouvrir avant 2018. La fermeture de Fessenheim est donc de facto reportée, information que confirme François Hollande.

L'épineuse question de l'indemnisation

Alors que le gouvernement ne semble pas sur la même longueur d'ondes concernant la fermeture - ou pas - de Fessenheim et un éventuel calendrier de démantèlement, le dossier de l'indemnisation proposée à EDF en cas d'arrêt de la centrale vient attiser encore les braises de ce dossier sensible.
Le 4 mai 2015, Ségolène Royal notifie par courrier au PDG d'EDF Jean-Bernard Levy son estimation de l'indemnisation que recevrait l'entreprise exploitant la centrale : "80 à 100 millions d'euros" d'après des documents qu'a pu se procurer l'AFP. Cette offre est bien en deçà des attentes du groupe, qui tablerait selon des informations de presse sur un dédommagement d'au moins deux milliards d'euros.


Ministère de l'Energie et EDF vont donc devoir négocier. Le ministère de l'Economie Emmanuel Macron annonce que le montant de cette indemnisation sera définie par des experts indépendants, et non par l'Etat ou par le groupe.
Fin août 2016, le gouvernement montait sa proposition d'indemnisation à 400 millions d'euros devant être versés à EDF en 2019 et 2020, ainsi qu'une part variable, en fonction de l’évolution des prix de l’électricité et du coût de production de l’énergie nucléaire. Une somme sur laquelle doit maintenant s'exprimer le CCE.

Un calendrier bien flou

EDF, par la voix de son PDG Jean Bernard Lévy, s'engage finalement dans une lettre à étudier "l'unique hypothèse" de fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim comme scenario afin de limiter la part du nucléaire dans la production énergétique en France. Mais l'électricien demande dans le même temps au ministère de l'Energie d'étendre de 36 mois, soit jusqu'au 11 avril 2020, le délai de mise en service de l'EPR de Flamanville. Et donc l'arrêt de Fessenheim conditionné par le lancement de ce dernier. L'entreprise devait déposer à la fin du mois de juin 2016 sa demande d'abrogation de l'exploitation de la centrale de Fessenheim. Mais elle est passée outre, réclamant la négociation préalable d’un accord sur son indemnisation.


Avril 2016. François Hollande entame sa dernière année de mandat. Et réaffirme que Fessenheim fermera. Et se veut cette fois appuyé par sa ministre de l'Ecologie. Le 16 juin 2016, Ségolène Royal reste ferme vis-à-vis d'EDF : "Je ne lui accorderai pas de nouveau délai. Les échéances doivent être tenues. Le décret d’arrêt de fonctionnement de Fessenheim doit être pris avant la fin de l’année 2016. Et, je n’ai aucune raison de mettre en doute la parole du PDG d’EDF qui, quand il a eu son mandat, m’a assuré que ce serait fait".
Ségolène Royal avait d'ailleurs déjà envisagé la future reconversion de la centrale, en proposant à Elon Musk, le patron de la marque américaine de voitures électriques Tesla, de reprendre le site.

Les salariés opposés à la fermeture


Dans le même temps, dans le Haut-Rhin, ce sont les syndicats qui se sont emparés du dossier. Ils ont observé une journée de grève le 14 septembre dernier. Tous les syndicats s'opposent à la fermeture anticipée de la centrale de Fessenheim, où travaillent 850 agents EDF et environ 250 salariés d'entreprises prestataires. Outre les répercussions en termes d'emplois, ils mettent en cause le montant de l'indemnisation proposée - 400 millions d'euros -, jugé "ridicule", et les conséquences pour le réseau électrique. Le tribunal de grande instance de Paris leur a prolongé jusqu'au 10 janvier 2017 la période de consultation qui permettra aux représentants des salariés d'avoir "à leur disposition" les éléments pour rendre un avis sur la fermeture anticipée de la centrale. Le conseil d’administration d’EDF doit se réunir le 24 janvier pour se prononcer sur ce protocole d’indemnisation et la demande d’abrogation de l’autorisation d’exploiter. Le décret correspondant devrait être pris dans les quatre mois suivants.

En cette fin 2016, les deux réacteurs de la centrale nucléaire alsacienne sont bien à l'arrêt, mais en raison d'avaries techniques et de contrôles de sûreté. Pas en raison de sa fermeture anticipée appelée de ses voeux par François Hollande. 

 

 



Fermeture de Fessenheim : quelles conséquences économiques ?
En 2014, l'INSEE avait étudié les répercussions économiques et en termes d'emplois d'une éventuelle fermeture anticipée de Fessenheim.
Cliquer ici pour revoir notre article sur le sujet (juillet 2014)
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