Scandale sanitaire : les dossiers d'une quarantaine d'anciens salariés Tetra Médical devant les prud'hommes à Annonay

Ce mardi 27 février, dans l'affaire qui oppose d'anciens salariés à Tetra Médical, la deuxième audience s'est ouverte au tribunal des prud'hommes d'Annonay en Ardèche. Comme pour la centaine de dossiers précédents, elle porte sur le préjudice d'anxiété de 49 anciens salariés de cette entreprise pharmaceutique.

Ce mardi 27 février 2024, 49 anciens salariés de l'entreprise Tétra Médical étaient convoqués devant le Conseil des prud’hommes d’Annonay. Craignant de développer une maladie grave ou un cancer, ils réclament des indemnisations pour préjudice d’anxiété. Les anciens salariés sont venus en nombre. Certains avaient déjà vu leur dossier examiné par les prud'hommes.

Audience reportée

"J'ai travaillé longtemps chez Tetra Médical, à peu près 28 ans. Ça me préoccupe, j'ai le souci de ma santé et j'aimerais savoir la vérité sur cette affaire", explique Isabelle. "Des décisions vont être prises", espère l'ancienne salariée.

Dans la salle comble, trop petite, ce mardi après-midi, les 49 anciens salariés et leurs soutiens étaient présents. Sabine a travaillé 34 ans pour ce laboratoire pharmaceutique. Cette ex-salariée est venue soutenir ses anciens collègues, son dossier a déjà été examiné lors de la session de novembre devant le même conseil. Elle a déjà rassemblé 103 autres plaignants.

L'audience pour ce deuxième groupe d'anciens salariés devait initialement avoir lieu en décembre dernier. Isabelle et d'autres s'étaient déplacés. En vain. L'audience avait été repoussée à la demande de la partie adversaire. Les avocats du liquidateur judiciaire avaient fait part du délai trop court. Ils avaient demandé un délai supplémentaire pour déposer leurs conclusions.

Ce mardi, à l'audience, les avocats des liquidateurs de l’entreprise ont reconnu les manquements de l’employeur, mais réfuté la plupart des demandes d’indemnisation.
Leurs propos ont parfois fait bondir les anciennes salariées du laboratoire. "C'est important d'être là pour les soutenir, même si on entend des choses scandaleuses. Beaucoup de femmes ont perdu des enfants ou qui ont des enfants malades. C'est scandaleux de renier tout ce qu'on a vécu, c'est inadmissible", déclare Sabine, à l'issue de cette nouvelle audience.

Préjudice d'anxiété

Les anciens salariés de Tétra Médical accusent le laboratoire pharmaceutique, liquidé en 2022, de les avoir inconsidérément exposés à un produit chimique : l’oxyde d’éthylène. Ce gaz nocif est réputé cancérogène, mutagène et reprotoxique. Il était utilisé par Tétra Médical, notamment dans son usine d'Annonay pour la stérilisation de matériel médical, compresses et kits chirurgicaux à usage unique. Les salariés du site d'Annonay ont été exposés à ce gaz jusqu'à la liquidation de la société et à sa fermeture début 2022. L’entreprise comptait 186 salariés au moment de sa liquidation. Les anciens salariés dénoncent aujourd'hui une intoxication massive.

Leur avocat Me François Lafforgue avait évoqué une "épée de Damoclès" suspendue au-dessus de la tête de ces employés lors d'une première audience devant les prud'hommes, concernant une centaine d'autres dossiers. Ces derniers ont réclamé 20 000 euros d'indemnisation chacun au titre du préjudice d'anxiété. Pour cette centaine de dossiers, la décision de justice a été mise en délibéré au 28 mai 2024.

Victimes collatérales ?

L'autre combat des ex-Tétra Médical, c'est la reconnaissance du préjudice subi par leurs enfants. Ces derniers seraient les victimes collatérales d'une exposition de leurs parents à l'oxyde d'éthylène. Au moment de leur conception et de leur naissance, leurs parents travaillaient dans ce laboratoire d'Annonay. Début septembre 2023, à l'issue d'une réunion d'information organisée à Annonay avec les anciens salariés, Me François Lafforgue avait annoncé son intention de saisir le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP), au bénéfice des enfants des anciens employés "manifestement victimes de l'intoxication de leurs parents".

Justice pénale

L'affaire a éclaté voilà bientôt un an. À la suite de nombreux témoignages recueillis par l’union locale de la CGT sur l’utilisation d’oxyde d’éthylène par Tétra Médial, plusieurs procédures ont été lancées.  Après l'ouverture en mars 2023 d'une enquête préliminaire par le parquet de Privas pour "mise en danger de la vie d'autrui", le pôle santé publique du parquet de Marseille s'est saisi du dossier.

Une information judiciaire a été ouverte. Dans le cadre de cette procédure pénale, distincte de la procédure devant le conseil de prud'hommes, 70 anciens salariés ont été auditionnés la semaine dernière par les gendarmes. "C'est un pas important. Tout ce qui pourra faire avancer le dossier pénal est important. On demande que toute la lumière soit faite sur cette affaire. Avançons sur la procédure prud'homale, laissons le temps à la justice pénale de faire son travail et revoyons-nous ensuite devant le tribunal correctionnel pour que les responsables viennent s'expliquer devant les victimes", a indiqué Me Lafforgue.

Ce gaz aurait déjà engendré plusieurs cas de cancers parmi le personnel de l’entreprise. Des procédures en reconnaissance de maladies professionnelles ont été engagées.

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