Le 11 novembre 2019. Un séisme, d'une ampleur inédite depuis 1967, frappe le Teil en Ardèche. Les images impressionnantes des dégâts et des évacuations restent dans les esprits... 1 000 personnes sont relogées, mais heureusement, il n'y aura aucun blessé grave. Retour sur cette terrible journée qui n'a pas encore pris fin pour certains.
Le 11 novembre 2019, pendant 5 secondes, les 8 800 habitants du Teil en Ardèche sont secoués. Jamais depuis 1967, un tremblement de terre n'avait causé autant de dégâts en France. Les immeubles ne résistent pas au séisme de magnitude 5,4 et s'effondrent comme des châteaux de cartes. La population est sous le choc.
Des habitants doivent quitter leur maison
Le constat est catastrophique. Les habitants n'en reviennent pas "Tous mes placards se sont ouverts. Tout est tombé, il y a des débris partout, le plafond est tombé" ou encore "La maison, elle est partie, elle est partie comme ça" raconte cet habitant en faisant onduler ses bras, "elle est revenue. Il tombait des débris, j'ai crié à ma femme, sors vite, sors vite".
Le quartier de la Rouvière est ravagé, trois écoles et l'église du centre-ville sont également touchées. Au total, seulement quatre personnes seront légèrement blessées. Un miracle, car le tremblement de terre a eu lieu un jour férié et la plupart des habitants étaient chez eux. "Ça fait un peu plus de 30 ans que je suis pompier et c'est la première fois que je vois ça".
Partout, des fissures se dessinent sur les murs. Des centaines de personnes doivent être relogées en urgence, certains dans des gymnases. Peu ont dormi, revivant le séisme et s'inquiétant des suites notamment au niveau des assurances. Aujourd'hui encore, cinq ans après, certains dossiers sont toujours en souffrance.
Des procédures longues
Marita et Guy vivent dans un mobile home à Vivier, une commune voisine du Teil. Le couple aimerait bien regagner son ancienne maison, malheureusement, elle est toujours en travaux. "J'ai tendance à montrer ce qui va bien, mais en réalité, l'épreuve est extrêmement rude et on a beaucoup trinqué à la fois physiquement et intellectuellement" avoue Marita. Leur dossier est particulièrement lourd. Ils sont propriétaires d'une maison et d'un gîte rendus inhabitables par le séisme. "Dans les parties qui sont trop abîmées, l'ingénieur structure avait préconisé qu'il fallait détruire les murs" regrette Guy. En effet, les maçons ont préféré déconstruire la maison datant du 12ᵉ siècle pour repartir sur de bonnes bases.
Le couple n'est pas le seul dans une situation compliquée. Le collectif des sinistrés du Teil compte 2 200 victimes du séisme. "905 ont rejoint le collectif pour être aidés vis-à-vis des compagnies d'assurances. On a 60 % de maisons individuelles, 24 % de maisons mitoyennes et le reste sont des copropriétés" détaille Jean-Yves Hernoux, secrétaire du collectif. Habitant du Teil, il s'est donné pour mission d'aider les propriétaires dans l'impasse et suit les dossiers encore aujourd'hui, car certains dégâts sont apparus des années après le séisme. "On s'aperçoit que ça continue à bouger et que des fissures n'ont pas été prises en charge" explique Philippe Méjean qui suit le dossier de sa mère, âgée. Les travaux vont être plus lourds que prévu. Si son assurance prend en charge une bonne partie, il devra tout de même sortir 20 000 € de sa poche.
Un cas inédit en France
Côté scientifique, les chercheurs de toute la France se pressent pour étudier le séisme. Chose inédite, pour la première fois, une rupture s'est formée à la surface. "La rupture qui s'est propagée le long de la faille de la Rouvière est venue jusqu'à la surface et a cassé la route et l'a déplacée" analyse Jean-François Ritz, paléosismologue.
Des scientifiques de Grenoble étudient ce phénomène décrit comme extraordinaire. Le cimetière du Frayol a été transformé en laboratoire d'analyses depuis la catastrophe. "
On n'avait pas de station sismologique dans la zone de dégât et donc on a cherché différentes observations. Ici, les pierres tombales avaient glissé et grâce à ces glissements, on a pu remonter aux vibrations du sol" explique Mathieu Causse, chercheur à l'Université Gustave Eiffel, rattaché à Grenoble. À l'aide de leur matériel, ils font une sorte de photographie du sol pour déterminer l'identité du séisme et sa profondeur.
"Le séisme était très superficiel. L'hypocentre était à 1 km de profondeur, ce qu'explique l'accélération en surface extrêmement forte et qui a donc contribué aux dégâts".
Mathieu Caussechercheur à l'Université Gustave Eiffel, rattaché à Grenoble
Un séisme dont le foyer se trouve qu'à 1 km de profondeur, c'est inédit en France.
Autre site d'étude, la fameuse faille de la Rouvière. "Ça, c'est un plan de faille qui est découpé dans les calcaires anciens. Il s'est fabriqué il y a 25 millions d'années lors de l'ouverture de la Méditerranée" détaille Jean-François Ritz, paléosismologue - Chercheur au laboratoire Géosciences de Montpellier.
Deux hypothèses
Après cinq années de travail acharné, ils ont découvert que cette faille avait déjà cassé il y a 10 000 ans. En clair, la zone du Teil est active. "Ça signifie que ce petit morceau de faille de 5 km, qui fait partie d'un grand réseau de failles qui s'appelle le réseau de failles des Cévennes, est un réseau actif. Et qu'il y a probablement d'autres failles qui ont cassé. On a trouvé une faille à côté de la faille de la Rouvière qui a cassé il y a 300 000 ans", explique le chercheur.
Une zone active naturellement, mais pas uniquement. Selon certains sismologues, d'autres facteurs auraient pu réveiller le séisme. Il y a actuellement deux hypothèses qui ont été proposées. "La première, c'est celle des pluies, et l'autre hypothèse étudiée très rapidement après le séisme, c'est la carrière Lafarge qui opère depuis presque 200 ans (ces activités d'extraction de roche calcaire se trouvent au-dessus du foyer du séisme - NDLR). Quand on enlève de la masse de la surface de la terre, on perturbe les forces à l'intérieur de la terre" analyse Jean-Paul Ampuero, sismologue au laboratoire GéoAzur.
Pour mieux connaître l'origine du séisme, les chercheurs envisagent ces prochaines années d'effectuer des forages 1 km sous terre.
Et demain ?
Cinq ans après, le Teil n'est toujours pas guéri. Partout, des panneaux de signalisation, du matériel de chantier et des places vides. Au lendemain du séisme qui a détruit 1 200 logements et impacté 800 bâtiments, la priorité a été de reconstruire les écoles, aujourd'hui toutes neuves. Désormais, l'autre chantier, c'est l'hôtel de ville. Pour le maire, Olivier Pederelli, impossible de se détacher du tremblement de terre. Son casque de chantier lui rappelle qu'il y a encore du travail. La page n'est pas tournée.
"C'est émouvant, je ne passe pas une journée sans travailler sur le séisme depuis cinq ans, c'est assez éprouvant, mais en même temps ça avance" conclut-il.
Le coût de la restauration globale du Teil s'élève à 300 millions d'euros. Parmi les édifices importants, l'église du centre-ville fragilisée. Il a fallu la déconstruire, pierre après pierre, pour la rebâtir en 2025, juste à côté. Cette église alors à la particularité d'être reconstruite totalement avec une mémoire de l'ancienne église : les pierres que l'on retrouvera sur la façade extérieure, les vitraux repositionnés à l'intérieur, puis les cloches dans le clocher qui lui sera en bois" inventorie Mathilde Vigouroux, directrice adjointe des Services techniques du Teil.
La future place du centre-ville aura plus d'arbres et des coins d'ombre pour s'adapter au réchauffement climatique. Les modes de circulation vont être repensés pour privilégier les modes doux, mais il faudra attendre encore quelques années avant de découvrir son nouveau visage.