Depuis 11 ans, à Pierrefort, dans le Cantal, un foyer médicalisé accueille des personnes victimes de lésions cérébrales graves. Il en existe très peu, en France. Dans ce centre, 30 résidents y apprennent à surmonter le handicap, pour construire leur "vie d'après".
A Pierrefort, dans le Cantal, un foyer médicalisé accueille des victimes de lésions cérébrales graves. Parmi les patients, on trouve Alexis. Il y a 13 ans, sa vie a basculé. Atteint d'une tumeur, il est opéré plusieurs fois du cerveau. Alexis Marchand, résident du Foyer Médicalisé Mondain-Monval, explique : « Je ne suis pas nostalgique du Alexis que j’ai connu avant. Je suis toujours là. Je n’irai pas faire un tennis ou un foot avec vous mais je suis toujours là. Je suis resté longtemps à l’hôpital et quand je suis sorti, on a vu que ça n’allait pas. On savait que j’allais perdre mon œil droit parce que la tumeur était dessus, sur le nerf optique. Après, ils avaient évoqué l’hémiplégie et c’est ce qui s’est passé. A partir de l’opération, avec l’aide des professionnels de l’hôpital, il a fallu se rendre compte que la vie ne serait plus la même ».
Des capacités touchées
Depuis 10 ans, Alexis vit dans ce centre spécialisé. Ici, tous les résidents sont atteints de lésions cérébrales. Après un accident ou une maladie, une partie de leur cerveau a été endommagé. Chloé Haristoy, ergothérapeute, souligne : « Du point de vue moteur, on a l’équilibre, le port de charges, les préhensions fines, les préhensions un peu plus grossières. Il y a le travail de la force, les amplitudes articulaires. Au niveau cognitif et au niveau sensoriel, avec le toucher, on va éduquer le manque de sensibilité ».
En préparant leur déjeuner eux-mêmes, ces résidents réapprennent les gestes du quotidien. Alexis poursuit : « On s’adapte. On a des outils tous différents. J’ai une planche traditionnelle et un couteau normal. Mon collègue à côté a une planche avec des clous pour pouvoir planter sa courge, pour qu’elle ne bouge plus. Ceux qui sont en atelier cuisine veulent a priori pouvoir se débrouiller pour faire la cuisine. Ils ont un objectif de se retrouver un jour en appartement ou quelque part seul ».
La plasticité cérébrale
Chaque jour, plusieurs ateliers thérapeutiques sont proposés. Un travail de fourmi pour remettre le cerveau au travail. Yves Mathieu, résident du Foyer Médicalisé Mondain-Monval, raconte : « J’ai été touché au côté gauche du cerveau. Je suis paralysé du côté gauche. J’ai tendance à oublier les choses à gauche ». Amina Ben Yahia, la neuro-psychologue du centre, prépare un exercice de vision et de mémoire. Amina précise : « Ce qui est intéressant c’est qu’on a des phénomènes de plasticité cérébrale. Si une région cérébrale n’arrive plus à faire ce qu’elle doit faire, d’autres régions vont venir se substituer. Quand on fait de la rééducation, c’est ce qu’on essaie de faire. On fait appel à ces régions qui sont saines pour essayer de les faire retravailler lors de la rééducation ».
Un accident de la route
Dans la vie d'Yves, il y a le handicap mais il y a surtout Bob Marley. Yves Mathieu confie : « Il m’a aidé pendant 22 ans. Je ne pouvais pas écouter des musiques qui bougeaient trop, car je ne pouvais pas bouger et ça m’énervait. J’ai choisi un artiste qui est tranquille : je n’ai pas trouvé mieux que ça ». Il y a 22 ans, Yves est victime d'un accident de voiture. Un traumatisme crânien lui laisse des séquelles importantes. Yves ajoute : « Mes problèmes personnels sont la mémoire immédiate. Parfois je vais manger. Puis je téléphone à ma mère. Elle me demande ce que j’ai mangé et je suis incapable de lui dire. Je peux marcher avec une canne anglaise mais je n’ai pas d’endurance. Je fatigue vite et j’ai des problèmes de concentration. Après, j’ai le sourire et c’est déjà ça. C’est que ça va bien ».
De nombreux cas chaque année
En France, chaque année, entre 3 et 5 000 personnes sont atteintes de lésions graves au cerveau. Pourtant, très peu de structures existent pour les accueillir spécifiquement. Raphaël Planche, directeur du Foyer Médicalisé Mondain-Monval, rappelle : « Il y a en France 1,3 million de cérébrolésés, avec entre 3 et 5 000 cérébrolésés graves, liés à des accidents de la voie publique, des accidents du travail ou des AVC. C’est assez peu connu, pour autant on a tous dans notre entourage des personnes cérébrolésées, avec des atteintes plus ou moins fortes ».
Donner les "derniers coups de pédale"
Le mois prochain, Alexis quittera le foyer d'accueil pour un appartement thérapeutique. Un départ qu'il essaie d'anticiper : « Je me fais mes menus, de petit-déjeuner, de midi et du dîner. Je me prévois toute la liste de courses dont j’ai besoin. Par exemple, le lundi midi, j’ai prévu steak haché, haricots verts et glace et pour le soir, poêlée de légumes et banane. Je ne suis pas malheureux et je suis même heureux parce que je suis personnellement sur un chemin sur lequel je suis en train de voir ma vie d’après. Cela fait du bien. C’est comme pour le Tour de France : quand on passe une étape, on se dit qu’on va faire celle d’après et qu’on va arriver aux Champs-Elysées. Nous c’est pareil. Je suis peut-être plus près des Champs-Elysées que d’autres. Maintenant, il faut donner les derniers coups de pédale ».
Dans leur catégorie, Alexis et tous les autres sont déjà des champions. Ceux de la résilience et du courage.